Un patrimoine ancestral reflétant l’identité algérienne

Le costume traditionnel

De l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud, la variété du costume et de l’habit algériens est telle qu’elle ne saurait être répertoriée. Issu de multiples brassages historiques, ce patrimoine séculaire est le reflet de l’identité et d’un savoir-faire algériens ayant résisté, pour la plupart, au temps et aux diverses menaces d’effacement.Si les écrits relatifs à ce pan du patrimoine matériel national sont essentiellement ceux de Français réalisés durant leur présence en Algérie, nombre de travaux de recherche ont été menés après l’indépendance par des chercheurs et spécialistes algériens, dont ceux de Leila Belkaïd qui compte parmi les références les plus fouillées et crédibles en la matière.
«Costumes d’Algérie» et «Algéroises, histoire d’un costume méditerranéen» fournissent ainsi une richesse de données précises sur le costume méditerranéen, algérois en particulier, même si l’auteur se référé grandement aux archives occidentales, la plus ancienne source d’informations, souligne-t-elle, étant un texte espagnol datant de la fin du XVI siècle, tout en déplorant le manque d’ «objectivité de l’idéologie coloniale» ainsi que le message «réducteur» véhiculé.
Dans son 2éme ouvrage dédié au costume algérois, elle annote qu’au XVème siècle, celui-ci était composé d’un drapé (Fouta), pagne long et rayé, d’un péplum à fibules et d’un voile de sortie, d’un costume cousu et fermé (tunique, chemise) ainsi que d’un Seroual, pantalon en fourreau d’intérieur et de sortie.
Ces trois combinaisons différaient selon la classe sociale, l’âge et la saison, alors que le costume cérémonial était réalisée dans des étoffes plus luxueuses, informe-t-elle encore, indiquant que la 1ére description précise du costume algérois remonte à fin XVI siècle, à savoir la chemise fine (Qmedja) et les chemises-tuniques, pièces majeures des citadines et caractérisées par leur sobriété, avant que l’arrivée des Andalous et des Morisques d’Espagne après la chute de Grenade n’introduise la broderie de l’encolure des tuniques de plastrons.
Biologiste de formation et enseignant à l’Université de Annaba, Farouk Khelfaoui voue une passion au patrimoine algérien, dont l’habit traditionnel, et s’est appuyé dans ses recherches avancées sur des travaux comme ceux de Leila Belaud, mais essentiellement sur la mémoire populaire ainsi que les peintures d’orientalistes crédibles, précise-t-il à l’APS.
«Le costume traditionnel algérien raconte une histoire mais aussi des codes», fait-il remarquer, avant de noter que le plus antique habit algérien, celui des Amazighs en l’occurrence, était constitué d’une longue et droite tunique, ornée de franges et qui serait l’ancêtre de l’actuelle Gandoura, à l’origine de l’appellation de Thakendurth, la robe typique kabyle. Et de détailler les particularités des différentes régions du pays, à commencer par la tenue d’apparat algéroise qui s’est développée sous le règne ottoman, dont le Karaco, gilet à manches longues et joliment brodé, précédemment appelé Ghlila, avant qu’il ne connaisse la coupe cintrée sous l’influence européenne du début de la colonisation.

L’apport de la civilisation andalouse….
L’apport de la civilisation andalouse a donné lieu également à la fameuse Kassaka algéroise, une tunique en dentelle au-dessus de laquelle se porte la Fermla, un gilet brodé au fil d’or ou d’argent, Fetla ou Medjboud. Ceci, alors que le Serouel a pris plusieurs formes, Mdaouer (bouffant), Tastiffa (plissé), etc, qui comme M’harmet Leftoul (foulard à franges), accompagne invariablement le Karaco.
Autre symbole de l’habit algérois, qui résiste non sans peine à la modernité, le Haïk, intimement associé à l’histoire d’Alger « El-Mahroussa » et assez ressemblant à la M’lahfa des Ouled Naïl, dans l’Est du pays, dont la capitale Constantine est réputée pour sa gandoura Fergani en velours et l’art de la broderie (Tarz) qui en représente l’ornement, fait encore savoir Mr Khelfaoui.
«Il existe un autre type de gandoura, celle du Tell, typique à Constantine et Annaba, agrémentée de passementerie métallique en lamelles d’argent et un autre modèle à base de soie ou de brocart, brodé de perles ou de paillettes propres à ces villes et à celle de Jijel», poursuit-il, évoquant, par ailleurs, le « Djelal annabi, une gandoura assortie d’un caftan brodé ou encore Qaftan Qronfla et Qaftan El Qadi, égalementde Annaba.
S’agissant de l’Ouest du pays, le même interlocuteur cite le costume d’apparat qu’est Lebsset El Arftan, le costume nuptial de Tlemcen qui englobe, outre le caftan, la coiffe conique l’accompagnant (Chedda) et qui figure dans la liste du patrimoine immatériel de l’humanité: «beaucoup d’éléments de cette tenue sont d’inspiration ottomane dont la coiffe», explique-t-il, citant également les pendentifs temporaux (Khross), en perlefine, le diadème en or chez les familles aisées, que les moins nanties remplaçaient par A3assabet El Wiz ou bien Soltani. Celui-ci étant un bandana en Mensouj serti de sequins d’or ou de louis d’or.
En plus de la paire de trembleuses « Raacha », élément décoratif au-dessus de la coiffe, de multiples colliers se portent avec ce costume de circonstance en usage dans les régions à influence andalouse et ont des ressemblances observées sur la Tagrifa mestghanemia, de l’autre ville de l’Ouest qu’est Mostaganem, mais dont la coiffe est toute autre, explique le chercheur.
A propos de cet habit souvent exclusivement attribué aux voisins de l’Ouest, le directeur de l’Agence algérienne du Rayonnement culturel (AARC), Abdelkader Bendâamache, assure que son arrivée chez ces derniers s’est faite vers le 16éme siècle, lorsque le sultan Abo Abbas Ahmed El-Mansour l’a vu pour la première fois en Algérie et en a été ébloui.
Typique à la Kabylie, Thakendurth est passée, au fil des décennies, de la simple robe longue droite à celle d’usage à ce jour, caractérisée par les couleurs vives et les broderies en zig-zag, et continue à se porter avec les bijoux typiques des Ath-Yanni, poursuit Mr Khelfaoui, sachant qu’au Sud du pays, les bijoux en argent agrémentent également la tenue traditionnelle des femmes targuies (Tassaghenasset), celui des hommes étant le Bazam, en plus du chèche qui a valu à ces derniers le qualificatif d’ «hommes bleus».
R.C.