Les mesures de partenariat public-privé et l’ouverture du capital des entreprises publiques permettront-elles de relancer une économie en berne ?

Economie

La libéralisation maîtrisée afin d’éviter un bradage du patrimoine public, un monopole privé plus néfaste qu’un monopole public, suppose une totale transparence dans la mise en œuvre et complexe de la transition d’une économie étatisée bureaucratisée, à une économie de marché concurrentielle à finalité sociale, une opération éminemment politique portée par de nouvelles forces sociales. Il faut préciser qu’il ne faut pas confondre le partenariat public-privé avec l’ouverture du capital des entreprises publiques. Une privatisation est la vente ou cession par l’État au secteur privé d’une partie ou de la totalité d’une entreprise publique. Dans le cadre d’un PPP, l’État verse une somme au secteur privé en contrepartie de l’offre de service et de la prise en charge éventuelle de la construction et de la gestion des infrastructures.La privatisation bien menée peut être le moteur de la croissance de l’économie nationale car favorisant l’émergence de structures concurrentielles, de nouveaux comportements fondés sur le risque et une nouvelle culture de l’entreprise (intervention du Pr A. Mebtoul suite à l’invitation de M. Steve Gunderson Président et Directeur Général du Council on Foundations (Conseil des fondations de Washington ) et Miss Jennifer Kennedy «GCDF Gunderson Council Foundation» qui s’ est tenue du 26 au 30 mai 2008 à New York (USA) rencontre co-organisée avec la fondation Bill et Melinda Gates et sponsorisée notamment par les importantes fondations Rockefeller, Ford, MacArthur, Andrew Mellon, Carnegie et Hewlett). Il appartiendra à l’Etat régulateur, garant de la cohésion sociale à laquelle je suis profondément attachée surtout en cette période de tensions budgétaires et internes et à nos frontières (voir revue la revue Djeich pour un Front social interne 2020/2021), de faire respecter le contrat entre les employeurs et les salariés afin que la logique du profit ne porte pas atteinte à la dignité des travailleurs.
La bureaucratie, héritage d’une économie administrée, constitue une des contraintes les plus fortes dont l’éradication est absolument nécessaire pour insuffler au marché la dynamique et la fluidité attendues. Sur le plan du système financier, la mise à niveau du système bancaire est un des axes majeurs car c’est au sein de cette sphère que les rythmes de croissance seront arbitrés à titre principal. L’objectif est d’aboutir à un système bancaire affranchi des ingérences, plus efficient et plus en harmonie avec les exigences d’une intermédiation financière performante et orientée vers l’économie de marché de capitaux. Pour ce qui est du système fiscal, celui-ci doit être plus incitatif, l’impôt pouvant tuer l’impôt, tout en autorisant une grande rigueur dans son application en vue de la lutte contre l’évasion fiscale par la mise en place d’un système d’information et de communication plus moderne et moins sujet à interprétation.
2.2.- Les conditions de réussite de l’ouverture du capital des entreprises publiques supposent de lever neuf contraintes. Premièrement, les filialisations non opérantes par le passé dont l’objectif était la sauvegarde du pouvoir bureaucratique. Deuxièmement, le patrimoine souvent non défini (absence de cadastre réactualisé numérisé) pose la problématique de l’inexistence des titres de propriété fiables sans lesquels aucun transfert de propriété ne peut se réaliser. Dans ce cadre, lors des avis d’appel d’offres, bon nombre de soumissionnaires, à des fins spéculatives, sont beaucoup plus intéressés par le patrimoine immobilier des entreprises publiques surtout dans les grandes agglomérations que par l’outil de production. Troisièmement, des comptabilités défectueuses de la majorité des entreprises publiques et des banques, la comptabilité analytique pour déterminer exactement les centres de coûts par sections étant pratiquement inexistantes et les banques ne répondant pas aux normes internationales, rend difficile les évaluations d’où l’urgence de la réforme du plan comptable actuel inadapté. rendant encore plus aléatoire l’évaluation dans la mesure où le prix réel de cession varie considérablement d’année en année, voire de mois en mois, de jour en jour en bourse par rapport au seul critère valable , existant un marché mondial de la privatisation où la concurrence est vivace. Quatrièmement, la non-préparation de l’entreprise à la privatisation, certains cadres et travailleurs ayant appris la nouvelle dans la presse, ce qui a accru les tensions sociales. Or, la transparence est une condition fondamentale de l’adhésion tant de la population que des travailleurs à l’esprit des réformes liées d’ailleurs à une profonde démocratisation de la société. Cinquièmement, la non-clarté pour la reprise des entreprises pour les cadres et ouvriers supposant la création d’une banque à risque pour les accompagner du fait qu’ils possèdent le savoir-faire technologique, organisationnel et commercial la base de toute unité fiable doit être constituée par un noyau dur de compétences.
