Biden et l’«exportation» de la démocratie (III)

Russie-USA

En janvier 2021, la Maison-Blanche a changé de locataire dans une réelle cacophonie.
Joseph Robinette Biden, Jr. a succédé à Donald John Trump après une campagne électorale et un scrutin qui resteront dans les annales de l’histoire des États-Unis. Outre les accusations de fraude clamées par le camp républicain et d’ingérence russe claironnées par celui des démocrates, ce qui a frappé les esprits c’est l’image de ces émeutiers trumpistes envahissant le Capitole. Victoria Nuland : membre du CA
de la NED
Comme la politique n’est pas loin de l’argent et des marchands d’armes, il est important de souligner que Victoria Nuland a rejoint le groupe «Albright Stonebridge» lors de sa traversée du désert sous Trump. Elle a été conseillère principale de ce groupe présidé par l’ancienne et célèbre Secrétaire d’État Madeleine Albright. Sa célébrité a été principalement acquise par sa déclaration sur les enfants irakiens lorsqu’elle était en charge du Département d’État. La mort de 500 000 enfants irakiens est un prix qui «en valait la peine» avait-elle froidement déclaré dans une interview.
Sur le site de ce groupe dirigé par cette politicienne sans-cœur, on peut lire qu’il est «le premier cabinet mondial de conseil stratégique et de diplomatie commerciale». Et, évidemment, il fait du lobbying pour l’industrie de la défense.
La trajectoire professionnelle de Victoria Nuland illustre de manière pédagogique qu’en termes de politique étrangère, il n’y a guère de différence entre un Bush et un Obama et, plus généralement, entre un républicain et un démocrate. Les néoconservateurs, faucons guerroyeurs et artisans du chaos à travers le monde, sont toujours aux commandes. Charles W. Dunne est un ancien diplomate américain qui a été directeur des programmes à Freedom House, en charge de la promotion des droits de l’Homme et de la démocratie dans la région MENA. Selon lui, Antony Blinken, le Secrétaire d’État choisi par Joe Biden, «a une réputation bien établie pour avoir soutenu la promotion de la démocratie et des droits de l’Homme dans la politique étrangère américaine». Avant d’être nommé à ce poste, Blinken a été conseiller adjoint à la sécurité nationale de 2013 à 2015, puis Secrétaire d’État adjoint de 2015 à 2017 durant la présidence de Barack Obama. Dans ces fonctions, il a «plaidé pour une implication plus robuste des États-Unis dans le conflit syrien» et a soutenu l’intervention armée en Libye. Pour lui, la diplomatie doit être «complétée par la dissuasion» et «la force peut être un complément nécessaire à une diplomatie efficace». Cette vision belliciste de la politique explique assez bien le bruit du roulement des tambours de guerre américains en Ukraine.
Les relations entre Blinken et Biden ne datent pas d’hier, mais de plus de deux décennies. En effet, Blinken a été un proche collaborateur de Joe Biden. D’abord en qualité de principal assistant lorsque Biden était au Sénat. Lorsque ce dernier est devenu vice-président, il l’a gardé dans son entourage comme conseiller à la sécurité nationale. Le New York Times précise que «dans ce rôle, M. Blinken a aidé à développer la réponse américaine aux bouleversements politiques et à l’instabilité au Moyen-Orient, avec des résultats mitigés en Égypte, en Irak, en Syrie et en Libye».
Ajoutons à cela que Blinken a travaillé avec le Président Clinton et, de 1999 à 2001, a été chargé de le conseiller dans le dossier des relations avec l’Union Européenne et l’OTAN.
Finalement, notons qu’en 2019, Blinken a cosigné un article avec le «neocon» Robert Kagan intitulé ««America» First ne fait qu’aggraver le monde. Voici une meilleure approche», histoire de critiquer la politique de Donald Trump et de préparer le terrain à Joe Biden. Il est certain qu’avec des «neocons» de cet acabit, le monde entier doit se méfier du changement préconisé !

Anthony Blinken en guitariste roc
Écartée du Département d’État lors de la présidence de Donald Trump, Linda Thomas-Greenfield est un autre exemple de personnalités politiques ayant œuvré dans des administrations aussi bien républicaine que démocrate.
Nommée ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies par Biden en février 2021, Linda Thomas-Greenfield a occupé plusieurs postes importants sous Bush. En effet, elle a été sous-secrétaire adjointe du Bureau de la population, des réfugiés et des migrations (2004-2006) puis sous-secrétaire principale adjointe du Bureau des affaires africaines (2006-2008) avant d’être choisie par George Bush comme ambassadrice au Libéria (2008 – 2012). De Retour à Washington, elle a été directrice des ressources humaines (2012-2013) et secrétaire d’État adjointe aux affaires africaines (2013 – 2017). Mais ce que ne dit pas son CV sur le site de la mission des États-Unis auprès des Nations unies, c’est le fait que cette diplomate, spécialiste des affaires africaines, a été, tout comme Victoria Nuland, membre de conseil d’administration de la NED.

