L’Algérie devra retourner cette crise en «opportunité»

L’Opep+ profite de la dépendance énergétique de l’Occident

Après la décision prise par les chefs de file du groupe informel Opep+, Ryad et Moscou, jeudi dernier de maintenir leur ligne d’augmentation modeste de production pétrolière, fixée à 400.000 barils/jour au mois de juillet dernier, les cours du pétrole s’emballent à plus de 83 dollars. Les producteurs de pétrole refusent de répondre aux appels de leurs clients, notamment, des Etats-Unis qui réclament l’ouverture franche des vannes de l’or noir pour éviter une crise énergétiques qui se profile. En colère Washington menace de puiser dans ses réserves pour faire baisser les prix et réduire l’offre, ainsi contrecarrer la stratégie des 24 pays membre de l’Opep+ qui ont décidé en mai 2020 de baisser leur production de 10 millions de b/j, soit 10% de l’offre mondial, et ce, sous prétexte de la Covid-19 qui a plombé le marché pétrolier. Cette stratégie a permis de relever les cours de pétrole fermement installés à plus de 83 dollars et à soutenir l’économie des petits producteurs. Également soutenus par la flambée des prix du gaz naturel qui ont atteint des sommets.
Des coûts supplémentaires conséquents pour les consommateurs, les investisseurs et les ménages, mais particulièrement bénéfiques pour les petits producteurs de l’or noir, à l’instar de l’Algérie. L’Etat algérien est bien décidé à profiter de cette impasse énergétique mondiale pour relancer ses projets d’investissements dans le secteur et surtout alimenter davantage le fonds de régulation des recettes (FRR) soldé en 2017. Ces recettes seront employées pour conforter le développement économique du pays. Au début de l’année en cours, les pouvoirs publics ont décidé de réactiver le FRR, suite à la reprise modeste de la production locale et la hausse soutenue des prix du pétrole. Il sera de nouveau alimenté grâce à la hausse des cours du pétrole, selon les déclarations du Premier ministre et ministre des Finances, Aïmene Benabderrahmane, précisant que « le PLF 2022 est basé sur un prix de référence du baril de pétrole à 45 dollars et un prix du marché du baril à 50 dollars ».
Pour rappel, en 2019, l’Algérie était contrainte d’abaisser son prix de référence du baril de pétrole à 30 dollars pour élaborer le budget de l’Etat pour l’exercice de 2020. L’Etat a dû prendre des décisions difficiles et adopter une politique de rigueur pour faire face à la double crise sanitaire du Covid-19 et financière.
Le rebond que connaît le marché pétrolier aujourd’hui offre de nouvelles perspectives au pays dépendant à 95% des exportations des hydrocarbures qui financent le budget d’Etat à 60%. Une source de financement indispensable pour le développement du pays et la mise en œuvre du Plan de la relance économique.
En attendant de trouver de nouvelles sources de financement, l’Algérie tente de poursuivre ses efforts de réformes économiques et d’exécuter son programme d’investissements national, notamment, dans le secteur de l’énergie et des mines. Le ministère de l’Energie et des Mines mise « sur le forage de 860 puits d’exploration et de développement des hydrocarbures entre 2021 et 2025, avec une moyenne de 172 puits/an, dans le cadre de la nouvelle dynamique du secteur faisant suite à l’application de la nouvelle loi sur les hydrocarbures », a indiqué le ministre de tutelle, Mohamed Arkab récemment.
L’Algérie compte ainsi renforcer sa production et ses exportations, tout en adoptant le concept de l’énergie verte. Le problème qui se pose, toutefois, est l’application de ladite loi à la traîne depuis son adoption en 2019.
Les 43 textes d’applications relatifs à cette loi et supposément achevé n’ont toujours pas vu le jour. Ce retard coûte beaucoup au pays qui peine à attirer les investisseurs étrangers dans le domaine. Un frein à l’investissement local et à l’expansion de son plan de développement national. Face à la grogne des consommateurs et à l’incertitude du marché des matières premières, le pays doit agir et vite afin de profiter de la crise énergétique de nombreux pays qui font face à la flambée des prix de l’essence (Europe, Asie et Etats-Unis).
Ces mêmes pays qui n’arrêtent pas de faire pression sur le groupe Opep+ dont l’Algérie fait partie. Les Etats-Unis accusent l’alliance d’être à l’origine de la crise qui tire profit de la situation, en laissant « une réserve de plus de 4 millions de barils chaque jour sous terre ». Les accusations portées par les Etats-Unis à l’encontre de la Russie risquent de perturber le marché de l’énergie et relancer les vieilles querelles. Le Président américain Joe Biden menace avec 19 autres pays développés de cesser le financement des énergies fossiles dans le monde, et de libérer des stocks de la réserve stratégique de pétrole du pays pour « réprimer les augmentations des prix du brut ». Réduire, de surcroît, les investissements américains dans les pays producteurs de pétrole et de gaz, car il vise aussi à faire baisser les prix du gaz qui mettent en péril la croissance des pays développés ou industrialisés. Sans avouer leur part de responsabilité dans l’aggravation de la crise énergétique suite aux sanctions imposées à la Russie et à l’Iran. L’Algérie et plusieurs autres pays devraient profiter de cette impasse énergétique et des dissidences entre ces pays rivaux pour se redresser.
Samira Takharboucht