Malgré des divergences, deux partenaires stratégiques

L’accord d’association Algérie/Europe

Dans la pratique des relations internationales n’existent pas de sentiments mais que des intérêts et même un pays comme la France pour les 50 milliards d’euros de marché des sous-marins vient de l’apprendre à ses dépens.En dehors des hydrocarbures que peut exporter l’Algérie en direction de l’Europe et que si l’Algérie n’a pas tiré profit de l’Accord d’Association, c’est parce que les réformes structurelles n’ont pas été menées. Pour l’Algérie c’est l’Europe qui n’ a pas rempli ses engagements avec un déséquilibre croissant de sa balance commerciale hors hydrocarbures s’étant engagée à favoriser une économie diversifiée et que l’Algérie a toujours plaidé pour le renforcement du «dialogue et de la concertation» entre l’Algérie et l’Union européenne (UE) en vue de «densifier» les relations bilatérales dans «l’intérêt mutuel et l’équilibre des intérêts afin de faire face aux défis communs de sécurité et de développement dans le cadre d’un partenariat gagnant -gagnant , ne voulant pas être considérée comme un simple marché. Pour l’Algérie , l`Accord sur le commerce extérieur du pays sur 10 ans (2005-2015 montre que le cumul des exportations algériennes hors hydrocarbures (HH) vers l’UE atteint les 14 milliards de dollars (mds USD) durant cette décennie, alors que le cumul des importations algériennes auprès de l’UE s’est chiffré à 220 mds USD, avec une moyenne annuelle de 22 mds USD et que l’accord a engendré un manque à gagner de plus de 700 milliards de DA aux recettes douanières algériennes durant la même période. Aux préoccupations soulevées par l’UE concernant ses parts de marché en Algérie suite aux mesures de rationalisation des importations prises par le gouvernement algérien dans un contexte bien particulier, cela n’est pas propre à notre pays comme en, témoigne bien avant l’épidémie du coronavirus les mesures restrictives de bon nombre de pays tant pour les USA que l’Europe et les tensions avec la Chine, mais restant convaincu que les discussions engagées par les deux parties sur ce dossier permettront d’arriver à des solutions pragmatiques et acceptables qui prennent en ligne de compte les intérêts légitimes de chaque partie. La volonté serait de « densifier » cette coopération, pour qui la démarche d’évaluation réclamée par l’Algérie ne vise nullement à remettre en cause l’Accord, mais, bien au contraire, à l’utiliser pleinement dans le sens d’une interprétation positive de ses dispositions permettant un rééquilibrage des liens de coopération, Du côté européen, on évoque des possibilités de discussions « constructives , des relation bilatérales prometteuses aussi bien dans le domaine de l’énergie que dans l’activité des entreprises et du commerce, avec un potentiel inexploré, même si grevé par des lourdeurs administratives et de décisions politiques persistantes. La nouvelle monture de la révision partielle de l’Accord, proposée par l’Union européenne ne remet nullement en question la modification l’accord cadre, mais des recommandations qui permettraient de relancer la coopération entre l’Algérie et l’UE dans le but de mettre les relations économiques au centre de cette coopération, de donner à cet accord toute son importance et d’utiliser tout son énorme potentiel dans ses trois composantes: politique, économique et humaine. L’Europe n’est pas contre une révision de l’Accord mais souhaite la création d’un cadre juridique stable et transparent, propice à l’investissement, ainsi que la réduction des subventions, la modernisation du secteur financier et le développement du potentiel des partenariats public-privé qui font partie des réformes structurelles nécessaires qui doivent encore être menées. L’Europe se félicite de l’assouplissement introduit récemment par les autorités algériennes de la règle 51/49, pour cent au moins pour les secteurs non-stratégiques qu’il s ‘agira de définir avec précisions., attendant toujours les décrets d’application de la loi des hydrocarbures et le nouveau code des investissements

3.- L’Algérie et l’Europe deux partenaires stratégiques
