Un rituel qui fait la singularité des traditions ancestrales au M’zab

Yennayer

Loin d’être un rituel évanescent de notre histoire, la célébration de Yennayer (nouvel an Amazigh) relève des traditions de l’ensemble des algériens et continue, auprès des familles amazighophones dans le M’zab, de marquer le temps comme une fête toujours vivace avec ses pratiques rituelles, ses couleurs et ses traditions culinaires.Ce rituel diffère d’une région à l’autre, et à Ghardaïa par exemple, cette fête est préparée dès le début du mois de janvier par les enfants, les femmes et les hommes, en tenant compte des mesures strictes à respecter.
Célébré dans la singularité des traditions ancestrales de la région la nuit du 6 au 7 janvier, le nouvel an Amazigh au M’zab obéit à une tradition liée aux activités agricoles et aux ressources essentielles à la vie paysanne. Il marque le début de la saison hivernale et l’année agraire dans cette région au climat aride.
La différence de date de célébration de Yennayer dans cette région, contrairement à d’autres où il est célébré le 12 janvier, reste encore mystérieuse et aucune source n’a pu éclairer l’énigmatique date du 6 au 7 janvier (Yennayer) dans le M’zab.
Cependant, tout le monde s’accorde sur le fait que le nouvel an Amazigh renvoie au calendrier agricole, explique M. Salah Tirichine, enseignant à la retraite.
Pour les habitants des oasis du M’zab, cet événement qui coïncide avec la fin de la cueillette de la production phœnicicole constitue une étape cruciale pour passer en revue la situation environnementale des palmeraies et annoncer le début de l’opération de soins et de toilettage des palmiers dattiers productifs, a indiqué à l’APS Hadj Bakir, propriétaire d’une palmeraie à Ghardaïa.
Le but de l’opération est de débiter à la scie tranchante ou à la hache les palmes sèches, les rémanents et autres arbustes morts, la pousse des rejets, le lif et les restes des hampes florales, afin de permettre au sol de conserver l’humidité et les éléments nutritifs mais aussi de réduire les risques d’incendie, a-t-il expliqué.
L’opération de toilettage touche également les séguias et autres réseaux de partage des eaux d’irrigation des palmeraies, a précisé ce connaisseur des travaux saisonniers agricoles. Pour Dr. Ahmed Nouh, notable de Béni-Isguen, cette journée du nouvel an Amazigh, qui présage d’une nouvelle année féconde, constitue également pour la gent féminine du M’zab une occasion pour discuter de la situation de la femme, notamment les nouvelles mariées. «Chaque famille offre un plat (le fameux R’fis) à la nouvelle mariée et les femmes se conseillent sur la vie du couple, des enfants et s’enquièrent de la situation des veuves et des divorcées, dans un climat de solidarité», a précisé M. Nouh.
Ces rituels qui tirent leur résilience historique de l’attachement des habitants du M’zab à leur culture ancestrale et consolident la cohésion sociale et la solidarité, varient entre le désir de s’attirer la bénédiction, s’assurer une année faste et éloigner le mauvais sort.
Chaque année, Yennayer est célébré à la manière des ancêtres, avec la même ferveur, le même recueillement et tout le cérémonial habituel autour des plats spéciaux minutieusement préparés pour la soirée du nouvel an Amazigh et qui doivent contenir que des ingrédients de couleur blanche (sucre, semoule, lait, etc), afin, dit-on, que la nouvelle année soit une année de paix et de bonheur.

Une célébration qui augure d’une année agricole faste
R’fis, un plat du terroir, incontournable lors de la célébration du nouvel an Amazigh, se prépare essentiellement à base de semoule, sucre, lait et œufs, que la ménagère fait cuire sous forme de galette qui est effritée est passée à la vapeur.
Imbibé de smen (graisse animale naturelle) et décoré avec du raisin sec et des œufs durs, ce plat réunit toute la famille élargie, et est ponctué d’une prière suivie de la lecture du verset de la Fatiha du Saint Coran pour implorer Dieu de faire de cette nouvelle année, considérée comme le début de la saison agricole, une année faste pour l’agriculture et l’hydraulique.
La soirée de Yennayer chez les familles Amazighophones dans le M’zab s’achève dans une atmosphère rituelle par des jeux appelés Alaoune, genre de Bouqala algéroise.
D’autres plats spéciaux et tout aussi copieux sont également préparés à cette occasion tels que Chercham, Chekhchoukha ou Couscous, consommés collectivement dans un même plat et cela même dans des localités arabophones de Ghardaïa, a signalé Ahmed Benseghir, un chercheur de l’Université de Laghouat, précisant que dans tous les cas, c’est un repas riche et de bon augure, présageant une nouvelle année féconde.
Yennayer s’inscrit ainsi dans le cadre de la réhabilitation de la culture, du patrimoine, des valeurs et des traditions amazighs, qui font partie intégrante de la culture nationale dans toute sa diversité et sa pluralité.
Plusieurs cérémonies festives ont été programmées par des associations dans les différentes structures de la wilaya de Ghardaïa, pour inculquer et enseigner aux jeunes générations et à la société civile la culture ancestrale de l’Algérie dans toute sa diversité, ont indiqué les initiateurs de ces festivités qui s’achèvent par des prières en implorant Allah de nous arroser en pluies bénéfiques pour remplir les nappes et les puits de parcours afin de lutter contre la sécheresse.
R.C.