La COP26 vue d’Alger

Changement climatique

La 26ème Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP26, Glasgow, 1er-13
novembre 2021) est passée dans l’indifférence en Algérie, dans un contexte «météo» local, froid et pluvieux, sans signe apparent de réchauffement climatique.

La chargée de communication de l’Office national de la météorologie, Houaria Benkarta, trouve même que les fortes pluies qui sont tombées presque sans discontinuer durant une quinzaine de jours en novembre, sont la preuve d’un retour aux conditions automnales normales. Les pluies ont fait quelques victimes, surprises malheureusement en plein sommeil par l’effondrement de leurs habitations précaires.
Des personnes occupant des bâtisses menacées ont été évacuées. Des routes ont été momentanément coupées à la circulation qui a été déviée, à cause d’inondations ou d’éboulements. Ces dégâts sont dus au facteur humain (insuffisances dans la prévention, négligences dans le contrôle…). Mais le bilan est très loin de celui enregistré lors des inondations dans le quartier de Bab El-Oued le 10 novembre 2001, il y a vingt ans, à cause, là aussi, du facteur humain.
Au moment où se déroulait la COP26 à Glasgow, les préoccupations des Algériens étaient focalisées sur des soucis plus pressants: la 4ème vague de l’épidémie de Covid-19 annoncée pour novembre-décembre ; l’érosion du pouvoir d’achat face aux augmentations des prix des produits alimentaires, en particulier pour la pomme de terre et le poulet qui ont atteint des niveaux records ; les menaces sur la paix dans un environnement régional tendu ; et le risque de catastrophe que portent les pluies diluviennes même si elles sont bienfaitrices pour l’agriculture et les ressources en eau.
Absente dans l’opinion publique, et également dans le mouvement associatif, la COP26 a intéressé surtout certaines institutions en Algérie. Fin octobre, une Journée d’étude a été organisée à Alger par l’Ecole supérieure de banque (ESB) et l’ambassade du Royaume-Uni autour de l’expérience britannique en matière de finance verte. Son but : «Sensibiliser les acteurs de la finance, sur le rôle de la finance verte comme vecteur essentiel dans la concrétisation des objectifs de la COP26». Quand on entend parler de finance verte, on pense aux 100 milliards de dollars/an promis par les grands pays industriels (historiquement responsables des changements climatiques) pour aider les pays en voie de développement (qui en subissent les effets) à accroître leurs capacités de lutte contre les changements climatiques. Promesse non tenue, parmi d’autres.
L’Algérie a inscrit la lutte contre les changements climatiques dans son agenda africain. La réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (CPS, UA), tenue fin octobre, a permis au ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, de s’adresser au groupe africain en charge des négociations pour lui recommander de rappeler dans le cadre de la COP26, que «l’Afrique est la moins responsable mais reste la plus exposée aux changements climatiques et aux catastrophes». Le CPS de l’UA a adopté une proposition du Président Abdelmadjid Tebboune, visant à créer une force civile continentale pour prévenir les catastrophes et un Fonds de soutien aux mesures de lutte contre les impacts des changements climatiques afin d’assurer une prise en charge efficace et en temps réel, et d’apporter l’appui nécessaire aux pays africains touchés.
Cette dimension africaine a été confirmée par la ministre de l’Environnement, Samia Moualfi, qui a représenté l’Algérie à la COP26. Arrivée à Glasgow le 7 novembre, elle a participé le lendemain, en marge des travaux de la Conférence, à une réunion de concertation des ministres africains de l’Environnement, organisée dans le but de parvenir à «une compréhension commune et une position unifiée sur les principales questions en discussion durant le deuxième segment de haut niveau (du 8 au 12 novembre)».
Dans son allocution prononcée mercredi 10 novembre, Samia Moualfi n’a pas manqué de faire passer un message déjà entendu dans les COP : «Le continent africain est devenu le plus touché par les changements climatiques». Quelques jours avant la COP26, un cadre du ministère de l’Environnement avait tenu à délivrer un autre message qui revient souvent : «Un financement adéquat représente «la pierre angulaire» sur laquelle sont fondées toutes les démarches visant à lutter contre le changement climatique». Autant dire, sans aide financière des pays développés, pas d’atténuation chez les pays en développement.
