Les défis stratégiques, réformes structurelles et bonne gouvernance

Algérie 2022/2025

Le débat qui n’apporte aucune valeur ajoutée entre la banque mondiale et certaines experts doit être clos, devant éviter des polémiques inutiles. L’Algérie qui défend ses propres intérêts, entend entretenir de bonnes relations avec toutes les institutions internationales sur la base du respect mutuel. Loin des slogans, à tout débat objectif et productif ,doit reposer sur des données clairement chiffrées sur la base des différentes hypothèses de calcul, des hypothèses différentes donnant des résultats différents. La solution est du seul ressort des algériens loin de la vision de sinistrose. L’Algérie n’est pas au bord de la faillite mais s’impose un sursaut national et une nouvelle gouvernance.Encore que les transferts sociaux et subventions généralisées, qui représenteront 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021 sont intenables dans le temps.
La solution la crise impose une nouvelle gouvernance donc la réforme du système politique et institutionnel sous tendu par une planification stratégique qui devra s’articuler autour de grands ministères homogènes et de 5/6 grands pôles régionaux économiques. Comment ne pas rappeler que par le passé, (2005), j’ai eu l’honneur de coordonner plusieurs ouvrages pluridisciplinaires, d’une brûlante actualité, ayant abordé les réformes politiques, sociales et économiques, fruit d’un travail collectif à la rédaction duquel ont contribué des collègues spécialistes en anthropologie, en économie et en sciences politiques des universités d’Oran et d’Alger (Casbah Editions deux volumes 520 pages sous le titre réformes et démocratie- 2005). A cette époque j’avais donné plusieurs conférences aux universités de Annaba, de Constantine, de Tizi Ouzou, de Béjaia, Mascara , Sid Bel-Abbès, Tlemcen, d’Oran, à l’Académie militaire Inter- Armes de Cherchell, avant de clôturer à l’Ecole nationale d’administration d’Alger (ENA) et ce afin pour expliquer notre démarche fondée sur l’alternance démocratique tenant compte de notre authenticité Les réformes fondement de la transition socio-économique renvoient à la refondation de l’Etat qui implique de saisir les tendances réelles de la société algérienne face tant aux mutations internes que mondiales.
En raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappent la majorité d’entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l’endroit du militantisme partisan, se pose cette question si les formations politiques- pouvoir et opposition sont dans la capacité aujourd’hui de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, évitant un affrontement direct citoyens forces de sécurité et donc de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d’apporter une contribution efficace à l’œuvre de redressement national, assistant souvent à leur déconnexion par rapport à la vitalité de la société toujours en mouvement, d’où l’urgence de leur restructuration. Quant à la société civile, force est de constater qu’elle est éclatée y compris certaines confréries religieuses qui avec la désintégration sociale et une jeunesse parabolée ont de moins en moins d’impacts contrairement à une vision du passé. Comme pour les partis, la majorité ne se manifeste que sur instrumentalisation, vivant du transfert de la rente et non sur la base des cotisations de leurs adhérents.
La confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend urgente l’élaboration d’une stratégie visant à sa prise en charge et à sa mobilisation. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traverse et sa relation complexe à la société et à l’Etat ajoutent à cette confusion et là verra-t-on se scinder en quatre sociétés civile :
premièrement, le premier segment qui a été par le passé le plus gros segment, interlocuteur privilégié et souvent l’unique des pouvoir publics sont des sociétés civiles appendice du pouvoir se trouvant à la périphérie des partis du pouvoir où les responsables sont parfois députés, sénateurs, vivant en grande partie du transfert de la rente;
deuxièmement, nous avons une société civile ancrée franchement dans la mouvance islamiste, certains segments étant l’appendice de partis islamiques légaux; troisièmement, nous avons une société civile se réclamant de la mouvance démocratique, faiblement structurée, en dépit du nombre relativement important des associations qui la composent, et minée par des contradictions en rapport, entre autres, avec la question du leadership;
quatrièmement, nous avons une société civile informelle, inorganisée, atomisée qui est de loin la plus active et la plus importante, formant un maillage dense, tous les acteurs voulant un changement, mais du fait de tendances idéologiques contradictoires incapables de s’entendre sur un programme de gouvernement cohérent. L’intégration intelligente de la sphère informelle, non par des mesures bureaucratiques autoritaires, mais par l’implication de la société elle-même, est indispensable pour sa dynamisation. Car lorsqu’un Etat veut imposer ses propres règles déconnectées des pratiques sociales, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner.
Les exigences d’un Etat fort de sa droiture et de son droit, si elles constituent un outil vital pour la cohésion nationale et le destin de la nation, ne doivent pas occulter les besoins d’autonomie de pouvoirs locaux qui doivent être restructurés en fonction de leur histoire anthropologique et non en fonction des nécessités électoralistes ou clientélistes. L’Algérie ne peut revenir à elle-même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétence, de loyauté et d’innovation sont instaurés comme passerelles de la réussite et de promotion sociale. Cela implique des réaménagements dans l’organisation du pouvoir devant poser la problématique stratégique du futur rôle de l’Etat largement influencé par les effets de la mondialisation dans le développement économique et social notamment à travers une réelle décentralisation.