Linda Thomas-Greenfield : membre du CA de la NED
Décidément, les hauts fonctionnaires du Département d’État sont rapidement «recyclés» en période de disette dans des entreprises «amies». Ainsi, Linda Thomas-Greenfield a été, elle aussi, recrutée par le groupe «Albright Stonebridge» en qualité de vice-présidente principale. Après 37 ans de «bons et loyaux services» comme président de la NED, Carl Gershman a tiré sa révérence. Cette longévité, digne d’une dictature d’une République bannière ou d’une monarchie d’apparat, a pris fin l’été dernier. Il a été remplacé par Damon Wilson, vice-président exécutif de l’Atlantic Council depuis 2011, organisme qui est considéré comme le think tank non officiel de l’OTAN.
La carrière de Wilson montre qu’il a une connaissance approfondie de l’OTAN et de ses «exploits» à travers le monde. De 2001 à 2004, il a été directeur adjoint du cabinet du secrétaire général de l’OTAN et, de 2004 à 2006 il a été affecté au Conseil national de sécurité. De 2006 à 2007, il a rejoint l’ambassade d’Irak comme secrétaire général et chef de cabinet en pleine période de conflit. Par la suite, il a été nommé assistant spécial du président et directeur principal des affaires européennes au Conseil de sécurité nationale (2007-2009). En novembre 2020, Damon Wilson publia un panégyrique de Joe Biden dans lequel on peut lire :
«Biden sera également confronté au retour de la concurrence entre les grandes puissances et au potentiel de conflit avec une Chine montante et une Russie revancharde, en plus des défis régionaux de l’Iran et de la Corée du Nord […]. Biden peut être plus efficace pour dissuader de tels conflits en développant une approche commune avec les alliés de l’Amérique pour faire face aux puissances autoritaires».
Une rhétorique belliqueuse et prétentieuse, rédigée comme une demande d’emploi, qui a certainement dû flatter l’égo du nouveau locataire de la Maison-Blanche. Car il faut se le dire : Biden lui-même est un sacré faucon.

Biden : le faucon démocrate
Lorsque George W. Bush décida d’envahir l’Irak, il trouva en Biden un allié inespéré. Alors président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, il a relayé la propagande sur les supposées armes de destruction massives détenues par l’Irak à l’opinion publique.
Dans les mois qui ont précédé le vote, il organisa une série d’auditions au Sénat en étroite collaboration avec la Maison Banche où les voix anti-guerre n’étaient guère audibles, carrément ignorées ou empêchées. D’après les observateurs de la scène politique américaine, Biden a utilisé son poste pour s’assurer qu’une majorité de sénateurs votent en faveur de la guerre.
Le rôle de premier plan qu’a joué Biden dans la destruction de l’Irak et de tout le chaos qui a touché subséquemment la région est explicité dans la vidéo suivante.
Biden alla encore plus loin dans son raisonnement jusqu’au-boutiste en proposant de diviser l’Irak en trois entités distinctes : sunnite, chiite et kurde. Il faut dire que cette idée de diviser les pays arabes en territoires morcelés n’est pas nouvelle, mais a été initialement théorisée en 1982 par Oded Yinon, un haut fonctionnaire du ministère israélien des Affaires étrangères.
Biden a aussi approuvé les révoltions colorées qui ont bouleversé le paysage politique de plusieurs pays de l’Est et qui ont été fomentées par la NED et les autres organismes américains d’«exportation» de la démocratie sous l’administration Bush fils. En ce qui concerne l’Ukraine, tout particulièrement, il a plébiscité la «révolution orange» et plus tard, a ouvertement approuvé le coup d’état de l’Euromaïdan.
Nous ne reviendrons pas sur l’implication majeure de l’administration Obama et de son vice-président Joe Biden dans le «printemps» arabe qui s’est avéré être une saison funeste et macabre pour cette partie du monde, monde qui n’en finit pas de dépérir. Mais attardons-nous quelque peu sur son implication personnelle dans le soutien des activistes de Hong Kong.
En 2014, quelques mois avant la «révolution des parapluies» Joe Biden, alors vice-président des États-Unis, avait personnellement reçu deux célèbres figures de la dissidence hongkongaise à la Maison- Blanche : Anson Chan et Martin Lee.
Anson Chan a eu une longue carrière dans l’administration coloniale britannique, la première Chinoise nommée Secrétaire en chef de l’administration en 1993, fonction qui correspond au numéro 2 du gouvernement. Après la rétrocession de Hong Kong à la Chine, elle continua à ce poste jusqu’en 2001, puis a ensuite été membre du Conseil législatif de Hong Kong de décembre 2007 à septembre 2008.
Avocat et président du Parti démocratique de Hong Kong, Martin Lee a aussi été membre du Conseil législatif de 1985 à 1997 et de 1998 à 2008.

Martin Lee et Anson Chan reçus par Joe Biden à la Maison-Blanche (Washington, le 4 avril 2014)
Ces deux activistes hongkongais sont très connus par les politiciens de premier plan des deux grands partis américains. Ils ont aussi d’étroites relations avec la NED (voir référence 1 et référence 2). Et ces relations sont très anciennes si on en juge par le prix décerné par la NED à Martin Lee en 1997. Le soutien de Biden à Hong Kong n’a pas faibli par la suite comme en témoigne son tweet durant les grandes manifestations de 2019. Et cela n’a pas cessé après son élection à la présidence des États-Unis.
Ahmed Bensaada
A suivre