Impacts sur le prix du gaz et du pétrole sur les économies européennes et quelle stratégie pour l’Algérie

Tensions géostratégiques en Ukraine

Les tensions géostratégiques en Ukraine ont fait flamber le prix du pétrole qui a été coté le 26-2-2022 à 98,57 dollars pour le Brent et 91,93 dollars pour le Wit et le prix du gaz naturel en Europe le TTF néerlandais, depuis le 21 février 2022, les contrats à 1 mois ont augmenté de près de 50%, passant de 72,6 à 108,80 euros/MWh et uniquement pour la seule journée du 24 février, le cours du gaz naturel a augmenté de plus de 25% sur le marché TTF.Pour l’Algérie tout dépendra de la production interne qui a décliné en volume physique, 60/65 milliards de mètres cubes gazeux entre 2007/2008 à 42/43 en 2021 du fait du faible investissement, ayant attiré peu d’investissements étrangers et surtout de la forte consommation intérieure qui dépassera avec l’actuelle politique des subventions, les exportations actuelles entre 2025/2030. Lors d’une rencontre avec la presse nationale, le président de la République, le sujet du pétrole et du gaz de schiste a été abordé, dossier stratégique engageant la sécurité nationale, ne devant pas être utopique 98% des recettes en devises directement et indirectement provenant des hydrocarbures, irriguant toute la société algérienne, et encore pour longtemps du fait que tous les pouvoirs depuis l’indépendance politique n’ont pas engagé les véritables réformes structurelles , je le cite : «Si nous voulons élever le niveau de vie, cette richesse doit être exploitée, mais l’exploitation du gaz de schiste nécessite un débat national.» Dans ce cadre, je voudrais dénoncer certains propos d’anti nationalistes que certains voudraient faire porter aux populations du Sud, pouvant affirmer ayant vécu durant la route de l’unité africaine vers les années 1972/1973 en tant qu’officier d’administration pour la route de l’unité africaine à El Goléa et In Salah que les populations du Sud tiennent à l’unité nationale et qu’il faut savoir uniquement dialoguer avec ces populations paisibles.

4.- Le problème stratégique de l’Algérie est d’éviter des débats stériles étant une opportunité face à l’épuisement des réserves, l’énergie étant au cœur de la sécurité nationale mais évaluer également les risques passant renvoyant globalement à la gouvernance, qui doit être rénovée, l’objectif stratégique étant une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. Concernant ce dossier, l’agence américaine sur l’Énergie a estimé que le Monde aurait environ 207 billions de mètres cubes répartis comme suit : la Chine 32, l’Argentine 23, l’Algérie 20, les USA 19, le Canada 16, le Mexique 15 ; l’Australie 12, l’Afrique du Sud 11, la Russie 8 et le Brésil 7 billions de mètres cubes. Les gisements de gaz de schiste en Algérie sont situés essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine- Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf. De l’avis de la majorité des experts, l’énergie étant au cœur de la sécurité nationale, c’est une opportunité pour l’Algérie, sous réserve de sa rentabilité économique, (non rentable actuellement pour l’Algérie le coût d’un puits étant estimé entre 15/20 millions de dollars), de la protection de l’environnement et des nappes phréatiques d’eau du Sud. La majorité des experts, notant que ce dossier sensible nécessite une formation pointue et posant une problématique sociétale, une bonne communication en direction de la société. Pour éviter de perturber la gestion de Sonatrach, société commerciale stratégique, il a été préconisé que ses dirigeants évitent de s’exposer aux débats, devant laisser au ministre seul habilité politiquement, à exposer ses arguments. À ce titre, il est souhaitable pour ce dossier sensible que soit mise en place une commission institution indépendante relevant non d’un département ministériel, évitant d’être juge et partie, mais du président de la République ou du Premier ministre, associant la société civile de chaque région, des experts indépendants, des représentants du ministère de l’Energie et d’autres départements ministériels, travaillant en étroite collaboration avec les institutions internationales. Même en cas d’accord favorable, les moyens financiers de l’Algérie étant limitées, sans un partenariat gagnant –gagnant étant une impossibilité et en plus sous réserve du respect de l’environnement et de la rentabilité, afin ne pas induire en erreur l’opinion publique, l’éventuelle exploitation ne verra pas le jour avant 2025.

