L’Ours d’or à «Alcarras» de l’Espagnole Carla Simon

Berlinale

Le Festival international du film de Berlin a rendu son verdict, ce mercredi 16 février, en décernant l’Ours d’or du meilleur film à Alcarras de la réalisatrice espagnole Carla Simon. Le palmarès très féminin confirme un véritable changement de paradigme dans l’univers cinématographique.

La Berlinale 2022 restera dans les annales comme l’édition de la percée féminine. Sept des 18 films en compétition ont été réalisés par des femmes. Et 11 des 16 Ours d’or ou d’argent ont été décernés à des femmes ! À commencer par l’Ours d’or. L’un des plus prestigieux trophées du cinéma mondial a été remporté par l’Espagnole Carla Simon, 35 ans, pour Alcarras. Un portrait à la fois sensible et très profond d’une famille d’agriculteurs secouée par l’avidité d’une modernité souhaitant remplacer des terres agricoles par des panneaux solaires. Cette fresque cinématographique très engagée en faveur des petits exploitants agricoles se distingue par la fraîcheur des acteurs non professionnels et la délicatesse de la caméra qui rend à la fois visible le combat de cette famille et « notre dépendance à la terre» À l’image de la famille Solé, la réalisatrice a dédié son prix « aux gens qui cultivent la terre… pour remplir nos assiettes ». Déjà primée en 2017 à la Berlinale pour son premier film Été 1993, Carla Simon a avoué considérer le Festival international du film de Berlin « comme [sa] maison de cinéma » à laquelle elle doit tout.

Cannes, Venise et Berlin couronnent des réalisatrices
Cette déclaration d’amour est aussi une belle récompense pour la Berlinale qui a courageusement maintenu un festival en présentiel. Elle a ainsi tenu sa promesse d’être au service des réalisateurs et des films, malgré la pandémie de Covid. Cela grâce à un protocole sanitaire renforcé, avec des tests quotidiens obligatoires même pour les festivaliers triple vaccinés et l’annulation de toutes les rencontres festives. Pour réduire les risques au maximum, le jury a vu 18 films en 6 jours et toutes les soirées de gala pour les premières des films ont affiché « complet ».
La Berlinale devient ainsi le troisième des plus grands festivals à remettre à une femme la plus haute distinction du septième art, après la Palme d’or pour Titane, film monstre féminin de la Française Julia Ducournau, 38 ans, à Cannes, et le Lion d’or pour L’Événement, chronique d’un avortement clandestin dans la France des années 1960, de la Française Audrey Diwan, 42 ans, à la Mostra de Venise. Sans oublier l’Oscar 2021 pour Nomadland de la Sino-Américaine Chloé Zhao, 39 ans, histoire également dotée d’une héroïne.
Le Sud-Coréen Hong Sangsoo, 61 ans, Ours d’argent pour The Novelist’s Film, et le Franco-Cambodgien Rithy Panh, 57 ans, prix de la Contribution artistique extraordinaire pour Everything Will Be Ok, sont pratiquement les seuls hommes recevant un très grand prix à la Berlinale 2022.
Sans oublier qu’aucun acteur homme n’a reçu un prix d’interprétation, car le prix d’interprétation a été rebaptisé depuis 2021 en prix de la Meilleure interprétation d’un premier rôle, donc sans distinction de genre. Il a été attribué à l’Allemande d’origine turque Meltem Kaptan pour son incroyable jeu d’actrice dans Rabiye Kurnaz vs. George W. Bush, réalisé par Andreas Dresen dont la scénariste Laila Stieler a reçu le prix du scénario.
Natalia López Gallardo, 42 ans, prix du Jury, fait partie de cette nouvelle génération de réalisatrices racontant des histoires de femmes. Robe of Gems met en scène trois Mexicaines de différentes générations et couches sociales marquées par une violence aussi intangible et mystérieuse, mais exercée par des hommes. Dans ce sens, la Française Claire Denis, Ours d’or de la meilleure réalisatrice pour Avec amour et acharnement, apparaît presque comme une exception dans ce raz de marée féminin, avec ses 75 ans et mettant en scène un couple homme-femme traditionnel tout en soulignant que « cela n’aurait pas été possible sans des acteurs et actrices comme Juliette Binoche et Vincent Lindon ».
S.F.