Les non-dits d’une liaison

Israël – Maroc

Le rapprochement entre le Maroc et l’entité sioniste «est un véritable danger pour l’Espagne et toute la région», a mis en garde le service de renseignement espagnol dans un rapport remis au chef du gouvernement, Pedro Sanchez, mettant l’accent notamment sur «la construction d’une base militaire à proximité des frontières espagnoles». «Nous savons tous que la nation espagnole est en danger. Que le régime marocain excelle dans la politique de rapprochement avec l’entité sioniste au point de recevoir sur son territoire celui qui incarne l’un des symboles majeurs de la répression du peuple palestinien et de la profanation d’El Aqsa, cela relève certes de ses choix souverains comme continuent de nous le rappeler avec insistance ces observateurs qui oublient de nous dire que ces liens entre le Maroc et Israël remonteraient déjà à la création de cette entité en 1948. Il s’agit en réalité d’une liaison très ancienne et il serait opportun de noter, dans ce contexte, que la communauté juive marocaine qui œuvre sans relâche pour le rapprochement avec son pays d’origine a été la plus nombreuse à s’installer dans cette entité dès sa création contrairement par exemple aux juifs algériens qui ont préféré pour certains rester en Algérie par ce qu’ils y vivaient en paix loin de l’antisémitisme congénital de l’Europe où pour d’autres d’émigrer plutôt en France et aux Etats-Unis quitte à subir plus tard en Israël un véritable procès en bonne et due forme pour manque d’enthousiasme à l’égard de cette entité nouvellement créée.
Si chaque régime politique est libre de s’émanciper où pas de toute obligation y compris morale à l’égard de toute cause juste dans le monde et notamment de celle qui a toujours fait consensus au sein de la communauté musulmane, celle d’un peuple dépossédé de sa terre, de ses biens et condamné à l’errance et à l’exil depuis 1948, le rapprochement Tel-Aviv – Rabat constitue-t-il pour autant un axe véritablement construit au sens géopolitique du terme puisque ce dernier est sensé désigné l’alliance scellée entre deux ou plusieurs pays, d’égale envergure, autour d’objectifs géostratégiques communs ?
Cet accord, discrètement soutenu par la France et les Etats-Unis, est-il véritablement porteur de dividendes pour le Maroc et surtout pour le peuple marocain où constitue-t-il simplement une véritable reddition avec armes et bagages d’un régime qui aurait pu faire autrement ?
Ces questionnements méritent d’être élucidés en les étayant sur certains éléments d’analyse qui bien qu’occultés par l’analyse convenue des grands médias occidentaux restent néanmoins réels et pertinents.
Le Maroc n’a pas le même format de puissance que celui supposé de son nouvel allié et ce mariage sans consentement mutuel puisque le peuple marocain semble ne pas avoir été consulté ressemble à une verticale mise sous tutelle de ce royaume qui aurait pu devenir l’allié de l’Algérie puisque les éléments de communauté de destins semblent avoir tout de même toujours existés. Mais fallait-il aussi qu’ils soient perçus par tous loin de toute propension congénitale à la trahison et à la compromission ?
L’accord signé avec le Maroc semble ainsi plutôt destiné à protéger le régime marocain et a assuré la pérennité du caractère monarchique de ce régime. Cette protection se fera certainement pour contrer les convulsions de la société marocaine et de veiller, d’anticiper et de mater toute volonté d’émancipation des élites marocaines y compris militaires. Et le régime sioniste qui a soutenu de nombreuses dictatures dans le monde notamment en Amérique latine excelle en la matière.
Il s’agit donc en premier lieu de protéger le régime marocain contre le peuple marocain lui-même.
L’entité sioniste fera également et par la même occasion main basse sur toute l’économie marocaine et essayera de s’accaparer en dépit des résolutions internationales les richesses du Sahara occidental qui rappelons-le appartiennent au peuple sahraoui.
L’expertise en termes de renseignement, d’anticipation, de répression et d’assassinats ciblés, notamment par l’utilisation de drones déjà validée à l’égard du peuple palestinien et de certains dirigeants de la résistance palestinienne sera consolidée dans les territoires sahraouis pour y installer la supposée stabilité durable nécessaire à la sécurité des investissements et la formation en la matière sera donc certainement l’une des pièces maitresses de ce rapprochement.
