Yaroslav Rakitskiy, banni de l’Ukraine pour avoir rejoint un club russe

Football

Le défenseur ukrainien devait affronter le Real Betis Seville jeudi en Ligue Europa avec son club du Zénith Saint-Pétersbourg, réputé proche de Vladimir Poutine. Son transfert vers le club russe depuis le Shakhtar Donetsk lui a valu d’être écarté de l’équipe nationale ukrainienne en 2019.

«Le football est devenu trop politique.» C’est par ces mots que le défenseur ukrainien Yaroslav Rakitskiy avait choisi de prendre sa retraite internationale en novembre 2019. Longtemps cadre de la sélection d’Ukraine et du Shakhtar Donetsk, le footballeur a été mis au ban après avoir rejoint le club russe du Zénith Saint-Pétersbourg. Alors que la Russie a décidé d’envahir son pays, il affronte le Real Betis Séville, en Ligue Europa.
Natif du Donbass, Yaroslav Rakitskiy a été formé au Shakhtar Donetsk. Ce défenseur rugueux mais technique, capable de relancer proprement ses partenaires, a vite été remarqué pour son talent. Il a remporté à huit reprises le Championnat ukrainien avec le club, atteint les quarts de finale de la Ligue des champions en 2011 et les demi-finales de la Ligue Europa en 2016. Il rejoint également très rapidement les rangs de la sélection ukrainienne où il est propulsé à l’âge de 20 ans titulaire en défense centrale. Avec la Zbirna – le surnom de la sélection ukrainienne –, Rakitskiy fait partie de l’équipe qui vit la désillusion au stade de France en 2013. Le doublé de Mamadou Sakho prive alors l’Ukraine d’une qualification en Coupe du monde.
Une position ambiguë
sur la région séparatiste
En évoluant au Shakhtar Donetsk, il est au premier rang du conflit. Dès l’été 2014, le club est contraint de quitter sa Donbass Arena de Donetsk pour jouer dans d’autres stades, dans les régions sécurisées à l’ouest du pays. C’est le début d’une longue ambiguïté envers les agissements russes dans la région séparatiste.
Le joueur vit très mal l’éloignement. Il a littéralement sa région chevillée au corps : il se fait tatouer le symbole de Donetsk (la rose) sur son bras gauche. «Cette rose est le symbole du Donbass et de Donetsk. Cette rose et ce compas (un autre tatouage) m’aideront à retrouver le chemin de la maison», explique-t-il sur Instagram.
On lui reproche également de ne pas chanter l’hymne ukrainien lors des matches de la sélection. Il faut dire qu’il ne s’agit pas de n’importe quel club. Il part à Saint-Pétersbourg garnir les rangs du Zenith. Un club réputé proche de Vladimir Poutine, qui a commencé sa carrière politique dans la ville. Il a d’ailleurs joué un rôle dans l’arrivée de Gazprom, l’entreprise d’État et géant de l’énergie, en tant que sponsor du club. Pour l’opinion publique, c’est la transgression de trop : un sondage publié par le site Tribuna révèle que 54% des personnes ayant participé ne veulent plus voir Rakitskiy revêtir le jaune et bleu de la sélection.
La légende ukrainienne Andriy Shevchenko, alors sélectionneur, décide alors de se passer de Rakitskiy. Il ne le convoque pas lors des trois premiers rassemblements de l’année 2019. En novembre, Rakitskiy en tire les conclusions et annonce sa retraite internationale dans un message publié sur Instagram : «J’aimerais être appelé mais le foot est devenu trop politique. Les joueurs sont désormais sélectionnés avec la peur de mal faire.» Il avait jusqu’ici revêtu 54 fois la tunique de la Zbirna.
«Quoi qu’il arrive, il faut respecter le peuple et son pays. Je n’ai pas les mots», regrette de son côté Artem Fedetskyi, ex-coéquipier de Rakitskiy au Shakhtar et en sélection. «Je pense que ça va être très difficile pour Shevchenko de le sélectionner à nouveau.»

Un football, vecteur politique
Le football est un terrain d’affrontements réguliers entre la Russie et l’Ukraine. Depuis une décision de l’UEFA du 17 juillet 2014, les deux sélections nationales mais aussi les clubs des deux pays ne peuvent plus être placées dans le même groupe d’une compétition internationale par un tirage au sort, du fait des relations tendues entre les deux pays.
R. S.