L’Algérie fait face à «un difficile aveu d’échec»

L’Accord d’association avec l’UE plombe l’économie nationale

Aujourd’hui, l’Algérie veut réévaluer l’Accord d’association, signé à Valence en 2002, avec l’Union européenne (UE) afin de l’actualiser et l’adapter à la conjoncture actuelle. Les hommes d’affaires algériens et les économistes sont convaincus que cet accord a été mal négocié, à l’époque par les autorités qui tentaient de faire face aux répercussions négatives du Plan d’ajustement structurel imposé par le Fonds monétaire international (FMI). Seize ans après son entrée en vigueur, l’Algérie fait son bilan. Un bilan critique. Cet accord a creusé le déséquilibre commercial entre l’Algérie et l’UE qui tire à elle seule profit de la situation, tandis que l’Algérie voit ses déficits augmenter et ses parts des investissements étrangers directs (IDE) s’effondrer. Les experts algériens crient à l’arnaque et demandent sa révision ou son annulation. C’est le cas du président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Nasri et expert en commerce extérieur qui appelle à son annulation évoquant l’article 107.
«Si cet accord se résume à la partie commerciale, je suis de ceux qui appellent à appliquer l’article 107 qui permet d’y renoncer», a-t-il insisté.
Ce qui est logique vu l’état du commerce extérieur national qui cumule un déficit de plusieurs milliers de dollars, depuis plusieurs années, plombé par la hausse de la facture des importations comparé à celle des exportations vers l’UE. Selon le bilan avancé par des économistes, entre 2005 et 2015, le volume des exportations algériennes hors hydrocarbures n’a «même pas atteint 14 milliards de dollars, alors que le cumul des importations algériennes auprès de l’UE s’est chiffré à 220 milliards de dollars». L’Algérie a cumulé plus de 700 milliards de DA aux recettes douanières algériennes durant la même période, selon le même bilan. Quant aux IDE européens en Algérie sont en baisse de 6%, en 2019. L’Algérie n’a aucun intérêt à maintenir cet accord périlleux.
Suite à ce constat négatif et en réponse aux doléances des hommes d’affaires algériens, notamment, des exportateurs qui se sentent lésés, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné, lors du dernier Conseil des ministres, la révision de l’Accord d’Association entre l’Algérie et l’Union européenne, selon une «approche gagnant-gagnant». En effet, la remise à plat de cet accord est devenue nécessaire et urgente pour instaurer un certain équilibre commercial et économique entre les deux parties signataires, mais surtout pour préserver la production nationale, promouvoir ses exportations hors hydrocarbures vers l’Europe et augmenter les investissements. Vingt six ans (2005) plus tard après son entrée en vigueur, les analystes économiques remettent en cause les défaillances réglementaires de cet accord et plaident pour sa révision en urgence pour corriger les déséquilibres commerciaux et respecter leurs engagements relatifs au transfert de technologie, à la circulation des personnes ou encore au renforcement des IDE, en baisse de 19%, selon le dernier rapport de la Banque mondiale (BM). Quant au déséquilibre commercial enregistré entre l’UE qui est premier fournisseur de l’Algérie est évalué à 45% de parts de marché en 2019, ce qui a fait augmenter les déséquilibres.
Lors de son passage sur les ondes de la radio nationale, Chaîne III, M. Ali Bey Nasri a insisté sur la nécessité de revoir ce dit accord et le remettre à jour, dénonçant la violation de certaines règles commerciales par les pays européens. Il cite «des erreurs d’appréciation concernant l’abaissement du taux moyen pondéré des droits de douanes, qui était de 32% avant l’accord et de 18% après son application», estimant, à cet effet, que «lorsqu’on va vers un accord, on a intérêt à augmenter les droits de douanes et non pas les baisser». Il parle aussi de verrouillage des secteurs des «postes services, agricole et produits agricoles transformés», difficilement exportables vers l’Europe en raison du blocus réglementaire imposé par ce bloc. Un blocage que contestent les chefs d’entreprises algériens, les économistes et les pouvoirs publics. Ces derniers n’ont toujours pas démantelé les derniers droits de douanes sur les produits industriels, prévu dans l’accord. Un retard qui contrarie l’UE qui fustige la démarche de l’Algérie et l’accuse d’être responsable de l’échec de cet accord.
En effet, ces dernières années, l’Algérie se détourne de la zone de libre-échange européenne et se concentre sur le développement de son sud du commerce panafricain (ZLECAf). Une démarche que salue M. Ali Bey Nasri, qui estime que l’Algérie devra aussi miser sur son projet d’accession à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et abandonner cet accord qui profite à quatre pays européens. «25% des importations algériennes sont d’origine française, ce qui équivaut à quelques 80 milliards de dollars. Viennent ensuite l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Ces 4 pays totalisent 72% des exportations européennes vers l’Algérie», a-t-il précisé.
Samira Takharboucht