Sixièmement, la résolution des dettes et créances douteuses, les banques publiques croulant sous le poids de créances douteuses et la majorité des entreprises publiques étant en déficit structurel, endettés, surtout pour la partie libellée en devises sans un mécanisme transparent en cas de fluctuation du taux de change. Pour ce cas précis, l’actuelle politique monétaire instable ne peut encourager ni l’investissement productif ni le processus de privatisation. La loi de finances 2021 fait les projections de 142 dinars pour un dollar en 2021, 149,71 dinars en 2022 et 156 dinars en 2023 donnant en tendance 250 euros sur le marché parallèle, sous réserve de la maîtrise de l’inflation qui en cas de hausse entraîne la hausse des taux d’intérêts des banques freinant l’investissement productif. L’anticipation d’une dévaluation du dinar dont la cotation est liée à plus de 70% au niveau des réserves de change, qui en même temps sont déterminées par de l’évolution des recettes de Sonatrach qui avec les dérivées procurent 97/98% des recettes en devises, qui sont passées de 194 milliards de dollars au 01 janvier 2014 à 44 milliards de dollars fin mai 2021 (avec toutes les restrictions qui ont paralysé la majorité de l’appareil de production) favorise les actes spéculatifs au lieu de l’investissement productif.
Septièmement, les délais trop longs avec des chevauchements de différents organes institutionnels entre le moment de sélection de l’entreprise, les évaluations, les avis d’appel d’offres, le transfert, au Conseil des Participations, puis au Conseil des ministres et la délivrance du titre final de propriété, ce qui risque de décourager tout repreneur, qui ira investir là où les obstacles économiques et politiques sont mineurs, le temps étant de l’argent.
Huitièmement, la synchronisation clairement définie permettrait d’éviter les longs circuits bureaucratiques et revoir les textes juridiques actuels contradictoires, surtout en ce qui concerne le régime de propriété privée, pouvant entraîner des conflits interminables d’où l’urgence de leur harmonisation par rapport au droit international. Les répartitions de compétences devront être précisées où il est nécessaire de déterminer qui a le pouvoir de demander l’engagement d’une opération de privatisation, de préparer la transaction, d’organiser la sélection de l’acquéreur, d’autoriser la conclusion de l’opération, de signer les accords pertinents et enfin de s’assurer de leur bonne exécution.
Neuvièmement, analyser lucidement les impacts de l’Accord d’Association avec l’Afrique, le monde arabe pour des zones de libre échange, et surtout l’Europe principal partenaire, toujours en négociations pour certaines clauses, pas l’Accord cadre, pour un partenariat gagnant-gagnant, qui ont des incidences économiques sur les institutions et les entreprises publiques et privées qui doivent répondre en termes de coûts et qualité à la concurrence.
En conclusion, comme je le rappelais déjà en 2013 (voir mes interviews sur ce sujet à l’Agence France Presse – AFP- 4 août 2013 et à Radio France Internationale 6 août 2013 «l’Algérie et les transferts illicites de capitaux»), il reste beaucoup à faire pour que nos responsables s’adaptent aux arcanes de la nouvelle économie, où se dessinent d’importants bouleversements géostratégiques mondiaux, croyant que l’on réalise des réformes à partir de lois, de commissions et de circulaires, ignorant tant les mutations mondiales que la morphologie sociale interne, avec cette l’instabilité juridique, monétaire et le manque de vision stratégique qui démobilisent les cadres du secteur économique publics, les investisseurs locaux et étrangers montrant clairement la dominance de la démarche bureaucratique au détriment de opérationnelle économique assistant à un gaspillage des ressources. Concilier l’efficacité économique et une profonde justice sociale dans le cadre d’une économie ouverte, la maîtrise du temps étant le principal défi des gouvernants au XXIe siècle, constitue en fin de parcours, le défi principal de l’Algérie. Force est de constater qu’au moment où les entreprises grandes et PMI/PME s’organisent en réseaux correspondant à une phase historique, où l’entreprise tend à se concentrer sur ses métiers de base en externalisant bon nombre d’activités secondaires, où l’industrie manufacturière connaît une crise rarement égalée au niveau mondial, avec la nécessaire transition numérique et énergétique, il y a lieu d’éviter des expérimentations théoriques avec des coûts faramineux pour le pays qui ne peut que le conduire à l’impasse faute de vision stratégique, étant à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale où préfigure un bouleversement mondial. (Suite et fin)
Professeur des universités
Expert international
DR Abderrahmane Mebtoul