Parcours d’une acharnée du football, devenue arbitre internationale

Ghada Mehat

La jeune Ghada Mehat, native de la wilaya de Sétif, a bousculé la hiérarchie en ce début de l’année 2022, en devenant la deuxième algérienne à obtenir le grade d’arbitre international en football. Un statut qui, jusque-là, était monopolisé uniquement par les hommes.
Ghada Mehat a commencé à pratiquer le football dès son plus jeune âge, dans les rues de son quartier à Sétif. Une région connue et reconnue pour être une terre du «Sport-Roi» et dont le club phare, l’Entente a été de tout temps le berceau de plusieurs stars nationales, notamment, le maître à jouer de la glorieuse équipe du FLN, Rachid Makhloufi, sans oublier l’artiste Malik Zorgane et le renard des surfaces, Issaâd Bourahli.
«J’ai toujours été fascinée par le football. Pour moi, c’était une obsession et c’est ce qui explique le fait que j’ai commencé à y jouer dès mon plus jeune âge, en compagnie de mes frères, dans les rues du quartier. Après quoi, j’ai intégré le Club d’El Khroub pour une courte durée», a-t-elle commencé par expliquer à l’APS.
«Malgré mon engouement pour le jeu, j’ai très vite ressenti une attirance pour l’arbitrage et j’ai immédiatement cherché à comprendre comment on pouvait le devenir. Ainsi, et dès 2015, alors que je n’avais pas encore 20 ans, je me suis retrouvée dans la Ligue régionale de Constantine, avec l’objectif de devenir arbitre», a-t-elle poursuivi.
Ghada a été la seule candidate à avoir passé avec succès la totalité des examens, qui s’étaient étalés sur une période de deux mois, décrochant ainsi un premier grade d’arbitre pour jeunes catégories. Après quoi, et de grade en grade, la jeune sétifienne est passée au statut d’arbitre fédéral, puis à celui de referee international. «Si ma mémoire est bonne, j’ai été appelée à officier mon premier match en tant que juge-assistante après seulement une semaine de stage, et ce n’était pas du tout évident. J’ai dû faire preuve de volonté et de courage pour relever ce défi. J’ai commencé à arbitrer chez les moins de 15 ans, avant de passer chez les moins de 17 ans, puis les moins de 19 ans, jusqu’à atteindre la catégorie des moins de 21 ans, appelée communément celle des +Réserves+», a-t-elle détaillé.
Cependant, la progression de Ghada Mehat a été loin d’être facile. C’est même le cas de dire qu’elle devenait de plus en plus compliquée à chaque nouvelle étape qu’elle gravissait un nouvel échelon, car dans une région des Hauts-Plataux conservatrice, il était presque +interdit+ pour une femme de se révéler dans un milieu d’hommes. «Mes débuts ont été très difficiles, surtout que je suis issue d’une région conservatrice, où les coutumes et les traditions pèsent énormément sur la vie des gens, particulièrement sur celle des femmes. Mais progressivement, j’ai commencé à me faire accepter, notamment, grâce à mon impartialité et ma rigoureuse application des règlements», a-t-elle indiqué.
A travers sa propre expérience, Ghada Mehat s’est dite «convaincue que la femme algérienne peut réussir tout ce qu’elle entreprend, y compris dans les domaines qui sont généralement réservés aux hommes, car elle a le potentiel nécessaire.
D’ailleurs, pour moi, il n’y a aucune différence entre les deux genres, particulièrement dans le domaine de l’arbitrage. Il suffit de bien connaître les règlements, et de les appliquer convenablement», a-t-elle assuré.
A ce propos, la jeune sétifienne a profité de l’occasion pour lancer un appel aux supporters, en leur demandant «d’accepter les femmes arbitres et de les aider pendant leur mission», car si les joueurs et les entraîneurs ont commencé à les accepter sur le terrain, «la barrière est toujours érigée» au niveau du public.
En effet, selon Ghada Mahat, «même les arbitres sont plus ou moins à l’abri d’une agression physique de la part des supporters, car protégés par les barrières entre les tribunes et le carré-vert, ils restent néanmoins exposés aux agressions verbales et aux insultes», qui d’après elle «font encore plus mal» que les coups. La native de Sétif s’est dite «très fière d’être la première arbitre internationale dans l’Est algérien», en encourageant les femmes à toujours aller au bout de leurs rêves, même s’il est question d’investir un domaine jusque-là réservé uniquement aux hommes. «Les femmes ont elles aussi le droit d’honorer leur nom de famille, et de représenter les couleurs nationales. C’est un sentiment incroyable et aucune d’entre nous ne devrait s’en priver».

Badge international : le fruit de la persévérance
Ghada Mehat, 26 ans, animée d’une volonté farouche et d’une grande confiance en soi, a réussi à s’illustrer dans un «milieu macho», en contribuant, sept années durant, à diriger, en tant qu’arbitre central ou assistante, des rencontres de football de différentes catégories. L’année 2022 est finalement celle de l’apothéose, puisqu’elle réalise un de ses rêves en réussissant l’examen d’obtention du badge d’arbitre international. Ambitieuse, Ghada n’occulte pas son désir de se forger une place de choix au sein du corps de l’arbitrage.
«Avec ce grade international, j’ambitionne, au niveau national, d’officier des rencontres de la Ligue 1 professionnelle en gagnant la confiance de l’instance fédérale (…) mon rêve est également de diriger des matches dans une phase finale de Coupe du monde», a-t-elle lancé, tout en reconnaissant qu’il faudra d’abord «faire ses preuves lors des matches internationaux et au niveau continental».
En s’investissant dans le monde du football et de l’arbitrage, Ghada ne se départ pas de sa vie personnelle et ses études. Bien au contraire, elle a réussi à allier sport et études, étant détentrice d’un Master 2 en Sciences et techniques des activités physiques et sportives, obtenu à l’université Abdelhamid-Mehri de Constantine. Elle est actuellement enseignante de sport au sein d’une école privée. Mener à bien toutes ces tâches n’est pas chose aisée pour une jeune femme, à l’orée de sa carrière. «Je vise toujours plus haut. Je fais cependant des sacrifices pour pouvoir mettre en harmonie mon amour pour l’arbitrage et l’accomplissement de mon travail en tant qu’enseignante de sport», a fait savoir Ghada Mehat, qui, après les heures de travail, se déplace au stade, chaque jour (7/7) pour s’entraîner dans le but d’atteindre ses objectifs.
Puisant sa force dans le milieu familial, Ghada a réussi son défi grâce à sa famille, notamment le père qui «me soutient et m’accompagne même lorsque je dirige certaines rencontres (…) avec mes frères, je continue à ce jour de jouer au foot». A l’occasion de la Journée internationale de la femme, coïncidant avec le 8 mars, elle souhaite une heureuse fête à la gent féminine, notamment celle activant dans le domaine du sport. «La femme est un pilier de la société. Elle accomplit diverses tâches, celle d’éducatrice, de mère, sœur, fille, docteur, infirmière, enseignante, et même… arbitre de football». Evoquant l’arbitrage féminin en Algérie, le vice-président de la commission fédérale d’arbitrage de la FAF, Mohamed Bichari, a relevé le niveau «sans cesse croissant» des femmes-arbitres algériennes. Il en veut pour preuve, l’existence, parmi elles, de quatre arbitres de grade international dont l’arbitre-central Ghada Mehat. «C’est un honneur pour le sifflet féminin algérien. Nous les accompagnerons pour qu’elles s’imposent d’abord sur le plan national, et ensuite sur le plan africain».
R. S.