5.-Je rappelle la structuration de l’étude que j’ai eu l’honneur de diriger pour le gouvernement autour de huit axes «Pétrole et gaz de schiste : opportunités et risques» assisté de 20 experts internationaux, 10 volumes, 980 pages Premier ministère Alger- 25 février 2015 : Volume I : Synthèse à partir de la sélection de rapports transmis de managers de différents horizons d’experts internationaux et nationaux Volume II – Données technico-économiques sur le gaz de schiste par les experts internationaux – Volume III – Ceux qui mettent en relief le danger – contre l’environnement et prônent la maîtrise technologique -Volume IV – Ceux qui prônent son exploitation mais sous condition d’une formation pointue Volume V – Les nouvelles techniques comme alternatives à la fracturation hydraulique – Volume VI – Etudes sur la rentabilité économique du pétrole-gaz de schiste aux USA et dans le monde Volume VII – Avis des experts de Sonatrach et du ministère de l’Energie et débats contradictoires entre experts algériens – Volume VIII – Annexe – Extrait du rapport pour le gouvernement américain réalisé par plus de 200 experts en date du 27 octobre 2014 sur les mutations des filières énergétiques dont le pétrole-gaz de schiste : 2015/204 Reality Check On US. Governement Forecasts For A Lasting Tight Oi, Shale Gas Bom. Dans cette importante étude que les experts ont tenu à rappeler que le problème central est de définir le futur modèle de consommation énergétique allant vers un MIX énergétique. Il s’agit de ne pas privilégier une énergie aux dépens d’autres, afin de ne pas polluer le paysage médiatique, laisser aux véritables experts le soin de débattre scientifiquement, tenant compte des nouvelles mutations énergétique.