L’image de la commune-manager repose sur la nécessité de faire plus et mieux avec des ressources restreintes. Il n’y aurait donc plus de place pour le gaspillage et le droit à l’erreur, ce qui exclut obligatoirement le pilotage à vue, au profit des actions fiabilisées par des perspectives de long terme d’une part, et les arbitrages cohérents d’autre part, qu’implique la rigueur de l’acte de gestion. Si l’on veut un développement durable, permettant l’adhésion des citoyens s’impose de la restructuration du système partisan et de la société civile.
Cette réforme du système politique permettra de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures afin d’éviter la marginalisation de l’Algérie au sein de l’économie mondiale. Je ne saurai trop insister sur l’urgence de synchroniser la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale, la vision purement monétariste, la planche à billets (sans contrepartie productives, sous prétexte de ne pas aller vers l’endettement extérieur, l’Algérie souffrant de rigidités structurelles, la théorie néo keynésienne étant inapplicable et du manque de devises et non pas de dinars, sous prétexte d’éviter l’endettement extérieur qui peut être positif s’il est ciblé et créateur de valeur ajoutée, et la dévaluation du dinar pour combler artificiellement le déficit budgétaire, politique qui conduira inéluctablement au scénario vénézuélien avec une faillite de l’économie marquée par une hyperinflation et de vives tensions sociales avec un impact sécuritaire. Avec l’épidémie du coronavirus, le monde de demain 2022/2030/2040, ne sera plus jamais comme avant, étant à l’aube d’une quatrième révolution économique et technologique, fondée sur deux fondamentaux du développement, la bonne gouvernance et l’économie de la connaissance,( l’intelligence artificielle, le digital ) ne devant jamais oublier que toute nation qui n’avance pas recule. D’où l’importance pour l’Algérie afin de relever les défis, de l’implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l’avenir des générations futures, qui est une manière pour l’État, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d’arbitre de la demande sociale. Comme conséquence, le monde de demain subira de profondes mutations politiques, militaires, socio-économiques et énergétiques, déclin des hydrocarbures traditionnels, développement des énergies renouvelables, l’hydrogène 2030/2040, avec de nouveaux segments engendrant de la valeur ajoutée nouvelle, déclassant les activités traditionnelles. Nous devrions assister à d’autres relations sociales, de nouveaux comportements et d’autres méthodes de travail avec le développement des vidéo conférences, le télétravail pour certains métiers et des recompositions territoriales autour de grands espaces régionaux pour une population mondiale de 8,9 milliards d’ habitants en 2030 et 9,8 milliards en 2050. C’est que nos sociétés ont été perturbées depuis l’entrée en puissance des nouvelles technologies à travers Facebbok qui contribuent à refaçonner les relations sociales, les relations entre les citoyens et l’Etat, par la manipulation des foules, pouvant être positif ou négatif lorsque qu’elle tend à vouloir faire des sociétés un tout homogène alors qu’existent des spécificités sociales des Nations à travers leur histoire, Ces nouvelles dictatures peuvent conduire à effacer tout esprit de citoyenneté à travers le virtuel, l’imaginaire et la diffusion d’images avec pour conséquence une méfiance accrue par la manipulation des foules, lorsque des responsables politiques formatés à l’ancienne culture ne savent pas communiquer . Mais des dangers guettent le futur monde qui sont la guerre alimentaire et son corollaire l’eau, la guerre numérique (cyber attaque) qui modifiera notre mode de vie. Autre défi majeur, la guerre écologique, cette dernière pouvant conduire avec le réchauffement climatique à des déplacements de populations avec l’élévation du niveau des mers et la sécheresse, à d’importants flux migratoires et des millions de morts, dont l’impact actuellement du coronavirus ne serait qu’un épiphénomène. Aussi de profonds changements s’imposent, tout projet étant porté par forcément des forces sociales, souvent avec des intérêts différents, en démocratie les urnes la population tranchant sur le projet de société, où la minorité politique se soumet à la volonté de la majorité, tout en restant une force de propositions.

En conclusion, la solution pour le redressement national se trouve dans le dialogue productif avec des concessions réciproques privilégiant uniquement l’avenir de l’Algérie, entre le pouvoir, l’opposition. Dans le cas du retour au FMI 2021/2022, il serait utopique tant pour le pouvoir, l’opposition de parler d’indépendance sécuritaire, politique qu’économique. Nous aurons alors des incidences géostratégiques négatives de déstabilisation de la région méditerranéenne et africaine que ne souhaite ni les USA, ni l’Europe, ni d’ailleurs aucun algérien patriote, comme je l’ai souligné dans deux interviews entre 2017/2018 à AfricaPresseParis, l’autre à l’American Herald Tribune « Dr. Abderrahmane Mebtoul: “Algeria Still Faces Significant Challenges. Quitte à me répéter, l’Algérie possède d’importantes potentialités pour surmonter la crise actuelle sous réserve de profondes réformes, d’une nouvelle gouvernance, la lutte contre la bureaucratie qui enfante la sphère informelle et la corruption et une bonne gestion pouvant fonctionner à un baril entre 60/70 dollars. Une autre politique s’impose, notre pays ayant besoin qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’un même projet, d’une même ambition et d’une même espérance afin de faire de l’Algérie un pays émergent.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)