L’objectif stratégique, relevant de la sécurité nationale, une nouvelle gouvernance pour relancer l’économie nationale

Éviter l’euphorie du passé du mythe de la rente des hydrocarbures

Certes le cours du pétrole a été coté le 20 janvier 2022 à 88,10 dollars pour le Brent et à 86,76 dollars pour le Wit.
Or, lors d’une conférence devant le gouvernement en novembre 2014 j’avais attiré l’attention qu’il s’agissait pour comprendre les déterminants du cours du pétrole de raisonner sur le moyen et long terme afin d ‘éviter d’éviter d’induire en erreur les hautes autorités du pays .Certains experts lors de cette conférence avaient prédit un cours de plus de 100 dollars entre 2015/2019, erreur d’appréciation et de prévision, que certains veulent reconduire en 2022, qui a conduit le pays à l’impasse que nous connaissons depuis. Cette hausse actuelle de court terme, certes bénéfique pour le pays, atténuant les tensions financières doit être donc être utilisée à bon escient afin de diversifier l’économie nationale.
1.-C’est que l’Algérie, grâce à Sonatrach( 33% des recettes provenant du gaz naturel, 35% GNL et 65% GN par canalisation ) a eu d’importantes entrées en devises ; mais cette manne financière a- t- elle favorisé le développement durable ? Selon nos estimations, les entrées en devises entre 2000/2021 sont estimées approximativement autour de 1100 milliards de dollars avec une importation de biens et services de plus de 1050 milliards de dollars. Malgré ces dépenses en devises, et devant inclure les dépenses en dinars, la croissance a été dérisoire en moyenne annuelle de 2/3% entre 2000/2019, alors qu’elle aurait dû dépasser 9/10%, espérant 3,3% pour 2021 après une croissance négative de 6% selon la Banque mondiale et 4,9 négatif selon le FMI en 2020. Mais un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente; ainsi, 3% rapportés à un taux faible donnent cumulé par rapport à la période précédente, inférieur à la pression démographique, plus de 44 millions d’habitants au 1er janvier 2021, où il faut pour réduire les tensions sociales créer 350.000/400.000 emplois productifs par an qui s’ajoutent au taux de chômage actuel estimé en 2021 par le FMI à environ 14,5%. Malgré toutes ces entrées en devises l’économie algérienne en ce mois de janvier 2022, reste tributaire à 98% avec les dérivées des hydrocarbures. Pour l’année 2021 a peu l’Algérie profité des hausses de prix puisque selon le rapport de l’Opep ,les exportations se situent à environ à 500.000 barils/j pour le pétrole et pour le gaz les exportations environ 43/44 pour 2021, avec une baisse en volume physique par rapport à 2007/2008 entre 20/25 Selon le rapport du FMI rapport de fin décembre 2021, les exportations ont atteint en 2021 les 37,1 milliards (32,6 pour les hydrocarbures et 4,5 milliards hors hydrocarbures) dont près de 2,5 milliards de dollars de dérivés d’hydrocarbures en prenant les estimations récentes du bilan de Sonatrach pour 2021 dont les recettes globales y compris les dérivées sont estimées à 34,5 milliards de dollars.
La majorité des rapports internationaux montrent clairement que le cours du pétrole pourrait être élevé, entre 2022/2024 , avec un prix très modéré entre 2025/2030 du fait de l’inévitable transition énergétique avec l’accélération de l’hydrogène comme source d’énergie entre 2030/2040. Aucun pays du monde ne s’est développé grâce aux exportations de matières premières brutes mais grâce à la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. .Cela n’est pas propre à l’Algérie, la majorité des pays de l’OPEP ne sont pas des pays développés malgré des milliers de millions de dollars d’entrée en devises. Regardez le Venezuela , première réserve mondiale de pétrole avant l’Arabie Saoudite un pays en semi faillite. ( interventions du professeur Abderrahmane Mebtoul -conférence devant le parlement européen octobre 2013 Ecole supérieure de guerre Ministère de la défense nationale mars 2019-conférence en juin 2019 à Marseille où il a présidé au nom de l’Algérie la commission transition énergétique des 5+5+ 5 de la méditerranée orientale +Allemagne et en juin 2020 conférence devant l’ensemble des attachés économiques et politiques des ambassades accrédités à Alger au siège de l’ambassade de l’Union européenne). La forte consommation intérieure selon le ministère de l’Energie risque de dépasser les exportations actuelles à horizon 2030. Cela rend urgent la publication des décrets d’application de la loi des hydrocarbures, ayant assisté à un net recul des IDE entre 2018/202, Sonatrach ayant signé surtout des lettres d’intention qui n’engagent nullement l’investisseur.
2.- Quels sont les principaux déterminants du cours du pétrole ? Au préalable, pour éviter de fausses interprétations, le prix élevé, durant cette conjoncture, à la pompe pour les pays importateurs d’énergie n’est pas dû qu’à la hausse des prix du gaz/pétrole sur le marché mondial mais à l’importance des taxes, dépassant parfois les 50% qui alimentent les budgets des Etats et pour les produits manufacturés industriels et agricoles , les pays développés répercutent cette hausse au niveau des importations des pays producteurs d’hydrocarbures qui n’ont pas une économie diversifiée.
Premièrement, outre la demande le cours du pétrole est déterminé par les facteurs géopolitiques qui exercent une pression à la hausse au niveau du marché.et la croissance de l’économie mondiale notamment de la Chine et de l’Inde, croissance incertaines fonction de la maîtrise de l’actuelle épidémie. Pour le gaz et le pétrole le marché naturel de l’Algérie est l’Europe étant impossible d’avoir des prix concurrentiels en Asie (coût de transport exorbitant devant contourner toute la corniche de l’Afrique avec la forte concurrence de pays proche de cette zone dont le Qatar, l’Iran, l’Irak récemment, la Russie a accru sa production, et ouvert de nouveaux gisements en Sibérie avec le gazoduc Sibérie Chine, témoignant d’une stratégie agressive qui d’ailleurs est le pays le plus concurrent dans le domaine du gaz pour l’Algérie dans l’approvisionnement en Europe.
