Un frein au développement et une atteinte à la sécurité nationale

Corruption

Un des volets du Conseil des ministres du 02 janvier 2022 a été consacré particulièrement à la lutte contre la corruption. Il est évident que la corruption constitue une atteinte à la sécurité nationale et bloque tout processus de développement. Cependant, le contrôle ne saurait se limiter à des actions conjoncturelles mais devra s’inscrire dans le cadre d’une vision stratégique, car les mêmes causes reproduisent les mêmes erreurs.

De plus, selon la majorité des experts juristes, il est difficile sinon pratiquement impossible de récupérer des capitaux placés dans des paradis fiscaux, en actions ou obligations anonymes.
Par ailleurs, ce ne sont pas seulement les entreprises publiques qui gèrent mal, s’accaparant d’une partie importante du financement public, mais également l’administration et les services collectifs. S’est-on interrogé une seule fois sur le prix de revient des services de la présidence, du chef du Gouvernement, des différents ministères, des wilayas et des APC, de nos ambassades ? Du coût des différents séminaires, réceptions et commissions par rapport aux services rendus à la population algérienne. A ce titre, il convient, de se poser la question sur l’efficacité des transferts sociaux, souvent mal gérés et mal ciblés, ne s’adressant pas toujours aux plus démunis et en raison de la faiblesse du système d’information le système algérien tant salarial que celui de la protection sociale est diffus, ne cernant pas clairement les liens entre les perspectives futures de l’économie algérienne et les mécanismes de redistribution devant assurer la cohésion sociale, à travers une redistribution passive de la rente des hydrocarbures sans vision stratégique. Cela explique que selon plusieurs rapports internationaux l’Algérie dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats que certains pays de la région Mena.

3.-La lutte contre la corruption n’est pas une question de lois ou de commissions (l’Algérie ayant les meilleurs textes du monde). Ce sont les pratiques d’une culture dépassée, l’expérience en Algérie montrant clairement que les pratiques sociales quotidiennement contredisent le juridisme. Il s’agira de quantifier sérieusement ces transferts illicites de devises qui portent atteinte à la sécurité nationale, d’où l’urgence de cerner l’essence de le terrorisme bureaucratique qui produit la sphère informelle et la corruption. Comment mobiliser les citoyens au moment où certains responsables au plus haut niveau ou leurs proches sont impliqués ou supposés impliqués dans les scandales financiers et peuvent-ils avoir l’autorité morale auprès tant de leurs collaborateurs que de la population algérienne ? En fait, la lutte efficace contre la corruption implique d’avoir un système judiciaire indépendant avec une moralité sans faille des juges, d’éviter les luttes d’influence des différentes institutions de contrôle tant techniques que politiques concernant l’utilisation des deniers publics. La mise en place du contrôle est tributaire d’un management efficace des institutions, des comptabilités publiques claires et transparentes pour la rationalisation des choix budgétaires afin d’optimiser l’effet de la dépense publique, les universités et les centres de recherche étant interpellés pour produire des instruments de calculs adéquats. La pleine réussite de cette entreprise qui dépasse largement le v cadre strictement technique, restera tributaire largement d’un certain nombre de conditions dont le fondement est la refonte de l’Etat au sein d’une économie mondiale de plus en plus globalisée et des grands espaces, et une concertation permanente entre les différentes forces sociales politiques, économiques et sociales. En fait, la lutte contre la corruption implique un véritable Etat de Droit une nouvelle gouvernance si l’on veut combattre efficacement la corruption qui gangrène le corps social. Sans l’amélioration de la gouvernance local et centrale comme j’ai eu à le démontrer dans un récent interview à l’American Herald Tribune(1), où une question m’a été posée sur la corruption en Algérie, cela suppose une grande moralité de ceux qui dirigent la Cité, sinon les discours équivalent à des slogans creux et il ne faut pas s’attendre à une dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures. Cela date pas d’aujourd’hui car ayant eu à diriger en tant que directeur général des études économiques et haut magistrat comme premier conseiller à la Cour des comptes, pour la présidence de l’époque le dossier du bilan de l’industrialisation entre 1965 et 1978 du programme de l’habitat en relations avec le Ministère de l’Intérieur et tous les walis nous avons constaté d’importants surcoûts par rapport aux normes internationales. Il en est de même du dossier des surestaries en relation avec le ministère du commerce. J’avais conseillé à la présidence de l’époque d’établir un tableau de la valeur en temps réel, reliant toutes les institutions concernées aux réseaux internationaux (prix, poids, qualité) , tableau qui malheureusement n’a jamais vu le jour du fait que la transparence des comptes s’attaquait à de puissants intérêts occultes.

En résumé, l’Algérie sera ce que les Algériennes et les Algériens voudront qu’elle soit Avec la corruption combinée à la détérioration du climat des affaires, selon la majorité des rapports internationaux, il est utopique de parler d’une véritable relance économique. Au sein d’un monde turbulent et instable préfigurant d’importants bouleversements géostratégique, le futur défi de l’Algérie, elle a les potentialités de sortie de crise, et elles sont énormes, sera d’avoir une nouvelle gouvernance, une visibilité dans la démarche des réformes structurelles indispensables conciliant efficacité économique, une très profonde justice sociale et une nouvelle architecture institutionnelle reposant sur une réelle décentralisation et le retour à la confiance, sans laquelle aucun développement n’est possible, devant s’éloigner de la mentalité rentière et de réhabiliter le travail et l’intelligencede dollars entre 2000/2020.
Professeur des universités, expert
international Dr Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)