L’année 2022 sera celle «des choix difficiles»

L’impossible défi de l’équilibre budgétaire

Depuis 2019, l’Algérie voit son déficit budgétaire se creuser face à la crise sanitaire du Covid-19 et la chute des cours du pétrole, ce qui a affecté, en parallèle, l’équilibre du compte courant. Un cumul qui n’a fait qu’accentuer le stock de la dette publique qui s’élevait fin 2020 à plus de 9.000 milliards de dinars, tandis que le déficit budgétaire est prévu, à titre de la loi de Finances complémentaire 2021, à plus de 3.300 milliards de dinars. Sans oublier les grands déficits publics.Pour débloquer cette situation, les autorités algériennes plaident depuis plus d’un an pour des solutions internes et laissent les solutions externes en dernier recours.
L’impact de cette crise financière s’est durement répercuté sur le pouvoir d’achat des Algériens et la trésorerie des entreprises et banques publiques devenues des « zombies banks «. Conscient de la complexité de la situation, l’Etat a décidé d’intervenir, en urgence, et de mettre en œuvre de nouvelles mesures spécifiques pour influencer volontairement la conjoncture actuelle. Parmi les mesures décidées par le Gouvernement, la révision de certaines dépenses publiques et de certains impôts pour soutenir le pouvoir d’achat et les entreprises nationales. Certaines de ces dispositions sont introduites dans l’Avant-projet de loi de Finances 2022 (APLF 2022), qui a été examiné la semaine dernière lors du Conseil des ministres.
Le chef de l’Etat a approuvé, dans le cadre de cette politique budgétaire, l’augmentation du point indiciaire de la Fonction publique et la réduction de l’Impôt sur le revenu global pour les ménages (IRG) et une remise de l’impôt sur la valeur ajoutée (tva) en faveur du secteur halieutique.
C’est un pas important pour réduire les écarts sociaux. Ainsi, les pouvoirs publics veulent poursuivre leurs efforts engagés dans le maintien de la cohésion sociale et l’exécution effective de la relance économique. Malheureusement, le manque de ressource de financement peut contrarier la mise en œuvre de certaines décisions, notamment, celles relatives au soutien de l’investissement national et des entreprises déficitaires. L’Etat a opté pour l’endettement public pour couvrir les déficits publics et l’emprunt obligataire. Le recours à l’endettement extérieur et à la création monétaire sont exclus à priori. L’Etat peut, par ailleurs, compter sur les allocations des droits de tirage spéciaux (DTS) alloués par le Fonds monétaire international (FMI) pour renflouer ses réserves de change, sans condition. Ces DTS ne suffisent pas pour faire sortir le pays de sa crise financière et surtout monétaire. La baisse continue de la valeur du Dinar et la crise de liquidité ont lourdement impacté l’octroi des crédits d’investissement, et ce, malgré l’intervention de la Banque Centrale qui a affecté 2.100 milliards de dinars pour refinancer les banques commerciales. En parallèle, il est indispensable d’accélérer la mise en œuvre du plan de relance et la transition économique pour se débarrasser du budget de l’Etat aux recettes pétrolières qui ont pris en otage l’économie de tout un pays. Le Gouvernement devra faire des choix difficiles pour relever la croissance et stabiliser l’inflation. Pouvoir ainsi relancer la consommation, l’investissement et par conséquent, l’emploi. L’important est de ne pas s’éloigner de sa trajectoire d’équilibre de son budget à la stabilisation de ces écarts budgétaires et publics et mener des réformes structurelles. Le Gouvernement a déjà fixé ses objectifs, sans autres précisions. Ces dernières seront introduites dans le texte de l’Avant-projet de loi de Finances que les pouvoirs publics doivent enrichir, conformément aux directives du Président Tebboune, car l’enjeu pour l’Algérie, actuellement, est de réussir à démarrer sa transition économique. Bien que l’Algérie n’ait pas l’intention de solliciter le FMI dans sa démarche de sortie de crise, néanmoins, elle reste attentive à ses recommandations et orientations. Parmi ses recommandations de sortie de crise, la mise en place d’un ensemble complet de «politiques budgétaire, monétaire, et du taux de change afin de réduire les vulnérabilités de l’Algérie». Également, «l’ajustement budgétaire général, qui donne en même temps la priorité aux mesures de protection des plus vulnérables, devrait être entamé en 2022 et s’échelonner sur plusieurs années pour maintenir la viabilité de la dette».
L’Algérie qui vit à un rythme décalé depuis des mois doit faire ses choix et traverser cette zone de turbulence pour éviter un naufrage économique aux conséquences irréversibles. Malgré les facteurs exogènes et endogènes perturbants, ses expériences précédentes peuvent l’orienter dans la réussite de cette transition.
Samira Takharboucht