Des traditions fondées sur la prévoyance et la tempérance

Un savoir-faire ancestral qui risque de disparaître faute de n’avoir pas été transmis

Les traditions anciennes se perdent dans l’indifférence générale, de belles traditions qui ont fait le bonheur de nos grands et arrières grands parents. Ils les ont inventées puis améliorées pour faire face à divers besoins, surtout alimentaires et vestimentaires. Avec l’éparpillement des familles entre la ville et la campagne, il y a eu perte préjudiciable de contacts entre les jeunes et les vieux

Les jeunes qui sont supposés chargés d’assurer la relève n’ont jamais jugé nécessaire d’apprendre auprès des vieux et même pas pendant les vacances ne serait-ce que les rudiments des métiers manuels, au moins pour savoir adapter sa vie à ses moyens financiers. C’est dans le laisser aller générale que les choses se sont passées pendant des années et aucun n’a jugé utile d’émettre la moindre critique si bien qu’aujourd’hui, la plupart pour ne pas dire tous les vieux qui maîtrisaient les métiers traditionnels, sont morts, en emportant avec eux tout leur savoir faire. Désormais plus de vrais plats qui faisaient le bonheur de nos ancêtres qui n’ont pas connu le modernisme, mais qui étaient heureux. Ils mangeaient sainement et utilement. Une tchekhtchoukha faite à partir de feuilles en pâte cuite et facile à conserver, servira à faire le plat en question, avec du lait de vache ou de chèvre et les feuilles sèches faites avec de la semoule de blé, réduites en morceaux par simple pression avec les doigts, cela donne un plat bien rempli, bon pour bien se régaler et garder ses forces surtout quand c’est accompagné de beurre. On connait une autre recette, à base d’huile d’olive qui remplace le lait. Il y a dans différentes régions d’Algérie le même plat de tchekhtchoukha, consommé avec du bouillon garni de viande, mais la viande n’est pas nécessaire, il suffit d’un bouillon simple de petits pois cassés, c’st un régal. Là où il y a eu une réelle déperdition, c’est dans le domaine des arts traditionnels et en littérature populaire.

Des arts dont il ne reste que
de vagues souvenirs
Un savoir faire dans le domaine de l’artisanat traditionnel à jamais perdu, par la faute de tous ; d’abord, d’une jeunesse qui ne s’est jamais intéressée aux travaux manuels pour la production d’objets à usage domestique comme le grand plat à rouler le couscous réalisé en totalité au moyen d’un tour traditionnel de fabrication locale, il s’agit d’un tour à pédale qu’on met en mouvement avec le pied droit, c’est quelque chose de simple, mais d’ingénieux inventé par des hommes simples, mais intelligents et qui ne sont sortis d’aucune école. Ce tour a, peut- être été inventé en s’inspirant du rouet qui servait jadis à filer la laine de manière rapide. Il reste le métier à tisser que les femmes anciennes savaient monter avec beaucoup d’ingéniosité à l’aide de supports en bois placés verticalement et attachées aux poutres d’une maison traditionnel. A ces deux poutres sont attachées deux pièces en bois et qui servent à supporter la trame de fil, deux rangées de fil qui font servir à laisser passer le fil de laine, ces deux rangées sont réglées à l’aide de longs roseaux.
La description du métier vous a été faite sommairement, car c’est plus compliqué et c’est un travail de femmes qui ont filé la laine et préparé la trame de la chaîne pendant des siècles bien avant de dresser le métier à tisser. Quel travail ingénieux que personne parmi les éléments féminins de la nouvelle génération n’est capable de citer l’ensemble des pièces d’un métier à tisser, quand à monter un métier à tisser, c’est devenu impossible. On peut dire adieu à cette pratique artistique et adieu aux grosses couvertures en laine. La plupart des vieilles qui avaient tout ce savoir faire ont maintenant disparu et du temps où elles étaient actives, les dernières doivent remonter jusqu’au début des années soixante, aucune des jeunes n’a été volontaire pour s’initier à ce travail artisanal et les vieilles qui en étaient les expertes dans ce domaines sont parties en emportant tout leur savoir faire. C’est ce qui est arrivé aux artisans sur bois qui faisaient des objets en bois à usages divers ou de grands plats en bois qui ont servi jadis à rouler le couscous. Maintenant, il y a les plats métalliques, quant aux articles en bois et toute la vaisselle de l’ancien temps, ils ont été oubliés et très peu de gens de la nouvelle génération les connaissent. Ainsi, plus de couvertures en multicolore. Nos vieilles qui savaient parfaitement le tissage, connaissaient aussi les techniques des teintures ; elles teignaient leurs fils à tisser en plusieurs couleurs et au fur et à mesure de leur tissage, elles dessinaient des motifs en diverses couleurs qui ne déteignaient jamais au lavage. Chacune de leurs opérations font partie de l’art de bien faire. Elles avaient une maîtrise du tissage si bien qu’elles passaient de la couverture au burnous, dans le respect total des proportions. Le métier à tisser pour le burnous était un peu spécial, le travail est moins long mais il y avait des règles à respecter pour que les pans soient égaux et que le capuchon soit à sa place. Une fois tissée, elles le brodaient sur les côtés et au capuchon, avec du fil de soie, un travail de patience qui demandaient beaucoup de savoir faire. Un burnous brodé a plus de valeur une fois fini, le burnous brodé apparait aux yeux du public comme un vrai objet d’art. Il y avait dans l’ancien temps un brodeur de burnous. On lui confiait un burnous qui vient de sortir du métier à tisser, et il le brodait admirablement bien. C’est le dernier brodeur que l’on ait connu, puis plus personne n’a pu se charger de cette tâche qui demande beaucoup de doigté et de savoir faire.

