Trois processus complémentaires, pour une transition vers l’économie de marché

Dans le cadre d’une totale transparence, la privatisation, la démonopolisation et le partenariat public-privé

Il y a actuellement une importante confusion entre privatisation partielle ou totale, la démonopolisation et le partenariat public-privé, chaque opération répondant à des actions spécifiques. La privatisation est une cession d’actifs soit par appel avis d’offres ou via la Bourse avec un rôle stratégique de l’Etat régulateur, mais pouvant exister des privatisations sans transfert de propriété.Dans le cadre d’un PPP, l’Etat verse une somme au secteur privé en contrepartie de l’offre de service et de la prise en charge éventuelle de la construction et de la gestion des infrastructures, l’Etat gardant la main, un contrat de gestion étant temporaire avec le secteur privé. La démonopolisation consiste à encourager le développement du secteur privé, les entreprises publiques existantes devant s’adapter à un régime concurrentiel, certains pays de l’ex camp communiste dans la transition vers l’économie de marché n’ayant pas privatisé mais ayant encouragé la démonopolisation dans l’affectation des ressources financières.

1.- Pour les privatisations avec transfert de propriété, on peut recenser huit méthodes de privatisation qui n’est pas une liste exhaustive, qui souvent dans la pratique connaissent des combinaisons par des études cas par cas :
a) l’offre publique de ventes d’actions mais qui se heurte à une difficulté:
b) l’absence de marché de capitaux ;
c) vente privée d’actions ;
d) l’apport d’investisseurs privés dans une entreprise publique après apurement du passif ;
e) découpage, segmentation ou restructuration de l’entreprise en plusieurs de ses composantes qui sont vendues séparément ;
f) distribution de bons vendus à l’ensemble de la société permettant la création de fonds d’investissement: la méthode de vente de bons d’échange, chaque citoyen recevant des bons de privatisation d’une certaine valeur moyennant une redevance d’enregistrement permet l’adhésion populaire sous réserve de bien organiser ces fonds d’investissement par des comités de surveillance ;
g) une toute autre solution de privatisation avec transfert de propriété est la privatisation de l’entreprise par voie de reprise totale par les salariés. Elle est satisfaisante théoriquement plus que pratiquement. Ces entreprises manquent de fonds propres et auront des problèmes d’augmentation de capital. En outre, on connaît les difficultés managériales des entreprises publiques en Algérie. Il y aura peu de chance qu’elles puissent trouver en leur sein des équipes de gestionnaires capables d’affronter un marché concurrentiel. Cette technique paraît en revanche adaptée au secteur des petites entreprises de services, comme il y aura lieu de prévoir la formule de cession aux cadres mais qui suppose la création d’une banque à risque pour les accompagner transitoirement ;
h) enfin sous réserve d’un programme de privatisation clair, une autre technique est la reconversion de la dette extérieure en prises de participation. Pour les techniques d’évaluation des entreprises publiques, nous avons l’approche patrimoniale, le goodwill- les approches prospectives, donnent des résultats douteux d’où la nécessité de tenir compte des variations imputables tant à la situation politique et sociale interne qu’aux paramètres internationaux. L’enseignement majeur que l’on peut tirer est qu’il n’y a pas de modèle universel. Chaque pays et chaque économie, en fonction de leurs réalités et de leurs contraintes, se doit de mettre en place les techniques les plus adaptées à leurs contextes. (Abderrahmane Mebtoul 2 volumes 500 pages, réformes et privatisation –office des publications universitaires OPU 1983- reproduit dans Amazon Paris 2018 et le programme de l’Association Nationale de Développement de l’Economie de Marché ADEM en arabe-anglais- français en 1992 , période où je présentais avec de nombreux amis de toutes les régions du pays, de profondes réformes, l’encouragement des véritables producteurs de richesses qu’ils soient dans le secteur public ou le secteur privé, et non des prédateurs, période d’alors où hommes politiques et bon nombre d’universitaires chantaient le dirigisme étatique bureaucratique).

