Egypte : L’état d’urgence abandonné

Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien a mis fin à l’état d’urgence en place de manière quasi continue dans le pays depuis 1981. Mais pour les observateurs, l’annonce s’ajoute aux « mesures cosmétiques » adoptées par le raïs pour rassurer les capitales occidentales. C’est sur un air de victoire que le président égyptien a fait part de sa nouvelle décision d’abandonner l’état d’urgence en Egypte. « L’Égypte est devenue une oasis de sécurité et de stabilité dans la région, et j’ai donc décidé, pour la première fois depuis des années, de suspendre l’extension de l’état d’urgence à travers le pays », pouvait-on lire sur les comptes officiels de Abdel Fattah al-Sissi. Mais derrière les mots de la présidence, il y a à la fois bien plus en jeu que ce qu’il n’y paraît, et beaucoup moins. Bien plus, parce que Abdel Fattah al-Sissi provoque cette décision d’apparence administrative et technique comme pour faire la preuve de la réussite de son modèle de gouvernement : militaire, liberticide, autoritaire. En félicitant le « grand peuple égyptien » pour sa « bataille et son travail acharné », il envoie un message clair à la communauté internationale, sous-entendant que la mission de sécurisation qu’il s’était fixée lors de son arrivée au pouvoir en 2013 est désormais remplie. Après avoir contenu la menace jihadiste dans le Sinaï, mais aussi imposé la censure et l’arbitraire dans l’espace public, M. Sissi est effectivement parvenu à «nettoyer» son champ de vision. Mais en présentant les choses sous cet angle, l’ancien chef des forces armées gonfle également la portée effective de sa décision. La loi d’urgence votée en 1958 accorde aux autorités de larges prérogatives leur permettant de surveiller, d’arrêter, de détenir des suspects, de réquisitionner des biens ou de juger. Mais la loi n’était plus, depuis déjà des années, l’instrument principal de la répression. Entre la première partie de son mandat et aujourd’hui, le chef de l’État a mis au point et perfectionné un solide système au sein duquel l’état d’urgence n’est qu’un élément parmi d’autres. Le caractère particulièrement vague des prérogatives de la cour en avait fait un instrument redoutable au service du pouvoir. « Une fois que le verdict est prononcé, c’est fini. Les charges sont très vagues, en lien avec la sûreté d’État : vous pouvez être accusé d’avoir rejoint un groupe terroriste, de publier de fausses informations, c’est suffisant », remarque Maged Mandour. L’état d’urgence a été appiqué, notent les responsablesde ce pays, pour la paix en Egypte.