Les pilleurs de liège des forêts de l’Edough

Richesses naturelles

Le phénomène de l’exploitation illégale ou du vol du liège au niveau de la commune forestière de Souk-Ahras, Annaba, Jijel el Milia, au Sud-est de la wilaya de Jijel, prend une grande ampleur malgré les efforts des services de sécurité et des gardes-forestiers.

Dernièrement, les éléments de la brigade de gendarmerie d’El Milia ont intercepté un véhicule utilitaire de marque Toyota Hilux avec à son bord six quintaux de liège au lieudit «Mechat» en pleine forêt de la région d’El Milia. Les trois occupants ont été déférés devant le magistrat instructeur près le tribunal d’El Milia. Le véhicule saisi a été placé à la fourrière de la commune et la marchandise remise à la subdivision des forêts d’El Milia. La situation est alarmante et devant le chômage sans cesse galopant qui touche des franges entières de la population locale, certaines personnes récoltent le liège pour le vendre à des entreprises de transformation à des prix dérisoires. Les voleurs et les exploitants illégaux du liège ont trouvé un terrain favorable pour toute exploitation de cette richesse naturelle.
La production du liège dans la wilaya de Souk-Ahras a dépassé pour la première depuis de nombreuses années les prévisions, elle a enregistré une augmentation estimée à 13 4%. Atteignant les 7 411 quintaux à la fin du mois d’octobre 2019 sur une superficie globale de 14 341 hectares répartis entre les communes de Mechroha, Ain Zana et Ouled Driss.
Certainement, le liège rapporte toujours de l’argent et c’est ce qui pousse les pilleurs à piller le liège et à le transformer. A Jijel à 27 km de cette wilaya dans la commune de Chekfa, un réseau de pilleurs de liège qui activent dans la transformation de cette matière dans une unité clandestine à l’aide de deux machines, ont été arrêtés par les services des forêts fin août 2019. Soit 20 sacs de poussière de liège, le matériel de transformation et les machines utilisées ont été confisqués. Selon toute vraisemblance, les trafiquants de liège ont refait surface ces derniers jours par manque de vigilance.
Tout laisse à penser que le trafic de liège reprend de nouveau à l’Est du pays. Des camions transportant des quantités importantes de cette matière naturelle ont été aperçus par des citoyens de la commune de Seraidi, distante d’une dizaine de kilomètres d’Annaba. Ils avaient pillé, semble-t-il, les forêts de Bouzizi et sa périphérie, dénonce-t-on.
Le pillage des richesses naturelles à travers l’exploitation illicite notamment du sable, du corail, du rond à béton, du liège et autres richesses du pays font perdre à l’Algérie des millions et des millions de dollars. Or, notre enquête nous avait emmené un peu plus loin pour dévoiler certains agissements de personnes sans foi ni loi qui, pour s’enrichir, détruisent notre environnement au vu et au su de tout le monde. En effet, la chaîne liège est un arbre exclusivement méditerranéen et l’Algérie est un pays qui possède le plus grand potentiel dans ce produit. Celle-ci est classée troisième producteur mondial de liège après notamment le Portugal et l’Espagne. D’après les récentes statistiques établies par le département du ministère de l’Agriculture et la direction générale des forêts, notre pays dispose de plus de 400 000 hectares de chêne liège pour une production annuelle de l’ordre de 300 000 qx de liège brut. La production moyenne de liège brut était avant durant les années 2000 évaluée à 80 000 qx pour diminuer à 51 000 qx seulement en 2009. La superficie actuelle occupée par le chêne liège est de 230 000 hectares alors que du côté de la région de Annaba, la Conservation des forêts de la wilaya avait estimé la campagne de récolte du liège pour le ramassage et le stockage à plus de 1 200 qx de ce produit.
L’essentiel de la superficie de liège est localisé dans les communes de Berrahal, Séraïdi, Tréat, Oued Aneb et Chétaïbi. Ainsi durant l’année 2009 c’était 300 ha qui avaient fait l’objet d’un reboisement au titre d’un programme de réhabilitation des superficies forestières ainsi que de la plantation d’arbustes de liège dans la cadre d’un programme prévoyant 450 ha.
Or, on avait enregistré une importante diminution de la production dans certaines zones forestières où les exploitants sont en recul dans plusieurs zones comme Chehiba, entre Oued el Aneb et Aïn Berbar, souligne-t-on.
A ce sujet, il faut savoir que ce produit forestier (le liège) qui est l’un des plus rares produits hors hydrocarbures rapporte à l’Algérie par an l’équivalent de 300 millions de DA dans l’exportation vers divers pays notamment la France, l’Espagne et les USA. Sa transformation dans quelques unités industrielles public basées à Jijel, Skikda et Béjaïa donne des produits qui sont les bouchons, polystyrène, liège aggloméré et matière d’étanchéité en global.
Sur le plan du marché mondial du liège, sa production est bien convoitée occupant une place stratégique certains spécialistes de la filière font savoir que Algérie accuse un grand retard dans le développement de la chaîne de la transformation du produit brut. En 2009 la production mondiale avait atteint les 340 000 tonnes soit 81% de cette production provenait du Portugal, l’Espagne et la France et 19% seulement des pays maghrébins à savoir l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, indique-t-on. Le Maroc réalise en moyenne des recettes issues des exportations de 15 millions de dollars tandis que notre pays chiffre dans les 4 millions de dollars seulement. Les 400 000 ha de chêne liège que Algérie dispose se concentrent principalement dans la région de Constantine, la Kabylie et quelques milliers hectares dans le département du centre.

