Malgré des divergences, deux partenaires stratégiques

L’Accord d’Association Algérie/Europe

Dans la pratique des relations internationales n’existent pas de sentiments mais que des intérêts et même un pays comme la France pour les 50 milliards d’euros de marché des sous-marins vient de l’apprendre à ses dépens.C’est dans ce cadre que l’Accord signé le 1er septembre 2005, que le président Abdelmadjid Tebboune vient de réitérer au dernier Conseil des ministres le 31 octobre 2021, de réétudier les clauses de l’ Accord d’association entre l’Algérie et l’Union Européenne, selon une approche gagnant-gagnant, orientations qu’il avait déjà données par le passé, orientations quoi n’ont pas été appliquées ; je cite l’APS d’août 2020 «le Conseil des ministres présidé par le président Abdelmadjid Tebboune considère nécessaire de réévaluer les volets économique et commercial de l’accord d’association avec l’Union européenne (UE) qui n’a pas réalisé les objectifs attendus en matière d’investissements européens en Algérie (voir sur l’Accord d’association, notre interview au quotidien EL Moudjahid du 4 septembre 2020). Mais la compréhension des impacts de cet accord ne peut être isolée des nouvelles mutations mondiales reposant sur les intégrations régionales

1.-Les différents accords de libre échange s’inscrivent dans le cadre des intégrations régionales mondiales
L’Algérie, l’ère des micro- Etats étant révolue, devra s’y adapter aux nouvelles mutations , si elle veut éviter sa marginalisation. Il s’agit de comprendre donc, qu’aujourd’hui, ce sont les entreprises qui compétitionnent pour les Etats- Nations. Face à ce mouvement et cette dynamique, où l’accumulation en ce XXIe siècle se fonde sur le savoir et l’entreprise dominée par des segments personnalisés et les producteurs de symboles, nous restons en Algérie spectateurs d’une pièce de théâtre qui se joue sans nous mais qui nous concerne tout autant. Insérer l’Algérie dans l’économie mondiale c’est d’abord situer les enjeux puis connaître les règles du jeu de la globalisation. Ce renouveau stratégique doit nécessairement s’accompagner d’un réengineering global qui s’appuiera sur plusieurs leviers dont principalement : la culture des affaires internationales; la maîtrise du processus des réformes; la mise en place d’un système d’information économique et de veille technologique. Tout cela supposant la nécessaire revalorisation du savoir loin des emplois rentes et des comportements rentiers. La plupart des pays en développement se livrent, depuis une décennie, à une concurrence aiguë pour attirer sur leur sol l’implantation des groupes multinationaux, vecteur traditionnel de l’IDE et parallèlement favoriser un partenariat gagnant/gagnant. Il est urgent pour l’Algérie de s’inscrire dans un tel mouvement avec les objectifs suivants : relancer et moderniser son économie ; accéder aux technologies avancées ; apprendre le marché pour favoriser l’exportation hors hydrocarbures ; stimuler la concurrence et la compétitivité interne et externe et attirer les IDE. L’investissement Direct Etranger (IDE) constitue l’un des moteurs de la globalisation, voire même sa source principale et est un élément important du processus de restructuration, de modernisation et de l’éventuelle réorientation de l’économie mondiale. Mais contrairement à une idée largement répandue, l’IDE est concentré pour plus de 75% dans le Nord, 25% dans la zone Sud, la Chine captant plus de 50% laissant au reste de la zone Sud que 25% accaparé par des pays émergents comme l’Inde, le Brésil, le Mexique, et d’autres pays de l’Asie comme la Malaisie et la Corée du Sud.
