Impérialisme et anti-impérialisme (VII)

Afrique

Respectueuse de la souveraineté des États, la Chine coopère dans tous les domaines avec les pays qui le souhaitent, sans considération de leur régime politique ou de leur orientation idéologique. C’est ainsi qu’elle travaille avec le Venezuela comme avec la Colombie, ou qu’elle fait du commerce avec l’Iran comme avec l’Arabie saoudite. C’est ce que Xi Jinping nomme la politique du « gagnant-gagnant », où chacun trouve un intérêt à coopérer et respecte la souveraineté de l’autre. Une politique mise en œuvre à l’échelle planétaire, qui connaît un succès grandissant en Asie, en Afrique et en Amérique latine, autrement dit sur le terrain de chasse historique des anciennes puissances coloniales. Avec les « Nouvelles Routes de la soie », la Chine exporte des produits manufacturés et importe des matières premières, mais elle monnaye ses importations par des constructions d’infrastructures. Bénéfique pour la Chine, ce programme l’est aussi pour les pays partenaires.Lors du vingt-cinquième sommet des pays membres de l’Organisation de l’Unité africaine, le 26 juillet 1987, le président du Conseil national révolutionnaire du Burkina Faso dénonce le nouvel asservissement de l’Afrique : «Les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme». Durant la période maoïste, la Chine se présentait comme le chef de file du combat anti-impérialiste et le champion de la souveraineté des nations décolonisées. Unifiée et libérée par Mao, dotée de l’arme nucléaire en 1964, elle faisait figure d’exemple. A partir de 1978, Deng Xiaoping recueille l’héritage maoïste tout en amorçant un net changement de cap. Il privilégie le développement économique, et il ouvre l’économie chinoise pour attirer capitaux et technologies. C’est pourquoi il impose à la politique extérieure chinoise un «profil bas» qui favorise les échanges commerciaux avec le monde développé. Contrairement à la période maoïste, Pékin abandonne l’idéologie révolutionnaire. Il s’agit désormais de construire un monde multipolaire, pacifié, où la coopération internationale favorise le développement.
Mais le principe de souveraineté des États demeure l’idée-force de la politique étrangère chinoise. Avec deux conséquences : la Chine refuse de s’immiscer dans les affaires intérieures des autres pays et n’accepte aucune ingérence étrangère dans les siennes. Contrairement aux pays occidentaux, qui prétendent promouvoir la « démocratie » et les « droits de l’homme » à coups de bombardements, la Chine estime que chaque nation doit trouver sa voie et que l’ingérence est une violation de la loi internationale. Bref, elle prend au sérieux la Charte des Nations Unies et elle condamne le regime change pratiqué par Washington contre les gouvernements qui refusent de se soumettre. Respectueuse de la souveraineté des États, la Chine coopère dans tous les domaines avec les pays qui le souhaitent, sans considération de leur régime politique ou de leur orientation idéologique. C’est ainsi qu’elle travaille avec le Venezuela comme avec la Colombie, ou qu’elle fait du commerce avec l’Iran comme avec l’Arabie saoudite. C’est ce que Xi Jinping nomme la politique du « gagnant-gagnant », où chacun trouve un intérêt à coopérer et respecte la souveraineté de l’autre. Une politique mise en œuvre à l’échelle planétaire, qui connaît un succès grandissant en Asie, en Afrique et en Amérique latine, autrement dit sur le terrain de chasse historique des anciennes puissances coloniales. Avec les « Nouvelles Routes de la soie », la Chine exporte des produits manufacturés et importe des matières premières, mais elle monnaye ses importations par des constructions d’infrastructures. Bénéfique pour la Chine, ce programme l’est aussi pour les pays partenaires. Car il évite les errements des politiques néo-libérales imposées par l’Occident aux pays en voie de développement. Les institutions internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, en effet, exigent en contre-partie de leur concours financier la mise en œuvre de politiques d’austérité inspirées du « consensus de Washington ». La Chine, elle, n’exige rien. En clair, sa politique prend à rebrousse-poil les programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI. Les pays qui veulent travailler avec les Chinois ne sont pas contraints de privatiser les entreprises publiques, de diminuer les impôts sur les entreprises ou de faire des coupes sombres dans les budgets sociaux. Parce qu’elle s’interdit toute ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, la Chine n’exige aucune orientation de politique économique, estimant à juste titre que cette question relève de la souveraineté nationale. Certes, elle ne prête pas à l’aveugle et préserve ses intérêts. Ses entreprises se montrent parfois gourmandes, et certains projets sont différés à la suite de désaccords persistants. Mais la Chine respecte la souveraineté de ses partenaires. Cette politique est-elle impérialiste ? Il ne faut pas confondre expansion économique et impérialisme. Car ce dernier ne se résume pas à la puissance matérielle. La Chine des Ming était déjà une grande puissance, et elle n’a jamais conquis de territoires en dehors de son aire civilisationnelle. L’impérialisme est une politique visant la soumission des autres nations, de gré ou de force, et qui impose leur alignement sur les intérêts de la puissance hégémonique. C’est une entreprise de subordination qui passe toujours, à des degrés divers, par une forme de contrainte, même si le soft power y accompagne le hard power.
(A suivre …)
Bruno Guigue