Des élections en rupture avec les pratiques mafieuses

12 juin et 27 novembre 2021

Les premières élections législatives (12 juin 2021) et locales (27 novembre 2021) de l’Algérie nouvelle, sur la base de la Constitution adoptée le 1er novembre 2020 et de la loi portant régime électoral qui en est issue, ont consacré une série de ruptures avec les pratiques électorales du passé. Elles ont révélé un «décor» inhabituel à l’électeur algérien, avec l’absence de la fameuse «administration» tout au long du processus. Ce n’est pas tout : avant, tout dépendait de la place du candidat sur la liste et les premières «loges» étaient chèrement payées par ceux qui disposaient de suffisamment d’argent et n’avaient aucun scrupule ni éthique, pour corrompre les électeurs. Avant, aussi, on a failli l’oublier, les candidats du pouvoir utilisaient frauduleusement les moyens de l’Etat (téléphones, ordinateurs, véhicules de service, bons d’essence, y compris le personnel des ministères pour servir le ministre-candidat, pourtant assuré de passer sans tintamarre…). A-t-on vu pareille pratique durant la préparation et le déroulement des élections législatives et locales qui se sont déroulées en 2021 ? Non! Ce changement radical a été tellement rapide qu’il est passé inaperçu, comme si le comportement électoral respectueux de l’éthique est devenu «normal».
Les deux scrutins ont été indemnes de l’influence de l’argent. Ils ont pris une dimension historique, du fait de la transparence et de l’intégrité des opérations électorales. Pour la première fois, les vrais chiffres sont donnés pour la participation, alors qu’ils ne sont pas à l’avantage du pouvoir qui a organisé ces élections. Mais le mystérieux paradoxe est qu’au moment où la pratique électorale en Algérie a été libérée des comportements mafieux, les électeurs ont choisi dans une grande proportion de bouder les urnes.
Les opérations de vote sur l’ensemble du territoire national se sont déroulées dans de bonnes conditions, à part quelques cas isolés. Dans les wilayas de Tizi Ouzou et de Béjaïa, des électeurs ont eu le courage d’aller aux bureaux de vote et déposer leurs bulletins dans les urnes malgré une terreur anti-vote ambiante. Dans ces wilayas, des candidats ont eu le courage de se présenter aux élections. Autre particularité, et pas des moindres, de ces élections : les opérations de vote ont eu lieu dans le respect par les électeurs et l’ensemble du personnel chargé de l’encadrement, des mesures sanitaires liées à la pandémie du Covid-19 auquel avait appelé l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). Comment préserver la santé des citoyens et des candidats, et réussir ces deux rendez-vous électoraux ? C’était un défi de taille pour les autorités sanitaires et pour toute la classe politique. La situation sanitaire créée depuis plusieurs mois par l’épidémie de Covid19, a pesé sur la préparation et le déroulement des élections législatives et locales. Plus spécialement pour les élections locales, elle a pris des tournures inquiétantes du fait de la remontée du nombre de cas de contaminations, à cause du relâchement dans le respect des gestes barrières et le faible taux de vaccination, ce qui a accrédité le risque de la quatrième vague de l’épidémie de Covid-19 évoquée par les spécialistes. La crise sanitaire et les contraintes imposées par le dispositif de protection et de prévention a eu un effet qui a fortement contrarié les efforts des candidats et des dirigeants des partis politiques engagés dans les élections locales. De plus, le renouvellement anticipé des Assemblées populaires communales (APC) et de wilaya (APW) a suscité peu d’engouement chez les Algériens, même si la campagne électorale a été une opportunité pour les nouvelles formations politiques de se faire connaître.
L’état d’esprit des gens était plutôt marqué par le climat social perturbé, à ce moment, par la chute du pouvoir d’achat provoqué par la hausse des prix de plusieurs produits alimentaires dont la pomme de terre et le poulet. Plus fondamentalement, des observateurs ont souligné le poids de l’informel, qui représente la majeure partie de la base sociale dans le pays, et qui nourrit une aversion évidente pour les institutions de l’Etat, pour tout ce que représente le civisme et la loi, encore plus pour les élections. Les acteurs de l’informel, dont les activités se déroulent en marge de la loi et en violation de celle-ci, ne pouvaient pas intervenir sur les processus des deux élections, leur argent qui circule dans des sachets plastic noirs était particulièrement surveillé.
Lakhdar A.