Face aux stratégies de l’Otan, la politique de défense et de la sécurité énergétique de l’Europe

Algérie

Avec l’impact de la crise du coronavirus et récemment avec la crise ukrainienne, plus jamais le monde ne sera comme avant préfigurant d’importantes mutations dans les relations internationales, sécuritaires, politiques et économiques, où la crise ukrainienne a des impacts sur le cours du pétrole/gaz, mais également sur la sécurité alimentaire. Les années à venir devraient conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires.Cette contribution est une synthèse remaniée d’une étude sous ma direction parue à l’Institut Français des Relations Internationales – IFRI Paris décembre 2011 d’une brûlante actualité sur le Maghreb face aux enjeux géostratégiques, de quatre interventions, à New York organisé par les fondations –Bill Gates- Rockefeller à New York en novembre . 2012, sur les relations Usa/Maghreb-Afrique, en mars 2015 au sénat français à l’invitation de Jean Pierre Chevènement, de l’association internationale africaine ARGA en mai 2015 et à Malte à l’invitation de la Commission européenne en avril 2016 sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée. En effet, privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques, partie
prenante du dialogue méditerranéen (DM), l’Algérie acteur stratégique de la stabilité régionale du point de vue sécuritaire et énergétique comme j’ai eu à l’affirmer, en tant qu’expert international, lors de plusieurs interviews internationaux lors de mon récent séjour en Europe, et lors d’un débat au sénat français le 09 novembre 2022 en présence d’importantes personnalités internationales. L’Algérie lors du récent vote à l’ONU sur la crise ukrainienne, ayant opté pour la neutralité, agit en fonction d’un certain
nombre de principes fondement de sa politique étrangère, et d’une volonté de contribuer à la sécurité et la stabilité dans la région que ce soit dans le cadre d’une coopération avec l’Otan, avec les structures de défense que l’Union Européenne entend mettre en place, et également avec la Russie, ou la Chine, pour ne citer que les principaux acteurs. 1.-C’est que la fin de la guerre froide marquée par l’effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, représentent un tournant
capital dans l’histoire contemporaine. Le premier évènement marque la fin d’un monde né un demi siècle plutôt et la dislocation d’une architecture internationale qui s’est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd’hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Or, les défis collectifs, anciens ou nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement. Ils sont d’ordre local, régional et global. Entre la lointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe, entre une stratégie globale et hégémonique, qui possède tous les moyens de sa mise en oeuvre et de sa projection, et une stratégie à vocation globale qui se construit laborieusement et qui peine à s’autonomiser et à se projeter dans son environnement géopolitique immédiat, quelle attitude
adopter et quels choix faire pour l’Algérie ? Interpellée et sollicitée, l’Algérie s’interroge légitimement sur le rôle, la place ou l’intérêt que telle option ou tel cadre lui réserve ou lui offre, qu’il s’agisse du dialogue méditerranéen de l’Otan ou du partenariat euroméditerranéen, dans sa dimension tant économique
que sécuritaire. L’adaptation étant la clef de la survie et le pragmatisme un outil éminemment moderne de gestion des relations avec autrui, l’Algérie devant faire que celui que commandent la raison et ses intérêts. Sept pays appartenant à la région méditerranéenne sont aujourd’hui des partenaires
de l’Organisation de l’Atlantique Nord dans le cadre de ce qu’on appelle le dialogue méditerranéen de l’Otan.. Ce partenariat que l’Otan, et à travers lui les Etats-Unis, rentre dans une stratégie de multiplication et de diversification des partenariats qui touchent plusieurs régions : les anciennes