Les forêts de l’est ravagées par la mafia du liège forestier
Selon des sources crédibles proches de l’administration des forêts dont la mission principale est la protection et la préservation du patrimoine national. Dans cette optique, La Nouvelle République apprend que la redoutable mafia du liège est particulièrement impliquée dans l’exportation illégale de cette matière et opère avec des alliances très influentes. Sachant que le liège algérien est de qualité supérieure. Or son exportation illicite vers les pays étrangers rapporte des sommes d’argent faramineuses.
Certains habitants de la région montagneuse Edough ont affirmé à voir vu des camions circulés chargés de liège apparemment volés à partir de la région de Séraidi à Annaba.
D’après des sources fables et sûres, les régions exploitées illégalement sont les wilayas de l’Est notamment Annaba qui est la zone forestière de Séraidi , Oued Aneb , Berrahal, Ain Barber et Chetaibi aussi les wilayas de Jijel et Souk-Ahras. Puisque on y trouve d’importantes zones montagneuses riches en liège et où les réseaux maffieux opèrent clandestinement pour exploiter cette matière très recherchée avec la complicité de leurs protecteurs «concessionnaires» qui parviennent facilement à faire passer le liège par la frontière algéro-tunisienne à l’Est et la frontière algéro-marocaine à l’Ouest, précise-t-on encore.
Majoritairement, les acheteurs sont des Espagnols, des Portugais, des Tunisiens et des Marocains. Depuis l’apparition du phénomène du terrorisme, l’administration des forêts s’est retrouvée dans l’impossibilité de mener convenablement sa mission de préservation des richesses naturelles. Ayant cessé de délivrer les autorisations d’exploitation, cette situation avait permis à la mafia du liège d’agir librement dans un terrain libre et hors contrôle. Les exploitants récoltent et transportent le produit brut sans autorisation préalable vers les dépôts appartenant à des barons inconnus généralement sur la scène qui disposent de véritables réseaux agissant pour leur compte. Selon nos informations, les seuls qui se font prendre dans les barrages érigés par les services de sécurité sont les transporteurs. Dans ce chapitre plus d’une centaine d’arrestations avaient été opérées déjà par les services de sécurité dans plusieurs villes telles que Jijel, Béjaïa, Souk-Ahras, Collo, Ouled Attia et Annaba avec comme chef d’inculpation : transport clandestin et exportation illégale de chêne liège, nous a-t-on indiqué.

Surexploitation de cette ressource naturelle
Si l’on croit les chiffres de la direction générale des forets DGF, la récole de ce produit de forêt n’avait pas dépassé les 100 000 quintaux depuis les années 1970 alors que la plus grande quantité récoltée estimée à 350 000 quintaux soit 28 665 m3 avait été enregistrée après l’indépendance d’Algérie mais il existe aujourd’hui dans les zones forestières des réseaux qui se sont spécialisés dans la matière faisant la surexploitation des arbres détruisant ainsi leur régénération de cette ressource naturelle. Notons enfin que la surface de liège dans le monde est de 2 200 000 ha dont 440 000 ha se trouvent en Algérie notamment dans 19 wilayas de l’est à l’ouest et aussi au Maroc et en Tunisie.
Il se localise en Europe dans les pays comme la France, le Portugal, l’Espagne et l’Italie.
Oki Faouzi