Un art de se remettre en question

Enseigner, c’est apprendre plusieurs fois

Le métier étant un art ; il laisse supposer des prédispositions sans lesquelles celui qui le pratique ne peut travailler efficacement.L’expérience nous a apporté qui a acquis solidement un savoir moyennant des études, un recyclage continu, un ensemble de connaissances qui permettent la maîtrise du métier, une remise en question de soi, une meilleure adaptation de l’enseignement à la population scolaire.

Pour enseigner, il faut avoir appris soi-même
Donc, il ne suffit pas de dire qu’il y a un programme à suivre pour mener à bien sa tâche, il faut dominez son enseignement, être convaincant dans la communication des messages et plus performant dans sa méthodologie. La préparation des cours doit être une occasion de repenser à chaque fois le contenu de son enseignement et de consolider ses connaissances. Pour bien enseigner, la grande règle de toutes les règles, c’est de très bien savoir ce qu’on doit enseigner aux autres. Dans les pays avancés, on donne aux enseignants l’occasion de se recycler constamment et d’élever leur niveau de connaissances par la lecture de revues pédagogiques d’un contenu très copieux. On offre, ainsi, à tous toutes les opportunités pour consolider, diversifier ses connaissances en développant les facultés intellectuelles nécessaires à la recherche : souplesse de l’esprit, sens critique, réflexion, attention, capacité de mémorisation.

Enseigner, c’est apprendre
Cela signifie qu’on élargit chaque jour son champ de connaissances et qu’on apprend à mieux connaître ses élèves. En usant de tous les procédés et outils d’évaluation, on arrive à détecter les capacités, insuffisances et besoins de sa population scolaire à partir desquelles on adapte son enseignement à dispenser.
Tout cela exige non pas seulement un savoir, mais aussi et surtout beaucoup de savoir-faire en prévision des difficultés de toutes sortes dues essentiellement aux différences. «Commencez par mieux étudier vos élèves car, en vérité, très assurément, vous ne les connaissez point.»
D’un point de vue psychopédagogique, un enseignement personnalisé et une évaluation objective doivent concourir à une meilleure connaissance de ceux que l’on instruit moyennant des méthodes actives et vivantes.
On a connu par le passé des vrais enseignants qui, à force de se documenter dans divers domaines, sont devenus des sommités. Malheureusement, Ben Cheneb, auteur de nombreux ouvrages encore d’actualité, à l’exemple des Proverbes populaires du Maghreb, dont on voit une image publicitaire presque chaque jour sur nos quotidiens, a été d’abord un instituteur émérite. On a connu aussi Mohamed Saïd Boulifa, sorti de l’Ecole normale d’instituteurs et devenu, à force de recherches et de lectures, comme Ben Cheneb, son contemporain, un professeur émérite d’université. Ben Cheneb a même obtenu un doctorat en lettres.
Mohamed Dib a été un excellent instituteur qui a beaucoup appris dans tous les domaines. Il a beaucoup lu et si bien qu’il a acquis toutes les affinités de sa langue d’écriture qui n’était, pourtant, pas sa langue maternelle. Il a fini par avoir la maîtrise du roman au point d’exceller et d’avoir une renommée internationale, parce qu’il a été traduit dans les langues les plus parlées dans le monde.
Et que dire de Feraoun, fils d’un pauvre fellah illettré, qui s’est instruit dans les pires difficultés pour devenir instituteur à une époque où ceux qui exerçaient ce métier, parmi les Algériens, pouvaient être comptés sur le bout des doigts ? C’était par miracle qu’il était devenu un maître d’école, puis un écrivain dont la réputation avait traversé les frontières. Il semblait avoir lu toute la littérature russe d’une richesse immense. Et pour son premier roman le Fils du pauvre, il a préféré une belle citation de Tchekov en guise d’exergue pour une mise en évidence du contenu de cette première œuvre romanesque publiée timidement.
Tout ceci nous autorise à dire que le vrai enseignant est quelqu’un d’une vaste culture et dont l’action est constamment éclairée, vivifiée par des lectures au quotidien, particulièrement d’ouvrages féeriques en linguistique, didactique des langues, psychopédagogie. Ce qui a fait dire ces propos à un pédagogue : «Enseigner, c’est apprendre pour soi, mais aussi apprendre à connaître psychologiquement ses élèves.»
Ne peut-on, donc, pas dire que le rôle du maître ou du professeur est capital ? Pour peu que son niveau de culture générale soit satisfaisant et qu’il ait acquis une expérience suffisante, il aura compris que sa mission d’enseignant et d’éducateur est d’aider le jeune à devenir le conquérant de son savoir, l’artisan de sa propre éduction.
En d’autres termes, la mission finale de l’enseignant est d’apprendre à apprendre, d’aider avec beaucoup d’habilité le jeune à traverser deux périodes cruciales : l’enfance et l’adolescence pour qu’il devienne un adulte pleinement autonome.
Abed Boumediene