Comme rappelé dans mes contributions( voir Google 2015/2018), après une réelle inquiétude de la communauté internationale où certains rentiers ont supputé sur la rupture de l’Accord qui lie l’Algérie à l’Union européenne, les responsables algériens ont été clairs. L’Algérie a introduit une série de mesures protectionnistes, invoquant une détérioration de la balance de paiements. L’Algérie qui a toujours respecté ses engagements internationaux, n’est pas question de rompre l’Accord d’Association qui la lie à l’Europe, étant en négociation pour un partenariat gagnant/gagnant, l’Europe ne devant plus considérer l’Algérie uniquement du point de vue d’un marché encore que la situation du pays reste toutefois tributaire de l’évolution des marchés d’hydrocarbures, des ventes dont le pays tire l’essentiel de ses revenus, en rappelant que la coopération énergétique, basée sur un protocole spécifique, est au centre de la coopération avec l’UE. Aussi malgré ces divergences conjoncturelles, il s’agit comme je l’ai souligné il y a quelques années lors d’une conférence, à l’invitation du parlement européen à Bruxelles, en novembre 2011 de dépassionner les relations car la stabilité des deux rives de la Méditerranée, nous impose d’entreprendre ensemble, l’Algérie et l’Europe étant deux partenaires stratégiques. C’est que l’Europe reste un partenaire clef pour l’Algérie comme en témoigne la structure du commerce extérieur de l’Algérie pour 2019 avant l’épidémie du coronavirus, l’année 2020 n’étant pas significative du fait de l’intensité de la crise mondiale. En 2019, pour les principaux fournisseurs, les cinq premiers fournisseurs de l’Algérie représentent 50,33 % des importations globales, la Chine étant le principal fournisseur ayant contribué à hauteur de 18,25 % des importations de l’Algérie, suivie par la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne avec des parts respectives de 10,20 %, 8,13 %, 6,99 % et de 6,76 %. Pour les principaux clients , durant l’année 2019, les cinq premiers clients de l’Algérie représentent près de 50,85 % des exportations algériennes, la France étant le principal client de l’Algérie avec une part de 14,11 %, suivie par l’Italie, l’Espagne, la Grande Bretagne et la Turquie avec des parts respectives de 12,90 %, 11,15 %, 6,42 % et de 6,27 %. En termes de répartition des échanges commerciaux (import et export) de l’Algérie par zone géographique au cours de l’année 2019, montre clairement que l’essentiel de ces échanges reste toujours polarisé sur les partenaires traditionnels. En effet, les pays de l’Europe enregistrent une part de 58,14 % de la valeur globale des échanges commerciaux au cours de l’année 2019, soit un montant de 45,21 milliards USD contre 51,96 milliards USD enregistré durant l’année 2018. Les pays de l’Asie viennent en seconde position des flux commerciaux avec une part de 23,92 %, en passant de 19,07 milliards USD à plus de 18,60 milliards USD pour les périodes considérées. Pour 2020,les principaux fournisseurs de l’Algérie ,sont la Chine, malgré une baisse de 24,46% qui arrive en premier avec 16,81%, suivi de la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne avec des parts respectives de 10,60%, 7,05% , 6,48% t 6,22%. Pour les principaux clients, l’Italie arrive premier avec 14,47%, suivi de la France avec 13,69%,l’Espagne 9,84%,la Turquie 8,91% et la Chine 4,89% montrant depuis de longues années un profond déséquilibre commercial au détriment de l’Algérie. Selon les statistiques douanières, les échanges commerciaux de l’Algérie avec les pays d’Afrique, malgré l’enregistrement d’une légère amélioration (1,55%) en 2019 par rapport à 2018, restent faibles ayant totalisé 3,51 mds usd contre 3,46 mds usd. Les pays africains dont les pays de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), ont acheté des produits algériens pour un montant de près de 2,17 mds usd, contre près de 2,18 mds usd, en baisse de 0,56%. Concernant l’accord avec les pays de la GZALE, dit le monde arabe, elles sont dérisoires, les économies fortement dépendantes des hydrocarbures, concurrentes de l’Algérie, en n’oubliant jamais que ce sont en majorité les firmes internationales qui opèrent dans ces pays, y compris l’Afrique, la facture d’importation dans le cadre de l’accord avec les pays de la GZALE s’élève à 1,33 milliards USD durant l’année 2019 contre 1,31 milliards USD enregistré durant l’année 2018, soit une augmentation de l’ordre de 1,71 %. Sur le plan géostratégique, l’Algérie est un acteur déterminant de la stabilité régionale et de l’approvisionnement en énergie de l’Europe. Dans plusieurs rapports entre 2018/2020 l’Union européenne saluant les efforts de l’Algérie en matière de sécurité et de défense où les tensions au niveau de la région influent par ricochet, sur l’Europe, les autorités algériennes suivent de près l’évolution de ces crises, dans le but de faciliter une solution contribuant ainsi à la stabilisation de son voisinage immédiat, notamment au Sahel. L’Algérie demeure un acteur-clé au niveau régional et international pour la sécurité. L’effort continu, de modernisation des équipements, ainsi que les nombreux effectifs de sécurité dont l’Algérie dispose, ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes. L’évolution de la crise libyenne, malienne et la situation complexe dans la région du Sahel ont amené l’Armée nationale populaire (ANP) à déployer des forces de sécurité supplémentaires aux frontières » selon l’exécutif européen