2.-Nous avons la privatisation sans transfert de propriété, pour les grandes entreprises où l’Etat confie au secteur privé national, étranger ou mixte, la gestion de ces entreprises, mais renonce dans l’immédiat à en céder la propriété. La mise en gérance de l’entreprise publique est envisageable. Un contrat est passé avec la société gérante, qui pourra être étrangère, nationale ou, de préférence, mixte. Cela laisse ouvert toute une gamme de possibilités : la gérance rémunérée par l’EPE, rémunération dégressive ou non, variable ou non selon le chiffre d’affaires, à durée déterminée ou non, avec des pouvoirs de gestion plus ou moins larges, sans garantie ou avec garantie du passif par l’Etat et /ou garantie d’un chiffre d’affaires minimum par l’Etat ou par le gérant. Tout dépendra de l’état de l’entreprise et des espoirs des deux partenaires dans sa réhabilitation et sa rentabilisation plus ou moins prochaine. Si les espérances du candidat gérant sont suffisamment grandes, une gérance payante sera négociée : le contrat réglera, dans ce cas, des modalités analogues à celles précitées. Dans cette hypothèse, l’Etat aura la perspective d’une meilleure gestion en raison de l’engagement financier du gérant et de son intéressement direct aux résultats. Une autre technique sera la location-vente qui permettra au locataire, qui paiera un loyer déterminé, d’acquérir à terme la propriété de l’entreprise, avec un droit de préemption à l’arrivée du terme. La technique du leasing au crédit-bail, sera plus intéressante pour le preneur à bail puisqu’il négocie d’entrée de jeu le prix de l’entreprise avant qu’il ne l’ait valorisé, qu’il aura l’option «in fine» et pourra plus facilement obtenir des crédits bancaires pour la réhabilitation et le développement de l’entreprise. Tous ces contrats pourront être modulés selon l’objet de l’entreprise, car l’opération ne pourra être conçue de la même manière pour la reprise d’un établissement financier, d’une entreprise industrielle ou commerciale. Dans tous les cas où il s’agira d’entreprises à activités multiples, les possibilités de restructuration par cession ou vente partielle d’actifs devront être prévus, ainsi que la négociation de ces contrats à l’occasion de ces opérations. Cela supposera nécessairement une clause de renégociation et une institution de type arbitral.

3. Enfin nous avons le partenariat public/privé, Pour la PPP nous avons dans la terminologie anglo-saxonne trois types de partenariats : les partenariats institutionnels (création de sociétés à capitaux publics et privés telles que les sociétés d’économie mixte ou joint-ventures), les partenariats dans lesquels les entreprises privées conseillent les personnes publiques pour la valorisation de leurs biens et les contrats de Private Finance Initiative (PFI) qui sont la forme la plus répandue. Il s’agit de la différencier des délégations de service public qui sont des contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le co-contractant perçoit une rémunération mixte constituée d’une redevance fixe et d’un intéressement qui est fonction de l’amélioration de la qualité du service, du niveau des économies réalisées et du résultat financier de l’exploitation. Précisément le contrat de partenariat est un contrat à long terme (de 10 à 35 ans ou plus) par lequel une personne publique attribue à une entreprise une mission globale de conception, réalisation, financement ainsi que d’entretien, maintenance et/ou d’exploitation de l’ouvrage.
Le cocontractant est rémunéré par un paiement de la personne publique pendant toute la durée du contrat, pouvant être liée à des objectifs de performance et intégrant l’amortissement des investissements initiaux. Le contrat de partenariat diffère de la concession dans la mesure où le cocontractant est uniquement chargé de l’exploitation et non de la gestion des ouvrages étant fondé sur une répartition optimale des risques : le risque de trafic incombe à la personne publique, le cocontractant prenant en charge le risque de construction et de performance.
La Banque mondiale soutient l’émergence d’un modèle basé, entre autres, sur l’adoption de Partenariat Public Privé (PPP). Mais afin d’éviter les dépassements, de s’assurer que le partenaire privé livre et à exploiter les actifs du projet dans les délais, cela suppose la maîtrise des coûts et la bonne gouvernance.
Cette réduction du coût des risques constitue le principal moyen d’optimiser le rapport coûts-résultats du secteur public et, dans le cadre de PPP réussis, elle compense généralement toute augmentation de coût résultant d’un financement par emprunts privés et non par emprunts publics. En d’autres termes, le secteur public doit être en mesure de s’assurer que le prix qu’il paie au partenaire privé au titre des investissements et des risques liés au projet correspond à un bon usage de l’argent des contribuables. Cela renvoie aux dispositions légales et réglementaires qui doivent être prises pour permettre un développement de ces opérations, dans le respect des spécificités des marchés publics régissant le PPP.
Professeur des universités, expert
international Dr Abderrahmane Mebtoul
(A suivre)