En donnant par cet accord à l’entité sioniste une vitrine et une exposition dont elle ne rêvait même pas le régime marocain participe à la validation et à la normalisation du projet sioniste de liquidation de la question palestinienne qui demeurera pourtant toujours la clé de voute de tout l’édifice des relations internationales et ce tant qu’il restera encore sur terre une once d’honneur et de dignité. Et ce soutien apporté par le Maroc se fait au moment où l’entité sioniste continue de subir non seulement les assauts de la résistance islamique palestinienne incarnée par le Hamas et le Djihad islamique palestinien, de vivre encore les traumatismes induits par la défaite infligée par le Hizbollah libanais mais de souffrir aussi d’un véritable isolement sur le plan international.
L’accord israélo-marocain bouleversera-t-il pour autant les rapports de force dans la région comme le prédisent certains observateurs et autres éperviers du néocolonialisme où comme le souhaitent ceux qui l’ont pensé et qui en réalité piaffent surtout d’impatience de voir s’effondrer la puissante Algérie ? Pas si sûr ! Et chacun a le droit de rêver comme il l’entend. Les choses sont pourtant simples. Cet accord est un véritable coup d’épée dans l’eau. Pire, un coup de bluff destiné à impressionner le voisinage du Maroc. Israël dont l’armée n’est plus ce qu’elle était n’est pas au mieux de sa forme. L’entité sioniste se doit de composer désormais avec plusieurs turbulences en même temps. Internes avec notamment une société qui n’est plus aussi soudée et solidaire qu’on veut bien nous le faire croire et externes avec une multitude de foyers de tensions qui peuvent à tout moment s’emballer et se transformer en véritables enfers. Il s’agit en réalité d’un coup de semonce pour espérer faire pression à la veille d’un sommet arabe qui aura lieu en Algérie. Ce sommet sera déterminant pour la cause palestinienne puisqu’il se veut dés à présent rassembleur et un soutien sans concession à la résistance du peuple palestinien. Arrimer le monde arabe à l’axe de la résistance contre celui des apôtres de la reddition sans aucune contrepartie. Il n’est pas exclu dans ce contexte qu’une opération militaire israélo-marocaine conjointe contre l’Algérie soit pensée et concoctée à la veille de ce sommet pour affaiblir la résonance de cet évènement et infléchir ses décisions.
Les enjeux économiques ne seront pas absents de cet accord. L’entité sioniste a toujours espéré pouvoir inonder l’Afrique de ses produits et empêcher l’Algérie de pénétrer de sa puissance cet immense marché qui lui est acquis grâce à son légendaire soutien et son aide généreuse octroyés à toutes les causes juste de ce continent.
L’avenir risque cependant de réserver des surprises. La supposée quête assidue par Alger d’alliés pour faire face à ce supposé axe Tel-Aviv-Rabat n’existe en réalité que dans l’esprit de ceux qui la prêchent. L’Algérie dispose de sa propre puissance et connait aussi ses alliés qui ne comptent pas parmi ceux qui combattent l’Islam et rêvent d’anéantir la cause palestinienne.
La détermination de l’Algérie à contrer et anéantir toute tentation hostile à son égard ne vaut surtout que par la détermination de son peuple à relever et gagner tous les défis et qui elle, en l’occurrence, reste toujours intacte et sans égal. Ce qui fait vaincre, c’est l’effet de surprise et dans les grands engagements à venir, il ne faut surtout pas révéler tous ses atouts.
Nous ne le répèterons jamais assez. Ceux qui veulent normaliser leurs relations avec Israël sans aucune contrepartie pour le peuple palestinien découvriront un jour qu’ils auront été les véritables dindons de la farce et pourront méditer un jour cette terrible phrase du criminel Ariel Sharon qu’il serait peut-être opportun de leur rappeler «s’il faut négocier un jour, je le ferai avec les durs, avec le Hamas et le Djihad Islamique, car seuls ces derniers ont une parole et honoreront leurs engagements».
Par Salim Metref