Deuxièmement, du côté de l’offre, nous assistons à une hausse plus rapide que prévu de la production de pétrole (non conventionnel) des USA qui bouleverse toute la carte énergétique mondiale. Selon The Telegraph, les Etats-Unis devraient pénétrer fortement le marché mondial avec des quantités sans précédent de gaz naturel liquéfié (GNL).
Troisièmement, la position de l’OPEP qui a adopté la prudence par une augmentation progressive de sa production en coopération avec la Russie. N’oublions pas les rivalités au niveau de l’OPEP dont certains ne respectent pas les quotas, l’Arabie Saoudite avec la Russie et les USA, les trois plus grands producteurs mondiaux, est le seul pays producteur au monde actuellement qui est en mesure de peser sur l’offre mondiale, et donc sur les prix, tout dépendant d’une entente entre les USA et l’Arabie Saoudite pour déterminer le prix plancher, encore que cette entente pourrait se déplacer dans un proche avenir avec une entente avec l’Iran.
Quatrièmement, la stratégie expansionniste russe dont le géant Gazprom, pour le gaz (45000 milliards de mètres cubes gazeux de réserve) à travers le North Stream 1 et 2 (ce dernier en négociation) et le South Stream d’une capacité prévue de plus de 150 milliards de mètres cubes gazeux pour les trois canalisations pour approvisionner l’Europe, sans compter les nouvelles canalisations vers l’Asie.
La Russie a besoin de financement, les tensions en Ukraine n’ayant en rien influé sur ses exportations en Europe où sa part de marché a été de 30%. Un accord circonscrit à l’OPEP, sans la Russie, ne suffirait pas à peser sur les cours.
Cinquièmement, du retour sur le marché de la Libye pouvant aller facilement vers 2 millions de barils/jour, de l’Irak avec 3,7 millions de barils jour (réservoir mondial à un coût de production inférieur à 20% par rapport à ses concurrents) pouvant aller vers plus de 8 millions/jour. Et surtout l’Iran si les accords récents se concrétisent ayant des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant facilement d’exporter entre 4/5 millions de barils jour.
Sixièmement, les nouvelles découvertes dans le monde notamment en offshore notamment en Méditerranée orientale (20.000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région) et en Afrique dont le Mozambique qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir en Afrique et n’oubliant l’important gisement en production du Kazazthan. Septièmement, la transition énergétique où d’ici 2030-2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/Europe/Chine, Inde devraient dépasser les 4000 milliards de dollars où les grosses compagnies devraient réorienter leurs investissements. Avec la nouvelle administration américaine, le retour aux accords de Paris COP21 sur le réchauffement climatique. Bien que le nouveau président dit ne pas vouloir interdire le développement du pétrole/gaz de schiste dont les USA sont le premier producteur mondial, s’engageant avec les nouvelles techniques à améliorer les effets de la fracturation hydraulique, le programme de Joe Biden prévoit 2000 milliards de dollars sur les 20/30 prochaines années, La Commission européenne a fixé. une trajectoire indicative pour la période 2021-2030, avec des points de référence, devant mobiliser au moins 1000 milliards d’euros d’investissements durables.
La Chine prévoit d’investir massivement dans les énergies renouvelables: pays leader, elle prévoit d’investir d’ici 2030 entre 375/400/ milliards de dollars et l’Inde près de 190 milliards de dollars. Les USA/Europe représentent actuellement plus de 40% du PIB mondial pour une population inférieure à un milliard d’habitants. Et si les chinois, les indiens et les africains avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA et l’Europe il faudrait cinq fois la planète actuelle. Septièmement, l’évolution des cotations du dollar et l’euro, toute hausse du dollar, bien que n’existant pas de corrélation linéaire, pouvant entraîner une baisse du prix du baril, ainsi que les stocks américains et souvent oubliés les stocks chinois

3.-D’où l’importance, pour l’Algérie ,
d’ une politique énergétique autour de cinq axes
Le premier axe est d’améliorer l’efficacité énergétique. En Algérie existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif ; idem pour les carburants et l’eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe montrant le dépérissement du tissu industriel, soit moins de 6% du produit intérieur brut. Car comment peut-on programmer 2 millions de logements selon les anciennes normes de construction exigeant de fortes consommation d’énergie alors que les techniques modernes économisent 40 à 50% de la consommation ? Par ailleurs s’impose une nouvelle politique des prix ( prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international occasionnant un gaspillage des ressources qui sont subventionnés pour des raisons sociales.
A cet effet, une réflexion doit être engagé par le gouvernement algérien pour la création d’une Chambre nationale de compensation, que toute subventions devra avoir l’aval du parlement pour plus de transparence, chambre devant réaliser un système de péréquation, segmentant les activités afin d’encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant une nouvelle politique salariale. Le second axe est l’investissement à l’amont pour de nouvelles découvertes d’hydrocarbures traditionnelles.
Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités –expert international-
(A suivre…)