La leçon des élections locales de novembre 2012 à novembre 2021

Face à une situation socio-économique préoccupante

Comment ne pas rappeler qu’entre 1980/2019, j’ai eu l’honneur de coordonner plusieurs ouvrages pluridisciplinaires, ayant abordé les réformes politiques, sociales et économiques, fruit d’un travail collectif à la rédaction desquels ont contribué des collègues spécialistes en anthropologie, en économie et en sciences politiques, des experts d’universités étrangères, de Constantine, Annaba, Béjaïa, Tizi-Ouzou, d’Oran et d’Alger.Ces travaux d’une brûlante actualité, s’inscrivent en partie dans la tradition déjà bien établie des travaux de transitologie traitant des expériences des réformes structurelles des pays du tiers monde et de l’ex-bloc socialiste, analysant les différentes politiques élaborées et exécutées en guise de réponses aux grands défis internes et mondiaux. constat en ce mois de novembre 2021, est que le taux de participation a été plus élevé que les législatives mais devant relativiser car il est admis que pour les locales, le taux est souvent élevé 65% de la population ne s’étant pas rendue aux urnes, taux auquel il faudra soustraire les bulletins nuls pour analyser le degré d’adhésion. Les Algériens se retrouvent au lendemain de ces élections avec d’importants problèmes socio-économiques, l’Algérie, depuis l’indépendance politique, étant une économie fondamentalement rentière et que toute augmentation ou baisse du cours des hydrocarbures avec ses dérivés (98/97% des recettes en devises) ont des incidences à la fois économiques et politiques.

1.-Rappel des élections locales du 23 novembre 2012 et du 23 novembre 2017
Sur 1 451 communes, la majorité absolue a été obtenue dans 391 d’entre-elles, lors des élections locales du 29 novembre 2012. Selon les résultats politiques annoncés par le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, le Front de Libération nationale (FLN) avait obtenu la majorité absolue dans 159 APC sur un total des 1 451 communes, le nombre de sièges APC obtenus par le FLN étant de 7 191 sur un total de 24 891, soit un taux de 28,89%, suivi du Rassemblement national démocratique (RND) avec 132 APC. Les listes indépendantes avaient obtenu la majorité dans 17 communes, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) 13, 12 au Mouvement populaire algérien (MPA) et 11 au Front des forces socialistes (FFS), l’Alliance de l’Algérie Verte (AAV – Islamistes) 10 communes, suivie du Front national algérien (FNA) avec 9 APC et 6 pour le parti Fadjr El Djadid. A propos des résultats des élections APW, sur les 2 004 sièges, le FLN avait obtenu 685, suivi par le RND avec 487 sièges, le MPA (103), le FFS (91), HMS (76), les Indépendants (76), PT (72), le FNA 64 sièges, l’AAV avec 54, et 34 pour le Front El Moustakbal. A noter que le taux de participation pour les élections APC était de 44,27% et de 42,84% pour les APW. Qu’en est-il du taux de participation réel de ces élections locales en prenant en compte les bulletins nuls dont les résultats donnent une moyenne APC/APW de 1 100 000 donnant un taux moyen de 5% par rapport aux inscrits. Pour les élections locales du 23 novembre 2017, selon les données provisoires annoncées par le ministère de l’Intérieur le corps électoral compte 22 883 772 millions d’inscrits et le taux de participation a atteint 44,96% pour les élections des Assemblées de wilayas (APW) et 46, 83% pour les assemblées communales (APC), donnant une légère progression par rapport au taux de participation enregistré lors des élections locales de 2012 (40,92% pour les APW et 44,26% pour les APC). Les suffrages exprimés sont de l’ordre de 10,14 millions pour les APW et 10,5 millions votants pour les APC. Le nombre de bulletins nuls est de 1,8 million dans l’élection des membres des APC et 1,08 million pour les APW, bien qu’important, une baisse relative par rapport aux nombre de votants en comparaison aux élections précédentes.

