Impérialisme et anti-impérialisme (VIII)

Afrique

Lors du vingt-cinquième sommet des pays membres de l’Organisation de l’Unité africaine, le 26 juillet 1987, le président du Conseil national révolutionnaire du Burkina Faso dénonce le nouvel asservissement de l’Afrique : «Les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme».

En 1916, Lénine avait défini l’impérialisme comme le « stade suprême du capitalisme » en soulignant le rôle de la finance et des monopoles : « L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmée la domination des monopoles et du capital financier, où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s’est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes ». Cette définition est toujours d’actualité, comme en témoignent la financiarisation de l’économie et le rôle des multinationales. Mais l’impérialisme dont parlait Lénine était déchiré par les rivalités inter-impérialistes qui ont provoqué le premier conflit mondial. L’impérialisme contemporain, en revanche, est un impérialisme à vocation hégémonique. C’est aux États-Unis que se trouvent le quartier général de l’oligarchie financière mondialisée et l’état-major d’un complexe militaro-industriel aux ambitions planétaires. Aucun autre État ne réunit les mêmes caractéristiques. La rivalité entre la Chine et les États-Unis, par exemple, n’a rien d’une rivalité inter-impérialiste : c’est l’antagonisme entre deux modèles dont l’un est impérialiste et l’autre ne l’est pas. Afin d’exercer ses prérogatives impériales, au demeurant, Washington a recours à des moyens caractérisés. En leur absence, la qualification d’une politique comme « impérialiste » relève au mieux d’un jeu de mots, au pire d’une opération de propagande. Quels sont ces instruments ? On en dénombre au moins cinq : l’intervention militaire, la guerre économique, la manipulation médiatique, le coup d’État téléguidé et la terreur importée. Ces cinq moyens d’action constituent le véritable « pentagone » de l’impérialisme.
De ce point de vue, une comparaison factuelle entre la Chine et les États-Unis est particulièrement édifiante. Depuis quarante ans, les États-Unis et leurs vassaux ont participé à de nombreuses guerres : La Grenade, Panama, Somalie, Afghanistan, Irak, Libye, Syrie. La plupart de ces interventions militaires étaient contraires au droit international. La Chine n’en a fait aucune. Les États-Unis ont 725 bases militaires à l’étranger, la Chine une seule. Certaines de ces bases militaires sont à proximité de la Chine, qui n’a aucune base à proximité des États-Unis. Ces derniers ont un budget militaire de 740 milliards, la Chine de 260 milliards de dollars. Par habitant, les USA dépensent donc – pour leur armée – douze fois plus que la Chine. La marine de guerre des États-Unis est omniprésente dans le détroit entre la Chine et Taïwan et en Mer de Chine méridionale, tandis que la marine chinoise ne patrouille jamais entre Cuba et la Floride ou au large de Manhattan. Les États-Unis et les institutions qui en dépendent (FMI, etc..) imposent des politiques d’austérité néolibérales aux États emprunteurs. La Chine, jamais. Les États-Unis infligent des sanctions économiques à 39 pays (blocus ou embargo contre Cuba, l’Iran, la Syrie, etc). La Chine à aucun. L’immense appareil de propagande des États-Unis produit de fausses informations, notamment sur des « violations des droits de l’homme », contre les États ou les gouvernements qu’ils veulent combattre. La Chine, jamais. Les États-Unis ont orchestré ou tenté d’orchestrer des opérations de regime change dans de nombreux pays (Libye, Syrie, Ukraine, Venezuela, Honduras, etc.). La Chine, jamais. Les États-Unis financent des partis d’opposition ou des organisations soi-disant humanitaires dans les pays dont ils veulent déstabiliser le gouvernement. La Chine, jamais. Les États-Unis et leurs alliés ont formé, armé et manipulé des organisations terroristes pour semer le chaos chez les autres (Afghanistan, Libye, Syrie). La Chine, jamais.

(Suite et fin …)
Bruno Guigue