De ce point de vue, l’Algérie présente un déficit d’attractivité des IDE et d’une manière générale d’investissement hors hydrocarbures à forte valeur ajoutée qui s’explique en partie par la présence de plusieurs obstacles structurels : une gouvernance à résultat mitigé ; le manque de cohérence et de visibilité dans la démarche de la politique économique ; un cadre juridique instable ; un système financier sclérosé ; une formation peu adaptée aux nouvelles mutations ayant misé sur la quantité au lieu de la qualité ; un secteur tertiaire sous-développé et enfin l’étroitesse du marché algérien. Aussi, toute la future politique économique et sociale algérienne devra tenir compte des mutations planétaires afin de s’adapter à ce monde interdépendant en perpétuel mouvement. La notion de globalisation (certains parleront de mondialisation) concerne un certain stade de développement des échanges de biens et de services, d’intégration des marchés financiers et d’extension de la multinationalisation des appareils productifs, de diffusion de connaissances technologiques et de comportements de consommation. Le rôle des services innovants à valeur ajoutée jouant un rôle croissant surtout au XXIe siècle. Aussi cette globalisation concerne tant l’accroissement des échanges, que la transnationalisation des circuits agro-industriels, commerciaux, bancaires, de services. Dans la mesure où les grandes sociétés calquées anciennement sur l’organisation militaire éclatent en réseaux complexes à travers le monde. Se substituant à la configuration passée de l’accumulation fondée sur la consommation de masse, une accumulation fondée sur l’économie personnalisée dont le pivot est la vente en fonction de besoins exclusifs d’où la percée des producteurs de symboles et l’avancée des segments de la PMI/ PME elles mêmes organisées en réseaux et s’appuyant sur le savoir-faire managérial et technologique. Car il y a lieu de ne pas confondre les anti-mondialisations qui ne sont pas contre une économie de marché concurrentielle humanisée mais condamnent plutôt les économies étatistes totalitaires.
Certes, des voix s’élèvent contre cette forme de mondialisation. Ils appellent à une économie de marché sociale solidaire, à un mouvement des citoyens impliquant la société civile (le regretté Bourdieu parlait de société civile internationale) afin de réaliser un contrepoids perdu depuis l’effritement du bloc communiste, nécessitant de mieux encadrer les marchés par une nouvelle régulation institutionnelle, sociale et politique au niveau mondial, montrant l’importance de l’Etat régulateur ou l’Etat stratège comme nerf de la régulation sans briser le ressort des énergies créatrices. Aussi s’agit-il de comprendre, afin de prévoir toutes les incidences de l’Accord de l’Algérie pour une zone de libre-échange avec l’Europe qui s’inscrit dans le cadre des accords de Barcelone restrictif à une région, incluant des volets culturels et politiques et les futurs accords avec l’Organisation mondiale du commerce ( OMC) qui concerne à la fois les flux de marchandises mais récemment les flux de capitaux, la propriété intellectuelle et les services.. Examinons l’accord avec l’Union Européenne signé par l’Algérie, depuis le 01 septembre 2005 et ses incidences.

