Des rescapés Algériens racontent la guerre en Ukraine

Ils ont passés 48 heures sous les bombes à Kiev

Au moment où nous mettons sous presse, des dizaines de ressortissants Algériens, dont de nombreux étudiants, marchaient à pied vers la ville de Lviv à 360 km de la Pologne. Ils ont fuit la guerre apocalyptique en Ukraine, où les tirs des missiles, balles réelles et tirs d’obus font rage à Kiev, Donetsk, Poltava et d’autres villes ukrainiennes. Livrés à eux-mêmes, ces jeunes Algériens racontent à La Nouvelle République leur récit d’une guerre affreuse.

Ils se trouvaient à Kiev, la capitale de l’Ukraine, lorsque les sirènes ont commencé à retentir alertant un prochain bombardement de l’Armée russe. Presque 200 Algériens, la plupart des étudiants venus à l’Ukraine pour faire des études, ont vécu leurs plus longs jours de leur vie. Ils ont passés 48 heures sous les bombes et les tirs nourris des armes automatiques à Kiev et à Donetsk avant de prendre la fuite avec leurs propres moyens.
Oussama, Chahine, Bilel, Samir et les autres, en dizaines, ces jeunes étudiants Algériens ont débarqué, voilà un an, d’Alger, de Blida, de Boufarik, de Skikda, d’Oran et de plusieurs autres régions du pays, pour faire des études en Ukraine, se sont retrouvés coincés dans une scène de guerre atroce digne d’un film hollywoodien. Ils étaient à Kiev, presque tous, sauf quelques uns qui, eux, se trouvaient dans d’autres villes de l’Ukraine, notamment à Donetsk au Nord-Ouest là où les séparatistes pro-russes contrôlent la ville, lorsque la guerre a commencé.
Ils nous ont racontés leurs pires moments passés à Kiev, Poltava et Donetsk, là où les sirènes de guerre retentissent chaque instant. Entassés dans des appartements dans la périphérie de la ville de Kiev, là où les prix de la location sont les moins cléments, ces étudiants Algériens ne se doutaient jamais de l’arrivée d’une guerre près de chez eux atteignant même leurs quartiers.
Bilel originaire de Blida, ce jeune étudiant âgé de 28 ans est à Kiev depuis un an déjà, inscrit depuis à l’Université de Kiev pour suivre des études spécialité Designer ; ce dernier se trouvait dans son lit à l’aube plus précisément à 4h00 du matin du jeudi 24 février dernier, lorsqu’une forte explosion a retentie de près de chez-lui avec deux de ses amis, Algériens aussi, annonçant le début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie.
Bilel s’est réveillé au bruit des fortes explosions et des sirènes d’alarmes qui entouraient l’environnement dans lequel il vit avec ses deux amis colocataires, un missile est tombé en face d’un immeuble de leur quartier touchant plusieurs appartements, les scènes sont douloureuses, les habitants sont tous sortis dehors en courant vers le refuge, sous le métro.
Paniqués par les décors de la guerre, sous les bombes russes et devant les cris des habitants de Kiev et les tirs nourris de l’Armée ukrainienne, les trois jeunes étudiants Algériens ont pris la fuite vers le souterrain du Métro, là où des milliers d’Ukrainiens et d’autres de nationalités différentes sont amassés pour échapper aux frappes des missiles de l’Armée aérienne russe. Une fois les bombardements terminés, les trois Algériens ont rejoint leur appartement, et ont décidé de fuir vers la gare de Kiev pour prendre un train vers l’Est du pays afin de rejoindre la Pologne. « On a tout laissé à Kiev et on n’a pris que l’essentiel », nous a expliqué Bilel.

