Père fondateur de la littérature africaine de langue anglaise

Littérature africaine : Chinua Achebe

Originaire du Nigeria et auteur d’un roman traduit en 50 langues et vendu à plus de 12 millions d’exemplaires, Chinua Achebe est un des plus grands écrivains de l’Afrique contemporaine.Albert Chinualumogu Achebe est né le 16 novembre 1930 à Ogidi, dans l’est du Nigeria, de parents Ibo. Il est le cinquième des six enfants de ses parents, Isaiah Okafo et Janet Achebe, qui sont de fervents chrétiens. Le jeune Achebe commence ses études à l’école missionnaire tout en ayant l’occasion de vivre une «vie villageoise traditionnelle» dans un environnement encore épargné par la colonisation. Il est donc influencé par deux cultures, la culture ibo traditionnelle et la culture anglaise.
Bon élève, surnommé «le dictionnaire» pour sa connaissance de l’anglais, Achebe obtient une bourse et continue ensuite ses études au «Governement college» d’Umuahia (une ville qui figurera souvent dans ses romans) de 1944 à 1947, puis à l’université d’Ibadan de 1948 à 1953, année où il obtient son BA (l’équivalent d’une maîtrise dans le système français). Avant d’entrer à La Nigerian Broadcasting Corporation (NBC), Achebe effectue quelques voyages en Afrique et aux Etats-Unis et travaille quelques temps comme professeur. Il suit une formation à la BBC, et commence à travailler à la NBC en 1954. En 1958, il écrit son premier roman, «Things fall apart» (Le monde s’effondre), en réaction à ce qu’il considérait comme une description inexacte de la vie des Africains par les Européens.
Au cours de sa scolarité et de ses études universitaires, Achebe a appris à apprécier la littérature anglaise, mais s’est aussi rendu compte que certains de ces livres dépeignaient les Africains avec un racisme latent. Achebe voulait faire un roman décrivant les Africains comme ils les connaissait. Le roman connaîtra un énorme succès et est à ce jour l’un des plus célèbres, sinon le plus célèbre roman écrit en anglais par un Africain. L’histoire est centrée sur Okonkwo, lutteur traditionnel, homme ambitieux, dont la vie est pertubée par la modification des structures traditionnelles de la vie au village suite aux contacts avec les européens. Achebe raconte les conséquences de la colonisation sur la vie d’un village africain, du point de vue d’un Africain et décrit, sans l’idéaliser (certaines traditions pouvaient être cruelles), un monde qui se suffisait à lui- même et qui a commencé à s’effondrer avec l’arrivée de la colonisation.
Il obtient le «Margaret Wong Memorial Prize» en 1959, le premier d’une longue série de récompenses littéraires. En 1960, il publie son second roman, «No longer at ease» (Le malaise), qui est la suite de son premier roman. Obi Okonkwo, petit-fils du personnage principal du «Monde s’effondre» revient au Nigeria dans les années 50 avec un diplôme d’une université anglaise. Il a de grosses attentes concernant son futur travail, son salaire et tout le prestige attaché à sa future situation sociale, mais rien ne passe comme prévu dans un environnement qu’il ne maîtrise pas. L’action de son troisième roman «Arrow of God» (La flêche de Dieu) (1964) se situe dans les années 1910-1920 en pleine période coloniale. Le personnage principal est un prêtre, Ezuele, qui remporte une série de victoires psychologiques importantes contre le représentant de la puissance coloniale britannique de la région. Cependant, Ezuele connaît la défaite et la folie en étant finalement incapable de résoudre les problèmes posés par l’arrivée de la colonisation. Le livre comporte quelques similitudes avec «things fall apart» dans la mesure où Ezuele, le leader religieux intellectuel et Okonkwo, le guerrier-athlète chutent, victimes de la puissance coloniale qui mine les traditions politiques et religieuses des Ibos. Achebe écrira d’autres romans comme «A man of the people» (1967) ou «Anthills of the Savannah» (1987). Il écrira aussi de nombreux essais de même que des œuvres de poésie Soul Brother en 1971, Christmas in Biafra en 1973 ou des nouvelles. En 1961, il en devient directeur des retransmissions extérieures de la NBC. En 1966, il quitte la NBC pour se consacrer à plein temps à l’écriture. La guerre du Biafra éclate en 1967, et Achebe sert de diplomate pour représenter le Biafra. Il échappe de peu à la mort quand son habitation est bombardée. Il écrit quelques articles sur la guerre, qui sont publiés à l’étranger, par exemple dans le «Sunday Times» en juin 1968 pour décrire, analyser et faire comprendre ce qui se passe au Nigeria pendant cette période. Achebe est également le premier directeur de la collection Heinemman d’écrivains africains, ce qui lui permettra de faire connaître des écrivains africains talentueux. Il a travaillé également chez les éditions Nwankwo-Ifeijika. En 1971, il participe à la création d’Okike, un des plus influents magazines littéraires africains, édité aux Etats-Unis (Achebe a accepté entretemps un poste d’enseignant dans une université américaine University of Massachussets at Amherst). Achebe retourne au Nigeria en 1976 où il devient professeur d’anglais à l’université. En 1984, il recommence à travailler sur un livre qu’il avait commencé dans les années 70, mais qu’il avait abandonné en cours de route à cause de la situation politique au Nigeria (Il a parallèlement participé à la création de l’association des écrivains nigérians en 1981). Le livre paraît en 1987 sous le titre de «Anthills of the Savanna» (« Les termitières de la Savanne ») et décrit la faillite des hommes politiques et des intellectuels africains contemporains. Le livre fait partie de la liste des livres nominés pour le prestigieux Booker Prize britannique cette année-là.
Chinua Achebe a reçu plus d’une vingtaine de doctorats honoraires et est lauréat de plusieurs prix littéraires internationaux. Il a reçu en 2002 le prestigieux «Prix de la paix des libraires allemands». A la suite d’un accident de voiture survenu en 1990, Chinua Achebe est paralysé et obligé de se déplacer en fauteuil roulant. Il réside depuis cette date aux Etats-Unis où il est titulaire de la chaire de littérature Charles Stevenson au Bard College, dans l’Etat de New-York. Il est membre honoraire de l’Académie américaine et de l’Institut des Arts et des Lettres et ambassadeur du Fonds des Nations Unies pour la Population.
Auteur de cinq romans, cinq essais non fictionnels et de nombreuses nouvelles et de recueils de poésie, Chinua Achebe est l’un des plus grands écrivains africains du 20è siècle, et une grande figure de la culture africaine contemporaine. Il est considéré comme le père fondateur de la littérature africaine de langue anglaise. Il était l’un des favoris pour l’obtention du prix Nobel de littérature en 2000, finalement obtenu par l’écrivain chinois Gao Xingjian. Chinua Achebe est décédé le 21 mars 2013 dans un hôpital de Boston.
P. Y.