«Le championnat national doit encore se soigner»

Mouloud Iboud (ex-international et capitaine de la JSK) :

Capitaine emblématique de la JS Kabylie, Mouloud Iboud évoque ici le championnat dit professionnel, la sélection nationale, mais aussi l’état de nos terrains.La Nouvelle République : Si je vous dis Equipe nationale algérienne ?
Mouloud Iboud : incontestablement, c’est le porte-drapeau du pays, l’ambassadrice qui représente et défend les couleurs algériennes et impose sa marque sur les terrains. J’ajouterais, pour qu’une équipe représente son pays, il importe qu’elle soit composée des meilleurs joueurs, sélectionnés sans passe-droits ni favoritisme. Depuis août 2018, jour où Djamel Belmadi est nommé à la tête des Verts en qualité de sélectionneur, il n’a cessé d’afficher des bilans qui illustrent son professionnalisme, des bilans assez impressionnants. En 33 rencontres, Belmadi, a pris une moyenne de 2,43 points par match. C’est le meilleur ratio d’un entraîneur de la sélection algérienne (avec 10 matches au moins), son équipe, faut-il le signaler, vient d’égaler la série de l’équipe de France ou celle de la Hongrie. Mais c’est surtout la plus longue série en cours, celle de l’Italie avec la défaite contre l’Espagne (37 succès de rang, plus longue de l’histoire). Avec lui sur le banc et des joueurs de qualité sur le terrain, les Verts continuent de vivre un rêve éveillé, et l’Algérie ne peut que s’enorgueillir d’avoir un sélectionneur qui n’a comme seul et unique objectif que de gagner avec des joueurs qu’il a lui-même sélectionné mais jamais imposé. Sans exagérer, je dirai que le fait de prononcer son nom, rassure déjà les millions de supporters algériens.

Avant d’aborder les échéances de la coupe du Monde, comment Mouloud Iboud, a-t-il réagi à la réaction de Belmadi sur l’état du terrain de Tchaker ?
Vous pensez bien qu’il n’est pas normal, qu’en 2021, l’on ne puisse pas avoir un terrain aux normes internationales pour affronter nos adversaires africains, alors qu’en Afrique, des équipes qui traversent des situations très difficiles, tant économique que sociale, possèdent de meilleurs stades que les nôtres. Chez nous, il y a pratiquement que ce terrain où l’Equipe nationale peut évoluer. Oui, Belmadi après maintes réclamations, ne pouvait que manifester sa colère et dénoncer un état de fait. D’ailleurs, il n’est pas le seul à le faire, nous avons aussi tiré la sonnette d’alarme. Saluons, enfin l’intervention du ministre de la Jeunesse et des sports qui confie la gestion du stade à la Fédération algérienne de football.

Le stade de Blida n’est pas le seul…
Effectivement, c’est pratiquement la désolation, la carte des stades le démontre, vous avez celui d’Oran, Douéra, Tizi-Ouzou, dont les travaux refusent de s’achever pendant que celui de Bouira est à l’abandon. J’ajouterai celui du 5 Juillet tant de fois rénové et la fois dernière, il a été carrément fermé puis ouvert ce mardi pour le derby MCA- CRB, et on ne sait pas s’il va être une nouvelle fois fermé…C’est dramatique.

