Emancipation du travail et perspectives de l’entrepreneuriat féminin

La place de la femme dans la société

Les 8 mars de chaque année, le monde célèbre la Journée internationale de la femme. Rappelons que le 17 décembre 1999, par sa résolution 54/134, l’Assemblée générale de l’ONU a proclamé le 25 novembre «Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes» et a invité les gouvernements, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales à sensibiliser l’opinion afin de dynamiser la place de la femme dans la société afin qu’elle puisse exercer différentes fonctions tant dans la sphère économique, sociale, culturelle que dans différentes responsabilités politiques.

1.- Quatre visions de la valeur émancipatrice du travail des femmes
L’analyse de l’entreprenariat féminin est intiment liée à l’analyse du marché du travail et du salariat d’une manière générale et de la place de la femme au sein de la société. Si le travail est au cœur de la construction de la société, il est particulièrement au centre de la consolidation de l’autonomie de l’individu, notamment de la promotion de la situation de la femme en tant que personne et en tant que citoyen. Intégrer la femme dans le monde du travail, implique en Algérie un cadre adapté également aux traditions surtout au niveau des zones semi urbaines et rurales. Les différentes recherches en sciences sociales affirment souvent que le développement d’une société se mesure au degré d’implication de ses femmes. L’émergence des femmes dans l’espace social et politique, la question de l’entreprenariat féminin devrait être posée dans le cadre de la problématique du développement et de la transformation générale de la société, étant au sein du carrefour de la pluridisciplinarité entre la psychologie et la sociologie du travail. Nous assistons à quatre thèses dont la plus récente est me semble t-il la plus appropriée

La première thèse, liée à la problématique du développement, est celle qui considère que l’arrivée dans le monde du travail des premiers contingents de femmes est le point de départ d’un mouvement évolutif et irréversible qui ne peut que changer la conscience qu’ont les femmes d’elles-mêmes, celles qui travaillent comme celles qui ne travaillent pas, et constitue un atout majeur dans la conquête de l’espace social et politique. Selon cette thèse, ce sont les femmes qui travaillent, quelle que soit la nature de l’activité exercée, qui s’intéressent le plus à la vie sociale et politique, qui votent davantage et de manière plus autonome. C’est parmi elles aussi que l’on trouve le pourcentage le plus élevé de femmes satisfaites, le revenu, essentiellement salarial des femmes, la scolarisation massive des filles constituant des facteurs de changement dans les rapports de sexe dans une société qui n’avait connu que le travail des paysannes.

La deuxième version conteste la progression du travail féminin, remettant en cause dans ses travaux la thèse du travail émancipateur à partir d’une analyse théorique globale des rapports entre travail salarié et procès de travail domestique. Selon cette approche, le projet passé étatique de développement et de mobilisation de la société des années 70 a exclu les femmes en les affectant en priorité à un procès de travail domestique issu de la destruction des anciennes formes de production et de la séparation entre l’espace de production et de reproduction. Ainsi, l’emploi féminin, « marginal», a introduit une scission entre la minorité qui travaille et la majorité des femmes au foyer vouées aux rôles traditionnels dont les normes patriarcales se trouveraient renforcées.

La troisième vision, à partir d’enquêtes au niveau des entreprises publiques, est que le «travail libérateur» de la femme serait un mythe, ne relevant pas d’une décision individuelle mais d’un projet de groupe et que l’enfermement à l’usine est le strict équivalent de l’enfermement à la maison. Cette vision conteste que le travail puisse être un facteur de libération, ni même de changement, du fait que la fonction proprement socioéconomique du salaire féminin est subvertie et réintégrée dans une logique symbolique propre à la société traditionnelle, la possibilité d’indépendance économique étant neutralisée par la logique de la domination.

La quatrième vision, plus récente et, me semble-t-il, plus réaliste, essaie de réaliser une synthèse entre ces différentes approches intégrant les analyses psychosociologiques et la dualité de la société algérienne formel/informel. L’arrivée des femmes dans le monde du travail, limitée mais non marginale, a produit un mouvement irréversible d’aspiration au travail, à l’activité rémunérée et à ce qu’elle implique, c’est-à-dire une forme ou une autre d’autonomie, encore qu’existent des résistances au changement. Ce mouvement, du fait des nouvelles orientations économiques et du désengagement de l’Etat, a donné naissance à un développement sans précédent du travail informel qui prend des formes très variées, concernant un nombre de femmes beaucoup plus important que celui des travailleuses déclarées. Toutes sortes d’activités, exercées en auto-emploi, sont appelées à se développer. Dans cette perspective, le travail salarié a produit des effets sociaux et culturels profonds et irréversibles. Ils remettent en cause la problématique d’une sorte d’inertie des pratiques et des représentations dans le monde des femmes dans son ensemble, mettant en valeur qu’avec la scolarisation massive des filles, le travail est le paramètre essentiel du changement et ce changement a des retombées sur celles qui ne travaillent pas. Encore que cette approche met en relief que le savoir social que ces femmes acquièrent et les multiples manières dont elles l’utilisent en le combinant à des matériaux puisés dans le patrimoine culturel pour construire une image de soi valorisante à la fois comme femme et comme travailleuse, peuvent se trouver en butte à des manifestations de réprobation du fait de résistances socioculturelles. Selon cette approche, avec l’évolution de la famille algérienne qui ne vit pas en vase clos mais influencée par des facteurs d’environnement local et international (télévision, Internet), il faille éviter le stéréotype selon lequel la famille, lieu de la tradition, emprisonne les individus et constitue toujours un frein à l’autonomie et au changement, une famille pouvant pousser ses membres féminins au changement parce qu’elle en tire des profits matériels et symboliques. A l’inverse, une femme qui fait des choix individuels en affrontant sa famille, ne s’en détache pas pour autant, ce qui signifie bien entendu qu’il ne peut y avoir d’un côté tradition et de l’autre innovation. Ces recherches mettent aussi en valeur la connivence mères-filles pour contrer une décision ou en faire valoir une autre, tout un ensemble de stratégies qui relèvent de ce que certains sociologues qualifient de «féminisme informel.