Doit-on parler de la fin
du traditionalisme
Sûrement au regard des changements constatés. La nouvelle génération n’y pense plus tant l’évolution des mentalités a fait son œuvre sous l’action d’un grand nombre de facteurs : l’école en premier lieu, elle a joué un grand rôle en apportant des changements sur le plan culturel, ensuite les conditions de vie qui ont un impact certain sur la manière de gérer le quotidien et les états d’esprit. Et le changement est tel que même sur le plan culinaire les jeunes qui travaillent assez loin de leur domicile, ont d’autres préférences : on pense beaucoup à prendre un casse- croûte aux frites, ou une omelette, sinon le hamburger c’est plus facile à préparer chez les nouveaux restaurateurs spécialisés aussi pour le grantéta, préparé avec de la semoule de mais, que le plat de couscous,de macaronis ou de haricots blancs.Quant à manger la soupe aux plantes sauvages, cela devient impossible ; d’abord, il faut connaitre ces plantes comme grand- mère qui en était familière et qui réussissaient merveilleusement la cuisine ancienne très variée et ce, contrairement à ce que l’on pense. Les plats habituels de la cuisine des ancêtres étaient préparés avec de la semoule et des légumes secs comme les petits pois et les fèves conservés séchés par leurs soins après qu’ils aient été semés et récoltés, surtout en période hivernale. Et dès le printemps avec la renaissance de la nature à la vie, surtout avec l’apparition des plantes comestibles, l’arrivée à maturité des fèves vertes des pois chiches et des petits pois, on en consommait une partie selon les vieilles recettes, le reste destiné au séchage pour la mauvaise saison, c’est pour les figues fraiches dont une bonne partie étaient séchée comme aliment d’appoint pour la saison froide. Concernant le travail artisanal, les anciens avaient inventé pour tout ce dont ils pouvaient avoir besoin, on peut dire, malgré les difficultés de la vie, qu’ils vivaient en autarcie, hommes et femmes luttaient pour vivre et faire vivre la famille. Chacun avait son rôle et ne se permettait aucune défaillance. Pour une bonne organisation de la famille, il y avait un code auquel chaque membre devait se soumettre pour une vie harmonieuse. En milieu traditionnel, il n’y avait nul souci du lendemain, tant on avait toujours pris soin d’éviter une quelconque pénurie moyennant des réserves pour toutes les denrées essentielles. On ne connaissait pas les soucis du lendemain tant les anciens avaient pris l’habitude d’anticiper les problèmes de la vie, autrement dit, ils étaient prévoyants et ce contrairement aux familles d’aujourd’hui. Ce n’est pas du tout la même mentalité. Aujourd’hui tout s’achète, le lait, le pain, la semoule, les vêtements et jusqu’aux pulls en laine, alors qu’avant les femmes tricotaient, mais en été, avec les longues aiguilles et du fil de laine. En cuisine d’autres habitudes se sont installées, d’abord, c’est la cuisine au gaz qu’il faudra payer. Les familles pauvres ou moyennes font la cuisine au jour le jour. Quelquefois les familles prévoyantes font par exemple le couscous pour plusieurs jours consécutifs avec le bouillon aux légumes secs, ou des lentilles pour plusieurs repas et la soupe aux lentilles se mange avec le pain.
Boumediene Abed