dans son. (voir nos interviews à l’American Herald Tribune du 28 décembre 2016 et au quotidien financier français, AfricaPresse 2019/2020 et le 10/08/2020 à la télévision américaine Al Hurra) . Mais pour une stabilité durable au niveau de la région, des réformes de structures doivent avoir lieu avec pour finalité d’encourager l’investissement créateur de valeur ajoutée passant par la refonte du système socio-éducatif, le foncier, le système financier, (douanier, fiscal, domaine, banques) l’administration centrale/ locale et une nouvelle régulation sociale au profit des plus démunis. Il y a urgence d’objectifs précis et une nouvelle organisation institutionnelle afin de donner plus de cohérence à la politique socio-économique. Les débats contradictoires en association avec toutes les composantes de la société, tolérant les différentes sensibilités et la nécessaire cohésion sociale me semblent être la seule voie pour dépasser la crise multidimensionnelle actuelle, car les ajustements sociaux seront douloureux. Le cadre macro-économique relativement stabilisé en Algérie est éphémère sans de profondes réformes structurelles. L’Algérie sera avant tout ce que les Algériennes et les Algériens voudront qu’elle soit, personne ne pouvant faire les réformes à notre place. L’essence du blocage réside en Algérie au système bureaucratique que je qualifie de terrorisme bureaucratique, qui produit d’ailleurs la sphère informelle fonctionnant dans un Etat de non-droit qui accapare 40% de la masse monétaire en circulation, contrôle 65% des segments de produits de première nécessité, existant des liens dialectiques entre l’extension de cette sphère et la corruption. Tout cela renvoie au manque de cohérence et de visibilité dans la démarche de la politique socio-économique qui freine non seulement les investisseurs étrangers mais également les investisseurs locaux sérieux qui peuvent accroître la valeur ajoutée interne et pas seulement se focaliser dans des investissements spéculatifs à court terme Aussi, l’ Algérie, si elle veut bénéficier de cet Accord, doit lever les contraintes d’environnement devant favoriser l’épanouissement de l’entreprise, seule source de création de richesses, permanentes et son fondement la valorisation du savoir. Cela implique une gouvernance rénovée donc à la refonte de l’Etat dont les fonctions nouvelles tenant compte d’une économie ouverte ne peuvent être celles d’un Etat jacobin (centralisation bureaucratique), impliquant de grands pôles économiques régionaux pour une participation plus citoyenne car ’ouverture des frontières et la spécialisation accrue au niveau mondial s’imposent de nos jours, comme facteur d’adaptation à la nouvelle configuration géostratégique mondiale. Du fait du dossier stratégique qui engage la sécurité du pays, il est souhaitable qu’il soit piloté par un comité interministériel y compris la défense nationale, assisté d’experts indépendants, sous l’autorité soit du président de la République et que décision finale soit prise en Conseil de sécurité. En ce XXIème siècle ce ne sont pas les Etats qui investissent, jouant le rôle de régulateur, mais les opérateurs qui sont mus par la logique du profit. Certes, les inquiétudes étant légitimes car les baisses tarifaires sont un manque à gagner à court terme du fait du dégrèvement tarifaire, mais devant raisonner en termes d’avantages comparatifs dynamiques à moyen terme. Invoquer la situation mono exportatrice de l’Algérie, ne tient pas la route, la majorité des pays de l’OPEP étant membres de l’OMC (97% du commerce mondial et 85% de la population mondiale). Pour bénéficier des effets positifs de l’Accord avec l’Europe que d’une éventuelle adhésion à l’OMC, sinon les effets pervers l’emporteront, il faut faire d’abord le ménage au sein de l’économie algérienne en accélérant les véritables réformes structurelles afin de dynamiser les sections hors rente, réformes qui se heurtent à la résistance des rentiers, les gagnants de demain n’étant pas ceux d’aujourd’hui).

En conclusion en décembre 2020, lors de la 12ème session du Conseil d’association avec l’UE, l’Algérie a alors assuré que la révision de l’accord se fait sur la base de l’équilibre», soulignant «la volonté de dialogue de part et d’autre. L’Algérie et l’Europe étant deux partenaires stratégiques, je suis persuadé que grâce au dialogue productif les relations entre l’Algérie et l’Europe trouveront une solution garantissant les intérêts réciproques, loin de tout esprit de domination. Afin de favoriser un partenariat gagnant-gagnant, il s’agit de dépassionner les relations entre l’Europe et l’Algérie, la stabilité des deux rives de la Méditerranée et de l’Afrique, nous imposant d’entreprendre ensemble
(Suite et fin)
Pr des universités, Docteur et expert international Dr Abderrahmane Mebtoul