2- Les obstacles et les perspectives du développement de l’entrepreneuriat féminin
Différentes enquêtes ces dernières années ont été réalisées sur ce sujet ou j’émets cinq constats.

Le premier constat est La violence contre les femmes a pris des proportions alarmantes ces dernières années. Le phénomène touche de plus en plus de femmes qui, souvent, sont victimes de violences commises par le mari, le père, le frère ou même l’enfant. Rappelons que le 17 décembre 1999, par sa résolution 54/134, l’Assemblée générale a proclamé le 25 novembre «Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes» et a invité les gouvernements, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales à organiser des activités conçues pour sensibiliser l’opinion au problème. Les femmes qui travaillent en Algérie n’occupent pas des postes de responsabilité, encore que depuis quelques années, nous constatons une progression notable.
En effet, les difficultés qui entravent l’évolution des carrières professionnelles des femmes sont en relation avec la discrimination dans l’attribution des promotions, certaines enquêtes montrant que leur niveau de formation et de perfectionnement entrave leur évolution, d’autres enquêtes estiment que les difficultés sont orientées vers la conciliation entre la vie de famille, la maternité et la société. Outre les difficultés citées ci-dessus, il existe plusieurs types de discriminations pour des questions d’apparence physique : des femmes estiment que lors de leur recherche, elles ont été confrontées à ce genre de discrimination, de discrimination par rapport à l’âge, de discrimination dans l’attribution des promotions et refus d’accès aux postes de responsabilités avec une différence dans l’attribution des salaires entre les hommes et les femmes surtout dans le secteur privé . Il y a également les critères de taille et de type d’entreprises qui constituent un élément important dans la sélection du poste de leur choix.

Le deuxième constat est que les enquêtes montrent que la majorité des femmes souhaiteraient travailler dans des entreprises multinationales pour les conditions de travail et le salaire avantageux, un niveau intermédiaire préfèrent travailler dans les grandes entreprises algériennes et dans des entreprises et administrations publiques, et seulement un minorité s’intéressent aux offres d’emploi au niveau des petites et moyennes entreprises.

Le troisième constat, concernant les métiers qui intéressent les femmes où de plus en plus de femmes diplômées et expérimentées souhaiteraient occuper des postes à responsabilité, des femmes souhaiteraient occuper des postes de gestion et de management, d’autres préfèrent des postes de création et de marketing , faire carrière dans le domaine des finances et la comptabilité et une minorité des femmes s’intéressent aux métiers du BTP, métiers dédiés en général aux hommes.

Le quatrième constat est que bon nombre de femmes affirment que l’idée du projet est venue de la spécialité de leur formation et l’expérience acquise au cours de leur vie professionnelle, d’autres que le montage financier de l’entreprise est une affaire de famille, dans la mesure où elles n’ont utilisé que leurs fonds personnels et de famille, alors que d’autres ont bénéficié d’un crédit bancaire en plus de leurs fonds propres.
Le cinquième constat est que la majorité des enquêtes montrent que le nombre de femmes qui optent pour l’entreprenariat sont confrontées à de nombreux obstacles, notamment les impôts, le problème de l’accès aux crédits et les responsabilités familiales
Quelle conclusion en tirer ? Je considère que la promotion de la femme, et notamment du travail dans son ensemble et l’entreprenariat féminin en particulier, comme le ciment et la vitalité de toute société. nos filles et nos femmes ayant besoin de la plus grande considération. Dans la Phénoménologie du Droit, le grand philosophe allemand Hegel faisait allusion aux strates fondamentales de l’Etat (les règles, les fonctions régaliennes, l’allocation des ressources collectives), la Famille, la Corporation, l’Universel et avait, peut-être oublié de mentionner, la Matrice de la Vie, la matrice de base, la mère des matrices, le Noyau Central, la racine de l’arborescence, la racine de l’Arbre de la Vie, notre mère.
Professeur des universités, expert
international Abderrahmane Mebtoul