républiques soviétiques, le Caucase, l’Asie centrale, la Russie, la Chine, etc. Toutefois, du fait de l’intégration à l’Otan qui a touché en novembre 2002 sept pays de l’ex bloc soviétique le texte signé à Paris le 19 novembre 1990 entre l’Alliance Atlantique et le Pacte de Varsovie devient un projet caduc. Dès lors, le dialogue méditerranéen de l’Otan est l’objet de toutes les attentions de la part de cette organisation qui a décidé de le transformer en partenariat stratégique. La région Maghreb d’une manière particulière et la méditerranée d’une manière générale représentent pour l’Otan son flanc sud tout en étant le passage obligé vers le Moyen-Orient qui recèle de fabuleuses richesses pétrolières et où se
trouve un allié stratégique de tout premier plan pour les Etats-Unis, Israël. L’intérêt que portent ces derniers à la Méditerranée occidentale n’est pas nouveau, tant le projet du grand moyen Orient , (GMO notamment à travers les résolutions du sommet de Rabat le dernier semestre 2004) que le ‘projet américain Eizenstat. Mais le contrôle de l’énergie, coeur de la sécurité des Nations, au niveau mondial détermine la stratégie géo- stratégique américaine chinoise et européenne. C’est que la consommation
d’énergie a connu une évolution depuis que le monde est monde expliquant bon nombre de conflits, depuis la révolution industrielle à nos jour en précisant que les différentes sources d’énergie sont en concurrence : charbon – pétrole , gaz, nucléaire, les énergies renouvelables dont le solaire, éolienne géothermique et l’hydrogène 2030/2050, en cas d’épuisement dans 40 à 50 ans des réserves de pétrole et de gaz, deux pays du Maghreb étant relativement bien dotés l’Algérie et la Libye. L’énergie est au coeur de la stratégie de la sécurité mondiale, le problème du contrôle des réserves stratégiques est à l’origine des tensions en Irak et son alliance stratégique avec l’Iran, ( 2ème puissance pétrolière après l’Arabie Saoudite ), d’étroites relations Iran/Qatar, avec respectivement 35.000 et 15.000 milliards de mètres cubes des réserves gazières mondiales contre 45.000 pour la Russie ,l’Iran contrôlant
une grande partie du passage maritime des exportations des hydrocarbures des principaux pays du Golfe à travers le détroit d’Ormuz, dont les réserves mondiales sont de plus de 60% de la planète, des tensions
au Soudan ( dont la Chine est présente dans ce pays pour le pétrole ). C’est dansce cadre que rentre la résolution du parlement américain (juillet 2007), qui a voté une motion contre un cartel de gaz et ayant une stratégie de limiter l’influence du cartel OPEP, bien que cette organisation représente moins de 33% à l’heure actuelle de la production commercialisée du pétrole, mais ayant acquis une plus grande influence en avec l’appui de la Russie et bon nombre d’autres pays OPEP+. Dans ce cadre, il est utile de préciser que le marché pétrolier étant un marché mondial et le marché gazier actuellement étant un marché segmenté ,( prédominance des canalisations, le GNL étant marginal) le prix indexé sur celui du
pétrole, le coût élevé et la marge bénéficiaire réduire, (d’où la non rentabilité des gisements marginaux contrairement à ceux du pétrole) et il est très difficile dans la conjoncture actuelle d’ imaginer un marché OPEP du gaz répondant au marché boursier classique, peut être à moyen terme avec la généralisation des GNL. Concernant la conjoncture actuelle, l’embargo décidé par le président américain, dont les USA qui ne dépendent pas de l’énergie russe , moins de 7%, étant devenu autonome grâce au pétrole/ gaz de schiste, étant devenu exportateur et surtout la position mesurée des pays de l’Union européenne des 27 lors de la dernière rencontre à Versailles à Paris, le 10 mars 2022 fortement dépendants du gaz russe pour 45/47% et 27% pour le pétrole , surtout l’Allemagne et l’assurance de la Russie de continuer à approvisionner l’Europe a fait que le cours du gaz a perdu 50 % depuis son sommet atteint le 07 mars 2022 à 345 mégawattheure, ayant reculé depuis le 11 mars 2022, de 18,09 % à 175,75 euros le mégawattheure mais reste en hausse de 147 % depuis début janvier 2022. Idem avec une accalmie du cours du pétrole qui a été coté le 14 mars 2022 20h GMT , à 105,22 dollars pour le Brent et pour le Wit 101,38 dollars. Alors que certains prévoyaient rapidement un cours à 200 dollars alors qu’actuellement