2- Fondements de l’Accord d’association et litiges Algérie/ Europe

L’accord d’association entre l’Algérie et l’Union Européenne comprend un préambule et 110 articles. Les neuf titres couvrent les domaines suivants :. 1.-Le dialogue politique (articles 3-5) – 2. La libre circulation des marchandises (articles 6 – 29). 3. Le commerce des services (articles 30-37) -4. Les paiements, capitaux, concurrence et autres dispositions économiques (articles 38- 46) – 5. La coopération économique (Articles 47-66) – 6. La coopération sociale et culturelle (articles 67-78) – 7. La coopération financière (articles 79-81) – 8. La coopération dans les domaines de la justice et affaires intérieures (articles 82-91) – 9. Les dispositions institutionnelles, générales et finales (article 92)- 110. Font agricoles et produits agricoles transformés relevant des chapitres 25 à 97 du tarif douanier visés aux articles 7 et 14 de l’accord ; – Annexe2 : Les produits industriels originaires de l’Algérie (article 8 de l’accord). (Annexe3 : la liste des produits industriels originaire de la Communauté visés à l’article 9.2 de l’accord d’association – Annexe 4 : les produits soumis au Droit Additionnel Provisoire (D.A.P), cité à l’article 17.4 de l’accord d’association : -Annexe 5 : modalités d’application de l’article 41.1/a et b de l’accord d’association, relatif à la concurrence et autres questions partie intégrante de l’accord les six annexes suivantes : Annexe1 : les produits économiques entre l’Algérie et la Communauté.- Annexe 6 : la protection de la propriété intellectuelle industrielle et commerciale. Font également partie intégrante de l’accord les 7 protocoles suivants : Protocole 1 : Relatif au régime applicable à l’importation dans la Communauté des produits agricoles originaires d’Algérie visés à l’article 14.1 de l’accord. Ce protocole est réparti en 2 annexes ; – Protocole 2 : Relatif au régime applicable à l’importation en Algérie des produits agricoles originaires de la Communauté visés à l’article 14.2 de l’accord ; – Protocole 3: Relatif au régime applicable aux produits de la pêche originaires d’Algérie importés dans la Communauté, visés à l’article 14.3 de l’accord ; – Protocole 4: Relatif au régime applicable aux produits de la pêche originaires de la Communauté importés en Algérie visés à l’article 14.4 de l’accord ;- Protocole 5 : Concerne les échanges commerciaux des produits agricoles transformés entre l’Algérie et la Communauté visés à l’article 14.5 de l’accord. Ce protocole est réparti en 2 annexes Protocole 6 : Relatif à la définition de la notion de «produits originaires» et aux méthodes de coopération administrative. Ce protocole lui-même est réparti en huit titres et sept annexes : Prenons les articles les plus importants. Ainsi, l’article 32 stipule que l’Algérie réserve a l’établissement de sociétés communautaires sur son territoire un traitement non moins favorable que celui accordé aux sociétés de pays tiers ; qu’elle réserve aux filiales et succursales de sociétés communautaires établies sur son territoire, conformément à sa législation, un traitement non moins favorable, en ce qui concerne leur exploitation que celui accordé a ses propres sociétés ou succursales ou à les filiales ou succursales algériennes de sociétés de pays tiers, si celui-ci est meilleur. Quant à l’article 37, il stipule que les parties évitent de prendre les mesures ou d’engager les actions rendant les conditions d’établissement et d’exploitation de leurs sociétés plus restrictives qu’elles ne l’étaient le jour précédant la date de signature de présent accord. Les parties s’engagent à envisager le développement de présent titre dans le sens de le conclusion d’un accord d’intégration économique au sens de l’article V de l’AGCS. Pour formuler ses recommandations, le conseil d’association tient compte de l’expérience acquise dans le mise en œuvre de traitement de le nation le plus favorisée et les obligations de chaque partie dans le cadre de l’AGCS, et notamment de son article V. l’article 39 met en relief que le communauté et l’Algérie assurent, à partir de l’entrée en vigueur de présent accord, le libre circulation les capitaux concernant les investissements directs en Algérie, effectués dans les sociétés constituées selon la législation en vigueur ainsi que le liquidation et le rapatriement de produit de ces investissements et de tout bénéfice en découlent. Les parties se consultent et coopèrent pour le mise en place les conditions nécessaires en vue de faciliter la circulation des capitaux entre le communauté et l’Algérie et d’aboutir à sa libéralisation complète. Pour l’article 54 lié à la promotion et protection les investissements, il met en relief que le coopération vise le création d’un climat favorable aux flux d’investissements et se réalise notamment à travers l’établissement de procédures harmonisées et simplifiées les mécanismes de co-investissement ainsi que les dispositifs d’identification et d’information sur les opportunités d’investissements, favorables aux flux d’investissements ainsi que l’établissement d’un cadre juridique favorisant l’investissement le cas échéant, par le conclusion entre i ‘Algérie et les états membres, les accords de protection les investissements et d’accords destinés a éviter le double imposition. Bon nombre de clauses contenues dans cet Accord avec pour fondement la liberté des échanges, avec des dégrèvements tarifaires progressifs , se retrouvent au niveau des règles de l’OMC , des accords de libre échange avec le monde arabe et l’Afrique. Concernant les négociations entre l’Algérie et l’Europe concernant l’Accord d’Association avec l’Europe ont connu de 2005 à 2021, des divergences qui se sont accentuées suite aux décisions du gouvernement courant 2009 de postuler 51% aux Algériens dans tout projet d’investissement. Catherine Ashton, ex-commissaire européenne au Commerce, avait invoqué que l’Algérie aurait violé les articles 32, et 37, 39 et 54 de cet Accord. Lors de sa visite à Alger les 6/7 juin 2010. L’ex-commissaire européen à l’Élargissement et à la Politique de voisinage, M. Stefan Füle, avait indiqué que la part de l’UE dans les importations de l’Algérie a régressé au bénéfice de la Chine avec un important déficit commercial au dépend de l’Algérie, que pointe toute analyse objective, qu’il faille inclure les importations européennes de pétrole et de gaz.
(A suivre)
Pr des universités, Docteur et expert international Dr Abderrahmane Mebtoul