Autour des constantes et les variables dans les Constitutions algériennes

Dernier ouvrage de Mohamed Saïd Boussadia

Le chercheur et écrivain Mohamed Saïd Boussadia a présenté dans son dernier ouvrage une étude sur les constantes et les variables dans les Constitutions algériennes de 1962 à 2020, à travers une «analyse historique approfondie» des conditions politiques et socio-économiques ayant façonné et élaboré les différentes Constitutions.Intitulé «Les constantes et les variables dans les Constitutions algériennes: de la Constitution de 1963 à la Constitution de 2020», l’ouvrage de M. Boussadia a mis en avant, à travers «une analyse historique approfondie», l’impact des conditions politiques et socio-économiques qu’a connues l’Algérie depuis l’indépendance, sur la manière de façonner et d’élaborer les différentes Constitutions caractérisées, beaucoup plus par des variables liées à la nature du système politico-institutionnel et socio-économique. Il a relevé, dans un entretien à l’APS, que «plusieurs constantes, liées davantage aux questions historiques, identitaires et à la politique extérieure, ont été maintenues depuis la promulgation de la première Constitution en 1963». Pour M. Boussadia (61 ans), «les Constitutions algériennes sont caractérisées par des dispositions variables plus que celles des constantes, ce qui explique d’ailleurs ce recours systématique à la révision constitutionnelle pour faire face aux différentes crises politiques et institutionnelles qu’a connues l’Algérie depuis l’indépendance», estimant que «l’objectif demeure la recherche des solutions adéquates et appropriées à travers la Loi fondamentale du pays afin d’arriver à une stabilité politique et institutionnelle».
Dans le premier chapitre intitulé «Les constantes et les variables dans les préambules des Constitutions», le chercheur a procédé à une comparaison entre les différents préambules pour conclure que «les constantes sont liées aux questions historiques, la Révolution de novembre 1954 et le rôle du FLN historique dans la restauration de la souveraineté nationale et de la construction d’un Etat moderne ainsi que la nationalisation des richesses nationales et l’engagement en faveur des causes justes des peuples opprimés».
Dans le même chapitre, cet ancien diplômé de l’Ecole nationale d’administration (ENA) en 1985 a conclu que les questions variables sont nombreuses et liées principalement, aux systèmes institutionnels, à savoir le passage du système socialiste et du monopartisme dictés par les Constitutions de 1963 et 1976, au système libéral et à la séparation des Pouvoirs instaurés par la Constitution de 1989, faisant observer que «le préambule de la Constitution de 2020 a consacré des questions inédites par rapport aux Constitutions précédentes».
Il cite à ce titre «la Déclaration du 1er novembre 1954, le document fondateur de l’Etat algérien à coté de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, le caractère historique du FLN pour le différencier du parti FLN», tout en introduisant les notions de sécurité juridique et démocratique, sans pour autant négliger les questions environnementales et le rejet des discours haineux et discriminatoires. Abordant les principes généraux régissant la société algérienne, l’auteur a relevé «une évolution quantitative et qualitative dans la définition de ces principes à travers l’ensemble des Constitutions», soulignant que «plusieurs constantes ont été maintenues dès la première Constitution, notamment l’appellation officielle de l’Etat algérien à savoir République algérienne démocratique et populaire, l’Islam religion de l’Etat, la langue arabe comme langue nationale et officielle, la capitale du pays qui est Alger, l’emblème nationale et l’hymne national, le sceaux de l’Etat qui est fixé par la loi, la souveraineté nationale qui appartient au peuple, la solidarité avec tous les peuples qui luttent pour leur libération ainsi que le non recours à la guerre pour porter atteinte à la souveraineté légitime et à la liberté d’autres peuples et le règlement des différents internationaux par des moyens pacifiques».
Dans le même contexte, ce chercheur a fait remarquer que la question linguistique a connu une «évolution institutionnelle» dans la mesure où «la langue Tamazight est devenue langue nationale dans l’amendement de la Constitution de 1996 en 2002, et langue officielle dans la Constitution de 2016», ajoutant qu’il en est de même pour «l’ANP qui a connu une évolution dans ses missions principales, passant des missions de participation à la construction du socialisme, dans les deux premières Constitutions, aux missions classiques de défense de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays». Le chapitre IV de son ouvrage a été consacré à l’organisation et la séparation des Pouvoirs, estimant que «le système constitutionnel algérien a connu une évolution qualitative d’un point de vue idéologique et institutionnel qui a impacté l’organisation des Pouvoirs et leurs missions», rappelant que «le FLN dans les deux premières Constitutions avait une mission politique bien définie» alors que dans la Constitution de 1989, sa mission consiste en «une nouvelle organisation caractérisée par la séparation des trois Pouvoirs, l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire».
Une organisation maintenue dans les Constitutions de 1996 et 2016, alors que la Constitution de 2020 a séparé la fonction du président de la République de celle du chef de gouvernement ou du Premier ministre selon le cas, qualifiant «le Pouvoir législatif de parlement et le Pouvoir judiciaire de la justice».
Le chercheur a, en outre, rappelé que «la Constitution de 1976 est la seule Loi fondamentale qui a qualifié les différents Pouvoirs de fonctions et que la Constitution de 1963 est la seule qui a engagé la responsabilité du président de la République devant la Chambre des députés».
M. Boussadia a relevé que l’ensemble des Constitutions ont prévu que «la levée de l’immunité parlementaire est décidée, selon le cas, par la majorité des députés de la Chambre basse ou des membres du Conseil de la nation, à l’exception de la Constitution actuelle qui a renvoyé ladite levée à la Cour constitutionnelle», ajoutant que «la Constitution de 1996 est le premier texte fondamental ayant a limité les mandats présidentiels à deux, avant d’être annulés dans la modification de 2008 par le Président Bouteflika, lequel les avait alors introduits de nouveau dans la Constitution de 2016 et les a considérés comme une constante qui ne peut pas être modifiée dans une éventuelle révision constitutionnelle».
Il a ajouté que «la Constitution de 2020 est la seule Loi fondamentale ayant fixé la députation à deux mandats parlementaires consécutifs ou séparés». Le chapitre VII du livre a été consacré à la révision constitutionnelle, indiquant que «chaque Constitution avait sa démarche consacrée à l’introduction des modifications constitutionnelles». Ainsi dans les Constitutions de 1976 et 1989, la révision constitutionnelle est décidée à l’initiative du président de la République, alors que dans les autres Constitutions, l’initiative revient au président de la République et aux députés, ajoutant que l’ensemble des Constitutions prévoyaient le recours au référendum populaire à l’exception de celle de 1976 qui a introduit une disposition relative au volet des amendements constitutionnels. Pour M. Boussadia, retraité après une expérience professionnelle de 35 ans de services dans les domaines de contrôle financier et des études juridiques et économiques, ce travail «scientifique et académique» est destiné aux spécialistes en droit et institutions publiques, en science politique et histoire contemporain de l’Algérie.
R.C.