Une activité culturelle irremplaçable et une bonne thérapie

Bibliothérapie

On a toujours apporté des preuves selon lesquelles la lecture s’exerce comme une bonne thérapie. Quant à la bibliothérapie, elle est née avec la luminothérapie et après la musicothérapie, pour faire face aux problèmes psychologiques.

Ceux qui, par paresse extrême, ont tourné le dos aux livres et tous les autres qui ont été privés de lire, ont subi de graves dommages pour le restant de leur vie.
Pour des lettres à écrire ou à lire, des imprimés à remplir, ils ont eu recours à des écrivains publics, sinon à des proches. Entre une personne qui s’adonne régulièrement à la lecture et une autre qui ne s’est jamais donnée la peine de déchiffrer une ligne, il y a une différence considérable sur le plan du comportement, le niveau de culture, la manière de vivre et de voir le monde. Quiconque a lu régulièrement des œuvres romanesques, théâtrales ou poétiques et extrêmement enrichissantes, a développé des qualités intellectuelles et morales qui le rendent communicatif, compréhensif et extrêmement courtois.

Pour devenir lecteur, il faut avoir été préparé
C’est dès la plus tendre enfance que s’acquiert l’habitude et le sens du choix des livres. Des petites histoires ou des contes pour enfants du genre : «Le Petit Prince» de Saint Exupéry pour commencer. Un enseignement qui initie très tôt à la découverte des univers et personnages merveilleux par des textes appropriés et adaptés au niveau des petits ne peut que créer la passion de lire. Et si tout va bien, moyennant un suivi pédagogique, la lecture apporte au fil du temps l’équilibre mental avec tout ce que cela laisse supposer comme niveau satisfaisant de langue qui permette de communiquer, d’avoir des idées ainsi qu’une assez bonne expérience de la vie humaine et une maturité d’esprit. C’est pourquoi, dans les pays avancés, malgré l’internet, les chaînes de télévision et le téléphone portable, la lecture reste obligatoire depuis l’enfance.
On sait que cette activité essentielle pour l’apprentissage de la langue, le développement de la pensée, les capacités de mémorisation et de réflexion doit commencer à l’enfance et se poursuivre toute la vie, ceci pour ne pas retomber dans la médiocrité, la violence, l’inconscience qui font reculer la société. «Qui n’avance pas recule», dit un proverbe. Cette fonction thérapeutique de la lecture s’explique ainsi par ses bienfaits : enrichissement lexical, familiarisation avec les structures grammaticales et développement culturel. Tous ces avantages assurent aussi une protection de l’individu par l’acquisition des armes qui lui permettent d’évoluer, de devenir un participant actif dans l’évolution du corps social, de garder une bonne santé mentale influant bénéfiquement sur l’état physique. On dit que le moral influe sur le physique. Ainsi un lecteur assidu a plus de chance de garder intactes ses facultés intellectuelles et sa santé physique jusqu’à un âge avancé. Sans cette thérapie qu’est la lecture, on tombe plus facilement en décrépitude, souvent avant la vieillesse.

La bibliothérapie pour guérir par les livres
L’été dernier, on a demandé à un vieillard de presque 90 ans s’il a gardé son habitude de lire. «Oui , a-t-il répondu fièrement, et c’est par la lecture que j’ai pu conserver mes réflexes face aux dangers du monde extérieur et mes capacités de mémorisation». Et il poursuit tout de go : «La lecture m’a aussi permis de m’actualiser pour ne pas être déconnecté dans notre univers dominé par la technologie avançant à grands pas». C’est un vieil homme qui est présenté comme un exemple d’homme qui a lu depuis ses années d’école primaire. Il est devenu instituteur comme Feraoun, mais au lieu d’écrire, il a consacré son temps des loisirs à la lecture. Son cas rappelle un écrivain qui a poursuivi son activité de l’écriture jusqu’à son dernier souffle. On lui a demandé une fois alors qu’il avait 95 ans, de se reposer, «Non, je ne peux pas car si j’arrête d’écrire, je perdrais la mémoire et la santé physique». Donc, tout individu incapable de prendre un livre et quel que soit son âge, devient un malade malgré lui et sa vie se limiterait à la satisfaction des besoins élémentaires : manger, boire, dormir, bavarder pour dire des banalités. Il n’y a rien à voir avec nos vieillards d’antan qui n’avaient pas où apprendre à écrire, lire et compter mais qui ont su se conserver par une alimentation saine et un apprentissage régulier à l’école de la sagesse, celle de la place publique ou des boutiques d’artisan, là où les anciens se livraient en dehors de leurs heures de travail à de véritables joutes oratoires, sorte de concours du meilleur conteur ou narrateur de légendes anciennes, sinon de déclamateur de poésies souvent anonymes mais entrant dans des sujets d’actualité. Et quiconque n’avait pas la capacité d’entrer en compétition devait au moins se donner la peine d’écouter pour apprendre à parler et s’instruire. Ces vieux qui étaient cultivés par la voie orale, avaient pu garder leur santé physique et leur lucidité jusqu’à la veille de leur disparition. La bibliothérapie s’applique-t-elle à tous les cas de figure et à tous les âges ? Cela reste à vérifier. C’est une technique de guérison qui relève de la médecine alternative consistant à créer chez le patient l’envie de lire, sur la base d’une proposition d’œuvres jugées bonnes par une équipe de médecins, probablement spécialisés dans la psychanalyse ou le domaine de la psychothérapie.
Les ouvrages sélectionnés pour leur efficacité dans la thérapie comportementale, sont des romans psychologiques ou de fiction au service des psychopathes, sinon des pièces de théâtre donnant à juger des comportements atypiques ou des poésies de belle facture et accessibles à tous les déséquilibrés. Les médecins chargés de cette mission déclinent non pas des ordonnances de médicaments mais des prescriptions de livres de développements personnalisés, c’est-à-dire destinées à des patients qui souffrent de dépression et d’anxiété. Et pour stimuler leur humeur, les médecins organisent des dynamiques de groupes moyennant des lectures collectives. C’est un traitement inspiré des méthodes modernes d’apprentissage, appliqué lorsqu’il n’y a pas de motivation. Son efficacité réside dans le fait que les personnes ciblées sentent la nécessité de lire sous l’effet d’une stimulation née de l’émulation recréée pour les besoins d’une situation particulière.
Abed Boumediene