La position de l’Algérie dans la lutte contre les changements climatiques, inchangée depuis qu’elle a été exprimée en 2015, pour les besoins de la COP21 (Paris, 30 novembre au 12 décembre 2015), est articulée autour de trois points : l’éthique climatique (les devoirs des pays «historiquement responsables») ; la justice climatique (des obligations en fonction des capacités nationales) ; la solidarité climatique (aide aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables). Mais à Glasgow, le discours algérien n’est pas sorti du «politiquement correct». «L’Algérie reste attachée à la mise en œuvre de la Convention-cadre et de l’Accord de Paris conformément à ses capacités nationales et aux principes sur lesquels se fondent ces cadres», a déclaré la ministre algérienne. Elle a rappelé que «l’Algérie a pris nombre de mesures, dont l’adoption d’un Plan national Climat (PNC) qui comprend 155 activités en matière d’atténuation, d’adaptation et de renforcement des cadres juridiques et institutionnels».
Samia Moualfi a déploré «la lenteur des négociations» et mis en garde contre «les risques d’une aggravation de la situation», constatant que «six ans après l’adoption de l’Accord de Paris, les effets du changement climatique continuent de s’intensifier». Après la clôture de la Conférence, l’APS (Agence officielle de presse) a résumé en quelques mots un sentiment largement partagé : «La COP26 a adopté samedi un «pacte de Glasgow» destiné à accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, mais sans assurer de le contenir à 1,5 C° ni répondre aux demandes d’aide des pays pauvres». Les journalistes françaises Myriam Goldminc et Anne Henry-Castelbou, envoyées spéciales à Glasgow, le confirment : «Samedi 13 novembre au soir, la résolution finale tombait, baptisée Pacte de Glasgow pour le climat. Si l’on peut se réjouir d’un consensus signé, celui-ci reste au rabais concernant le soutien financier aux pays vulnérables. Il y a eu quelques annonces pour le financement de l’adaptation. Mais les 100 milliards de dollars annuels promis ne seront toujours pas atteints en 2023». Pour Aurore Mathieu du Réseau Action Climat, «cette COP reflète les priorités des pays riches». (https://jne-asso.org/2021/11/14/cop26-une-resolution-finale-au-service-des-pays-pollueurs/). C’est la déception qui domine. Le scepticisme aussi : comment s’assurer que les promesses ne resteront pas de simples discours. Dans un an, si aucun aléa sanitaire ou autre n’intervient, ce sera la COP27. Elle se tiendra du 7 au 18 novembre 2022 en Egypte, dans la ville balnéaire de Charm el-Cheikh. L’Égypte, soutenue par les pays africains, a annoncé sa candidature le 2 novembre, pendant la COP26 où elle était présente avec une forte délégation, dont 7 ministres en plus de l’équipe de négociateurs et de nombreux autres participants.
Le Premier ministre égyptien, Moustafa Madbouli, a fait savoir qu’un Comité de haut niveau sera formé sous sa présidence, composé des ministres et des fonctionnaires concernés par l’organisation de la conférence. Il n’a pas pu s’empêcher d’ajouter que l’organisation de la COP27 est une opportunité pour la promotion de l’Egypte en tant que destination touristique mondiale. La ville de Charm el-Cheikh, au bord de la mer Rouge, dans la péninsule du Sinaï, est un site touristique par excellence réputé pour ses plages et ses récifs coralliens. L’Égypte a déjà organisé en 2018 la COP14 sur la biodiversité, également à Charm el-Cheikh. La ministre égyptienne de l’Environnement, Yasmine Fouad, a annoncé le lancement du programme d’action Glasgow-Charm el-Cheikh pour l’objectif mondial d’adaptation.
La COP27 se tiendra juste après la publication, en octobre 2022, du rapport complet du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
La suivante, la COP28, sera organisée dans un autre pays arabe, les Emirats arabes unis, à Dubaï, du 6 au 17 novembre 2023. C’est le Secrétariat général de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui l’a officiellement annoncé. Un média local présente ce choix comme «un nouveau succès qui confirme le leadership des Emirats arabes unis et une reconnaissance mondiale pour leurs efforts en matière de durabilité climatique». La même source soutient que «la COP28 est le sommet mondial le plus important pour trouver des solutions aux défis climatiques, après le sommet de Paris de 2015».
La COP28 coïncidera avec le bilan mondial prévu en 2023, et tous les cinq ans par la suite, par l’article 14 de l’Accord de Paris. Selon cet article, «le bilan mondial évaluera les progrès réalisés collectivement vers la réalisation de l’objectif de l’Accord d’une manière globale axée sur la facilitation. Il s’appuiera sur les meilleures données scientifiques disponibles et sur son objectif mondial à long terme.
Ses résultats aideront les Parties à actualiser et à renforcer leurs mesures et à appuyer et renforcer la coopération internationale en matière d’action climatique».

M’hamed Rebah