Manifestations, colère et heurts en Corse

France

La tension persiste en Corse, île française où des slogans «Etat français assassin» ont émaillé une manifestation avant-hier à Bastia en soutien à Yvan Colonna, onze jours après l’agression en prison du militant indépendantiste condamné pour l’assassinat du préfet Erignac. «Liberta, Liberta !» : capuches sur la tête pour les plus jeunes ou parapluie pour les plus âgés, toutes les générations étaient représentées dans la foule où le noir prédominait et sur laquelle flottaient de nombreux drapeaux corses. Ils étaient 7 000 manifestants selon la préfecture, 10 000 selon les organisateurs du rassemblement. La colère a débordé dès l’arrivée du cortège à la préfecture, avec des échauffourées entre les forces de l’ordre et 200 à 300 manifestants encagoulés, pour certains équipés de masques à gaz : gaz lacrymogènes et canons à eau d’un côté, cocktails molotov et cailloux récupérés sur des voies ferrées de l’autre. Selon le dernier point de la préfecture, 22 personnes ont été blessées : 16 membres des forces de l’ordre, cinq manifestants et un passant. A la dispersion de la marche, en fin d’après-midi, de nombreux heurts ont en effet éclaté entre les forces de l’ordre et des groupes de jeunes particulièrement virulents, dégénérant en quasi guérilla urbaine avec la tombée de la nuit. «Des émeutes ont lieu à Bastia depuis 16h30», a insisté en début de soirée le procureur de la République, Arnaud Viornery, à l’AFP, «et les violences se poursuivent». Vers 17h30, un incendie s’était déclaré à l’entrée de l’hôtel des impôts, dont les vitres avaient été brisées par les cocktails molotov. Et plusieurs feux de palettes étaient allumés sur la chaussée ici et là. Condamné à la perpétuité pour l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998, Yvan Colonna est dans le coma depuis son agression le 2 mars par un codétenu emprisonné pour «terrorisme». Depuis, les manifestations se sont multipliées sur l’île méditerranéenne, à l’appel d’étudiants, de lycéens, d’organisations nationalistes et de syndicats. L’appel officiel à la manifestation de dimanche était sobre, demandant «la vérité et la justice pour Yvan, la liberté pour les patriotes et la reconnaissance du peuple corse». «La colère et l’indignation s’expriment», a concédé Gilles Simeoni, président autonomiste du conseil exécutif de Corse et ancien avocat d’Yvan Colonna. «Le peuple corse tout entier est mobilisé contre l’injustice, l’exigence de vérité et au-delà pour une véritable solution politique» entre l’Etat et la Corse. En fin de semaine, le gouvernement français a tenté «l’apaisement» en annonçant le transfert sur l’île de deux autres membres condamnés du «commando Erignac». Mais ce geste n’a pas réussi à étouffer les tensions. Emprisonné à Arles (sud de la France), Yvan Colonna demandait aussi de longue date d’être transféré en Corse, ce qui lui a toujours été refusé. «S’il y a des violences, ça sera la responsabilité de l’Etat. En sept ans rien n’a avancé, et en sept jours de violences, les choses ont bougé.
La violence est nécessaire», a estimé Antoine Negretti, 29 ans, dans le cortège. Juste avant la manifestation, un stock «d’environ 300 cocktails molotov» a été découvert «dans un espace public de Bastia», selon le procureur Arnaud Viornery.n