2.-Rappel du taux de participation des élections législatives de 2021 et résultats préliminaires des élections locales du 27 novembre 2021
Lors des élections législatives anticipées, les résultats officiels du scrutin, publiés officiellement au Journal officiel, ont été marqués par un fort taux d’abstention, le taux de participation ayant été de 23,03% sur un nombre d’électeurs inscrits de 24 453 992 et celui des votants de 5 622 401, avec 1 011 749 de bulletins nuls, restant pour les députés élus 4 610 652 voix, soit 18,85%. Si l’on prend la structure démographique qui constitue d’ailleurs une véritable bombe, la population totale est passée de 11 479 247 en 1962, à 18 936 298 en 1980, à 25 343 521 en 1990, à 30 833 966 en 2000 et au 1er janvier 2021 à 44 680 256 dont avec une prévision horizon 2030 de 51,3 millions d’habitants. Pour 2019, nous avons la structure d’âge suivante en pourcentage : 29,49% 0-14 ans, 14,72% 15-24 ans, 42,97% 25-64 ans, 7,01% 55-64 ans et 5,81% 65 ans et plus. Si l’on prend seulement 50% de la tranche des 15-24 ans, les personnes en âge de voter représentent 62,80% et si l’on applique ce taux à la population en âge de voter pour 2021, nous aurons environ 27,50 millions sur un total de votants de 24,12 millions, donc presque 3 millions ne se sont pas inscrits sur les listes électorales. Le nombre de voix des votants pour les députés rapporté aux personnes en âge potentiel de voter serait alors de 16,70%. Pour l’ensemble des partis nous avons 955 247 voix soit environ 4% par rapport aux inscrits et 2,66% par rapport au nombre de votants potentiels. Ainsi, tous les partis cités, le nombre de députés a été de 308 sièges soit par rapport au total 75,67%.
Pour les indépendants le nombre de sièges représente 24,33% pour un nombre de votants de 3 655 405 voix, avec 84 sièges soit 20,63% montrant qu’il y a urgence de revoir le code électoral en inscrivant une dose de proportionnelle pour avoir une représentativité réelle. Avec les indépendants nous avons au total 392 sièges sur 96,31% et les femmes ayant obtenu seulement 33 sièges (8,1%) . Pour les élections locales du 27 novembre 2021, le corps électoral s’est élevé, au terme de la révision exceptionnelle des listes électorales, à 23 717 479 électeurs répartis sur 58 wilayas avec un nombre de nouveaux inscrits de l’ordre de 669 902 électeurs, contre 474 742 individus radiés des listes. Pour plus de précision nous avons 54% hommes (12 824 972) et 46% femmes (10 898 501). – Nouveaux inscrits sur les listes électorales : 669.902 inscrits (61% hommes et 39% femmes). – 474 742 radiés. – Retrait de 1 158 dossiers de candidature aux Assemblées populaires de wilayas (APW), dont 877 dossiers retirés par 48 partis agréés et 281 par des listes indépendantes. – Retrait de 22 325 dossiers de candidature aux Assemblées populaires communales (APC). – Retrait de 1 369 813 formulaires de souscription de signatures individuelles pour les APC et APW. – Dépôt de 1 100 634 dossiers pour les APW. – Admission de 66% des dossiers déposés, soit 727 938 dossiers et refus de 34%, soit 37.
Le taux de participation aux élections locales algériennes qui se sont tenues le 27 novembre, a atteint 4,12% pour les Assemblées populaires communales (APC) et 3,9% pour les Assemblées populaires de wilayas (APW) à 10h ; pour les APC 13,30% à 13 heures et pour les Assemblées populaires de wilaya (APW) 12,70%. A 16h, le taux de participation national s’est établi, à 24,27 % pour les APC et à 23,30 % pour les APW. A la clôture, 20h, le taux de participation national au scrutin de l’élection des membres des Assemblées populaires communales a atteint 35,97% et 34,39% pour l’élection des Assemblées populaires de wilaya (APW).