La marche périlleuse vers Lviv
Précipitaient pour quitter la zone de guerre tout en laissant derrières-eux leurs bagages et leurs tenues vestimentaires, ce n’est que vers 10h00 de cette horrible matinée du jeudi 24 février que les trois étudiants Algériens ont regagné la gare de Kiev, dans l’espoir de trouver un transport et quitter la capitale ukrainienne, là où les combats ont sérieusement commencé entre les soldats russes et ukrainiens. «Une fois que nous sommes arrivés à la gare, d’autres cauchemars ont commencé. Il n’y avait pas assez de transport, un seul train était disponible et faisait un aller et retour entre Kiev et Lviv. Tout le monde voulait monter dans le train, des bagarres entre gens ont commencé alors. Des militaires ukrainiens sont intervenus pour restaurer l’ordre, ils ont alors décidé de faire monter uniquement les femmes, les personnes âgées et les enfants. Nous avons attendus plusieurs heures pour pouvoir prendre enfin le train vers Lviv ; cependant le conducteur du train roulait lentement de peur des représailles des soldats russes qui étaient fortement présents tout le long du trajet. Le conducteur du train nous a abandonné à mi-chemin du trajet car, la menace d’un tir de missile de la part des Russes était fortement consenti », nous raconte Bilel. Après une longue traversée à pied, les trois Algériens arrivent enfin dans une petite localité ukrainienne où ils ont pu trouver un taxi qui leur a proposé un tarif vers la ville de Lviv. Prenant la route vers cette ville, le conducteur du taxi a été confronté à un encombrement incroyable ; des milliers de voitures vont vers la même destination, le propriétaire du taxi, un Ukrainien, a fini par faire demi-tour tout en abandonnant les trois étudiants algériens à mi-chemin. Les jambes lourdes et les chaussures presque déchirées, et après une très longue marche de cinq heures, les trois Algériens sont arrivés à Lviv. Fort heureusement que l’un d’eux avait en sa possession une somme d’argent en devise suffisante pour passer une nuit dans un hôtel de ladite ville. Hier samedi 26 février, les trois Algériens marchaient toujours pour atteindre les frontières avec la Pologne, selon ces derniers. Dans une vidéo qui nous a été transmise par l’un des trois étudiants, où elle démontre parfaitement les souffrances endeuillées par ces Algériens tout comme des dizaines d’autres. Les ressortissants algériens comptent rejoindre le poste frontalier polono-ukrainien d’ici la nuit du samedi 26 février car, la marche est très longue. Une route incertaine.

Les numéros verts aux abonnés absents
Dès que la guerre a débuté, le ministère des Affaires étrangères et l’Ambassade d’Algérie en Ukraine ont respectivement rendu public deux communiqués officiels destinés aux ressortissants algériens qui sont établis en Ukraine et à leurs familles qui sont au pays.
Dans ces communiqués, le ministère des AE et l’Ambassade d’Algérie ont appelé les ressortissants algériens présents ou résidants en Ukraine à être prudents et éviter de sortir de leurs demeures sauf en cas d’extrême urgence.
Le communiqué du MAE a assuré également que l’Algérie, en coordination avec ses services consulaires à Kiev, suit la situation sécuritaire de l’Ukraine avec une grande attention. Aussi, le ministère des AE tout comme l’Ambassade d’Algérie en Ukraine, ont mis deux numéros verts spéciaux à la disposition des Algériens qui sont établis en Ukraine et pour leurs familles en Algérie.
L’objectif de ces numéros verts est de garder le contact avec la diaspora algérienne en Ukraine mais, également, pour donner des nouvelles à leurs familles. Toutefois, les deux numéros mis à la disposition des Algériens en danger ne répondaient pas tout simplement. C’est le cas du numéro vert 021 50 45 00 du ministère des Affaires étrangères, où les nombreux appels des familles en détresse n’ont pas trouvés d’écho. Nous avons essayé de joindre le numéro vert mobilisé par le ministère des AE en ces temps difficiles que traversent les ressortissants algériens et leurs familles mais, en vain. ça sonne mais ça ne répond pas. Aucun fonctionnaire du ministère des AE ni même une équipe mobilisée ne sont présents pour répondre aux appels de détresse des familles des ressortissants algériens en Ukraine. Cette situation a perduré depuis le premier jour de la guerre en Ukraine et se poursuit toujours, voire même au moment où nous mettons sous presse.
En Ukraine, la situation est similaire, selon les Algériens que nous avons contactés, ces derniers disent tous que le numéro vert « 0800-500068 » rendu public par l’Ambassade d’Algérie en Ukraine ne répond pas. « Nous avons tenté plusieurs fois à joindre l’Ambassade d’Algérie mais en vain, tous nos appels étaient sans réponse. Alors, nous avons décidé de s’organiser et de se contenter de nos propres moyens pour fuir l’Ukraine », disaient avec tristesse les ressortissants algériens. « Depuis que la guerre a commencé et jusqu’à ce jour, aucun appel ne m’a été adressé par l’Ambassade d’Algérie en Ukraine », nous a révélé Oussama originaire de Boufarik. Ce dernier compte rejoindre la Pologne.
Sofiane Abi