Les échéances de la coupe du Monde approchent. Comment Iboud voit-il la suite du parcours des Verts ?
Il faut jouer d’abord ce match de Djibouti, qu’il faudrait gagner, c’est une équipe qu’il faut respecter, ne pas sous-estimer. C’est un adversaire comme tant d’autres, qui souhaiterait gagner la partie, après bien sûr, nous savons tous que le match le plus attendu est celui du Burkina Faso, un adversaire de qualité, et ce, au regard la performance de ses joueurs qui évoluent dans les championnats européens. C’est donc un match décisif pour la qualification. Un seul sera qualifié, donc il va falloir terminer 1er du groupe, même si au final, on se retrouve à égalité de points, l’Algérie a une différence de points au goal- average très importante.
La meilleure option, c’est de gagner et prendre les trois points. L’Algérie a les moyens de gagner, elle a de meilleurs joueurs dans l’ensemble des compartiments en défense, en milieu et en attaque, souhaitons que Belmadi n’aura pas à enregistrer de blessés lors des matchs de la coupe européenne qui se jouent actuellement, ce qui priverait l’Equipe nationale de ses meilleurs éléments. Je profite pour vous dire que je suis très content du retour de Slimani sur les terrains. C’est un apport supplémentaire.
La nouvelle saison, 2021/2022, vient tout juste de démarrer. Qu’attendez-vous d’elle, bien que vous ne soyez pas dans le bain ?
D’abord, il y a la FAF qui donne l’impression de faire face à de petits conflits internes au sein de son Bureau fédéral, et cela a, bien entendu, des répercussions sur l’entame du championnat national. Dès lors, il paraît utile et judicieux pour la FAF de travailler à faire connaître et reconnaître le modèle footballistique national de toutes les manières possibles. Et pour réussir ce travail de marketing, j’estime que le président de la FAF a tout intérêt à imposer une règle disciplinaire, parce qu’il y va de l’image de l’instance qu’il représente. A commencer par cette question de cumul de fonction, ou des gents s’accrochent à leur poste et qu’ils ne veulent pas lâcher. Il y a des présidents de Ligues qui sont à la fois membre du Bureau fédéral, ceux là ne veulent céder leur place, alors qu’il a une note du MJS qui interdit tous les cumules. Malheureusement, il y a ceux qui font fi de cette note au lieu de s’occupent plutôt du développement du championnat national. J’avais déclaré sur un plateau de télévision que l’Equipe nationale a besoin d’un président qui aura à la gérer, ce qui permettra aux responsables du football de s’occuper du championnat national et nous faire sortir des pupilles. Parce qu’on ne peut pas éternellement compter sur nos confrères algériens, évoluant à l’étranger, ce n’est pas pour les remettre en cause, ce sont aussi des Algériens à part entière, mais il va falloir assurer une formation pour avoir de bons joueurs et lorsqu’il y a de bons joueurs il y a un bon niveau et lorsqu’il y a un bon niveau, c’est le championnat qui gagne en image. Aujourd’hui, quoique l’on dise, le niveau de l’Equipe nationale ne reflète aucunement le niveau du football algérien. Il y a ceux spécule en disant que le football national se porte bien au regard de l’image des Verts, non, l’Equipe nationale est à part. Elle recèle des joueurs professionnels qui évoluent certes à l’étranger. Je dois vous dire que certains joueurs qui évoluent hors de nos frontières ne sont sélectionnés qu’une fois qu’ils sont là-bas à l’étranger, moi je dis que tout ça est à revoir et à discuter.

Vous ne ratez aucune occasion pour évoquer le professionnalisme ?
Le professionnalisme, moi je l’avais dénoncé à sa naissance. Ils se sont précipités à le mettre en œuvre. Aujourd’hui, il y a énormément de problèmes et de l’avis de spécialistes, il va falloir y remédier tout de suite. On ne peut pas continuer comme ça, il y a des clubs professionnels qui gèrent un pactole d’argent public. Ils peuvent se payer des joueurs avec de gros salaires et vous avez à côté ceux qui font l’aumône à travers leurs communes ou wilaya, ou alors à la recherche de sponsors pour pouvoir payer leurs joueurs, notamment pour ceux qui sont endettés…Il faut remettre de l’ordre dans tout ça. Soit tous les clubs bénéficieront de sociétés nationales comme ce fut par le passé dans le cadre de la reforme de 1978, ou bien revenir au véritable professionnalisme avec le cahier des charges et le respecter. Celui qui peut être professionnel, Allah Ibarek. Celui qui ne peut pas restera amateur. Il n’est pas interdit d’avoir trois, quatre, cinq clubs professionnels dans un championnat, et les autres resteront amateurs parce que les clubs qui peuvent décrocher des sponsors ou des investisseurs ou des capitales des entreprises peuvent financer ces clubs là. Les autres resteront en amateur, tout en pouvant jouer en deuxième division. Il y a énormément d’incohérence dans ce championnat. Lorsqu’on est professionnel, on n’a pas le droit de demander des subventions à la wilaya ou à l’APC. C’est de l’argent public, même si des entreprises aident certains clubs, c’est de l’argent public, donc du contribuable, tu dois t’autofinancer. L’histoire du professionnalisme, il va falloir la revoir de fond en comble. Nous avons une Equipe nationale dont ses joueurs sont des professionnels. Il y a des clubs qui sont gérés par des entreprises nationales, non seulement, mais en plus de cet avantage, ils trouvent encore d’autres sponsors du secteur public au détriment des autres clubs qui n’ont pas les moyens pour assurer les salaires. Pour moi, il n’y a pas une volonté politique pour mettre fin à ces scénarios.

Propos recueillis par H. Hichem

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