3.- L’urgence de restructurer le système partisan et la société civile
Sans sécurité, existant un lien dialectique sécurité-développement, et un retour à la confiance État-citoyens, nécessitant des intermédiations politiques, économiques et sociales crédibles, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Bien qu’il y a lieu de ne pas comparer ces résultats avec les anciennes élections du fait qui ne sont pas significatifs ayant reposé sur des quotas et le bourrage des urnes, la leçon à tirer est qu’il reste un long chemin à parcourir pour redonner confiance afin de rapprocher l’État du citoyen, tout en rappelant que les pays développés ont mis des siècles à asseoir la démocratie et qu’avec la nouvelle révolution des Télécommunications qui influent sur les comportements, il y a de plus en plus méfiance des citoyens vis-à-vis du politique. Le faible taux de résultats au nombre de voix des partis et des indépendants élus résulte des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappe la majorité d’entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l’endroit du militantisme partisan, se pose cette question si les formations politiques-pouvoir et opposition sont dans la capacité, aujourd’hui, de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, évitant un affrontement direct citoyens-forces de sécurité et donc de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d’apporter une contribution efficace à l’œuvre du redressement national, assistant souvent à leur déconnexion par rapport à la vitalité de la société toujours en mouvement, d’où l’urgence de leur restructuration. Quant à la société civile, force est de constater qu’elle est éclatée y compris certaines confréries religieuses qui avec la désintégration sociale et une jeunesse parabolée ont de moins en moins d’impacts contrairement à une vision du passé. La confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend urgent l’élaboration d’une stratégie visant à sa prise en charge et à sa mobilisation. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe à la société et à l’État ajoutent à cette confusion avec une société civile informelle, inorganisée, atomisée qui est de loin la plus active et la plus importante, formant un maillage dense, mais du fait de tendances idéologiques contradictoires incapables de s’entendre sur un programme de gouvernement cohérent.
Les élections du 12 juin 2021 ont montré que la majorité des députés dits indépendants sans nous tromper plus de 50% sont des personnes issues des partis traditionnels dont les partis FLN, RND, et ceux d’obédience islamique. L’intégration intelligente de la sphère informelle, non par des mesures bureaucratiques autoritaires, mais par l’implication de la société elle-même, est indispensable pour sa dynamisation. Car lorsqu’un Etat veut imposer ses propres règles déconnectées des pratiques sociales, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner. Mais ce discrédit de la classe politique traditionnelle n’est pas propre à l’Algérie où le monde est devenu une maison de verre avec la révolution du système de communication.

4.- Redresser l’économie nationale par une mobilisation générale
Le taux de participation mitigé s’explique certainement par le processus inflationniste, la majorité de l’appareil de production fonctionnant à peine à 50% de ses capacités avec l’accroissement du taux de chômage. Comment dès lors vouloir attirer les investisseurs, malgré un nouveau code d’investissement, le mythe du juridisme, alors que l’attrait de l’investissement créateur de valeur ajoutée doit reposer avant tout, sur la visibilité et la cohérence de la politique économique, la stabilité politique, sociale, juridique et monétaire. C’est que selon le PLF-2022 le taux de change du dinar par rapport au dollar américain, en moyenne annuelle, devrait évoluer à 149,3 dinars pour 1 dollar en 2022, à 156,8 dinars pour 1 dollar en 2023 et 164,6 dinars pour 1 dollar en 2024 avec un écart de plus de 50% sur le marché parallèle, aucun pays de par le monde ne prévoit une dévaluation de sa monnaie sur deux ou trois ans qui a pour finalité d’encourager les activités spéculatives.
(A suivre)
Professeur des universités,
Expert international
en management stratégique
Dr Abderrahmane Mebtoul