1.- La fracturation est obtenue par l’injection d’eau à haute pression (environ 300 bars à 2 500/3000 mètres) contenant des additifs afin de rendre plus efficace la fracturation dont du sable de granulométrie adaptée, des biocides, des lubrifiants et des détergents afin d’augmenter la désorption du gaz.
2.- Il faut savoir d’abord que le gaz de schiste est concurrencé par d’autres énergies substituables et que les normes internationales donnent un coefficient de récupération en moyenne de 15/20% et exceptionnellement 30%, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, les réserves se calculant selon le couple prix international des énergies et coût.
3.- La durée de vie d’un puits dépasse rarement cinq années, avec une décroissance de la production, devant se déplacer vers d’autres sites assistant donc à un perforage sur un espace déterminé comme un morceau de gruyère.
4.- Environ 200 puits donnent 10 milliards de mètres cubes gazeux non conventionnels.
5.- La rentabilité implique – au vu de la structure des prix actuels au niveau international, concurrencé par le gaz conventionnel – un coût minimum de 9/12 dollars le MBTU pour les canalisations et un prix de cession supérieur à 15/17 dollars le MBTU pour le GNL. L’on devra tenir compte de la profondeur (le coût n’est pas le même pour 600 mètres ou 2000/3000 mètres supposant le bétonnage), le coût du forage du gaz non conventionnel d’un puits devrait être moins de 5/7 millions de dollars pour être rentable, alors que selon les experts, il donnerait dans la situation actuelle 18/20 millions de dollars par puits.
6.- L’exploitation de ce gaz implique de prendre en compte la forte consommation d’eau douce, et en cas d’eau saumâtre, il faut des unités de dessalement extrêmement coûteux, autant que les techniques de recyclage de l’eau.
7.- Des installations annexes sont nécessaires pour éviter des effets nocifs sur l’environnement (émission de gaz à effet de serre), la fracturation des roches pouvant conduire à un déséquilibre écologique. Et en cas de non maîtrise technologique, elle peut infecter les nappes phréatiques au Sud, l’eau devenant impropre à la consommation avec des risques de maladies comme le cancer.
8.- Seuls les USA maîtrisent, encore imparfaitement, cette technologie de fracturation hydraulique. Un co-partenariat incluant des clauses restrictives avec d’importantes pénalités en cas de non-respect de l’environnement et la formation des Algériens pour tout opérateur étranger, USA et autres, est indispensable.
6.-L’étude montre que d’autres techniques sont en cours économisant l’injection de l’eau douce et les produits chimiques. Aujourd’hui, pour récupérer le gaz de schiste, la technique utilisée est la fracturation hydraulique, consistant à injecter un fluide consistant d’environ 90% d’eau, 8 à 9,5% de «proppants» (sable ou billes de céramique) et 0,5 à 2% d’additifs chimiques – sous très haute pression. Au niveau tant de la communauté scientifique que des opérateurs l’objectif premier est d’améliorer la fracturation hydraulique, les recherches s’orientant sur la réduction de la consommation d’eau, le traitement des eaux de surface, l’empreinte au sol, ainsi que la gestion des risques sismiques induits. Concernant le problème de l’eau qui constitue l’enjeu géostratégique fondamental du XXIe siècle (l’or bleu), selon les experts, trois types de fluides peuvent être utilisés à la place de l’eau : le gaz de pétrole liquéfié (GPL), essentiellement du propane, les mousses (foams) d’azote (N2) ou de dioxyde de carbone (CO2) et l’azote ou le dioxyde de carbone liquides. L’utilisation des gaz liquides permet de se passer complètement ou en grande partie d’eau et d’additifs. Pour les mousses, par exemple, la réduction est de 80% du volume d’eau nécessaire étant gélifiées à l’aide de dérivés de la gomme de Guar. Ainsi sans être exhaustif, du fait de larges mouvements écologiques à travers le monde, des alternatives à la fracturation hydraulique sont encore à un stade expérimental et demandent à être plus largement testées, l’objectif étant de minimiser l’impact environnemental de la fracturation hydraulique tant pour les volumes traités que pour la qualité des eaux traitées et de diminuer significativement la consommation d’eau et/ou d’augmenter la production de gaz. La fracturation au gel de propane est en cours d’utilisation où l’eau pourrait être remplacée par du propane pur (non-inflammable), ce qui permettrait d’éliminer l’utilisation de produits chimiques. Nous avons la fracturation exothermique non-hydraulique (ou fracturation sèche) qui injecte de l’hélium liquide, des oxydes de métaux et des pierres ponce dans le puits, la fracturation à gaz pur peu nocive pour l’environnement surtout utilisée dans des formations de roche qui sont sensibles à l’eau à maximum 1500 m de profondeur ; la fracturation pneumatique qui injecte de l’air comprimé dans la roche-mère pour la désintégrer par ondes de chocs, n’utilisant pas d’eau, remplacée par l’air mais utilisant certains produits chimiques en nombre restreints ; enfin la stimulation par arc électrique (ou la fracturation hydroélectrique) qui libère le gaz en provoquant des microfissures dans la roche par ondes acoustiques, utilisant selon les experts pas ou très peu d’eau, ni produits chimiques, mais nécessitant beaucoup d’électricité.

En conclusion, la réalité est amère pour les énergies renouvelables en Algérie. Malgré des discours, de nombreux séminaires, elles représentent moins de 1% en 2021 au sein de la consommation globale. Pour le pétrole/gaz de schiste algérien, il s’agit ni d’être contre, ni d’être pour, l’objectif stratégique est de l’insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un Mix énergétique pouvant donc être une opportunité face à l’épuisement de ses ressources traditionnelles horizon 2030 mais devant évaluer les risques sans passion. Tout processus de développement repose sur la bonne gouvernance et la ressource humaine, richesse bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures et donc attention à l’exode massif des cerveaux et la marginalisation des compétences internes. En bref, les choix techniques d’aujourd’hui engageant la société sur le long terme, seul le conseil national de l’Energie, présidé par le président de la République, est habilité à tracer la politique énergétique future du pays.
(A suivre)
Abderrahmane Mebtoul
Pr des universités
Expert international