aucun expert ne peut prédire l’évolution des cours, étant fonction des facteurs déterminants de la géopolitique. L’alternative de la Chine où les relations commerciales de Pékin et de Moscou étant régies
à 17,5% par le yuan, le système de paiement CIPS étant principalement utilisé pour régler les crédits internationaux en yuan et les échanges liés à l’initiative «Belt and Road», agissant comme un système alternatif au traditionnel Swift créé en 1973, bien qu’il n’en soit pas encore totalement indépendant
et récemment de la proposition de l’nde, selon des agences internationales en date du 12/03/2022 d’importer le pétrole russe et d’autres matières premières moyennent un règlement de la transaction
dans un système rouble/roupie, contrebalancera t-il les prévisions de la Commission européenne
dans sa note officielle du 8 mars 2022 d’un plan visant à supprimer sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes « bien avant 2030, prévoyant notamment de réduire la demande européenne en gaz russe de deux tiers d’ici à la fin de l’année 2022 et cela est –elle réalisable Mais à terme se dessine une autre stratégie, à moyen terme l’accélération de la transition énergétique et à court terme, le paradoxe, de se tourner vers d’autres pays pour leur approvisionnements, les ennemis d’hier,
sous la pression de la conjoncture, les émissaires américains envoyés au Venezuela , premier réservoir de pétrole brut au monde, 266 milliards de barils ( certes un pétrole lourd) et l’accélération des négociations avec l’Iran deuxième réservoir mondial de gaz 35.000 milliards de mètres cubes gazeux après la Russie 45.000, qui est disposé selon son ministre de l’énergie à augmenter sa production  également de pétrole avec environ 55 milliards de barils de réserve de pétrole, le seul pays sous réserve d’investissements massifs avec le Qatar à contrebalancer la Russie pour le gaz, tout en faisant pression sur les pays l’OPEP dont l’Arabie Saoudite 267 milliards de barils de pétrole de réserve, les Emiraties 98 milliard de barils de pétrole de réserve, ce dernier ayant annoncé son intention d’accroître sa production.
N’oublions pas les négociations en cours avec le Qatar 15.000 milliards de mètres cubes gazeux de réserve, le Mozambique 5000 milliards, le Nigeria 5500 milliards, la Libye 42 milliards de barils de pétrole et 1500 milliards de mètres cubes de gaz, l’Algérie plus de 10 milliards de barils de pétrole et 2500 milliards de mètres cubes, pour le gaz, approvisionnant 11% l’Europe malgré sa forte consommation intérieure, devant renforcer son investissement dans le cadre de la transition énergétique dans le cadre d’un partenariat gagnant -gagnant. 2.- Le dialogue méditerranéen de l’Otan (DM) a été lancé dès 1995. Pour rappel, on notera qu’en juillet 1997 le Sommet de Madrid des chefs d’Etat et de gouvernement des pays de l’Otan crée le Groupe de coopération méditerranéenne (MCG) qui est placé
sous l’autorité du Conseil de l’Atlantique Nord. A partir de cette date, les pays de
l’Otan et leurs partenaires méditerranéens se réunissent de manière régulière « à 19+1 ou 19+7 ». Le Conseil de l’Atlantique Nord prend ensuite des mesures pour renforcer les « dimensions politiques et pratiques » du DM, mesures qui ont été entérinées par le Sommet de Washington (avril 1999) des
Chefs d’Etat et de Gouvernement. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le Conseil prend d’autres mesures destinées à renforcer le DM et ce, en janvier 2002 et en juin de la même année. Parmi ces mesures, citons l’organisation de consultations entre l’Otan et les partenaires méditerranéens sur la
question du terrorisme. Lors de la réunion de Reykjavik, tenue en mai 2002, les Ministres des affaires étrangères des pays de l’Otan décident de renforcer les dimensionspolitique et pratique du dialogue méditerranéen, notamment en menant des consultations avec les partenaires méditerranéens
sur des questions de sécurité d’intérêt commun, y compris en rapport avec le terrorisme. Mais c’est surtout le sommet de l’Otan qui s’est tenu le 29 juin 2004 à Istanbul, mettant l’accent concrètement sur l’urgence de l’approfondissement, qui a ouvert le dialogue méditerranéen de l’Otan en le transformant en véritable partenariat et de lancer l’initiative de coopération avec certains pays du DM, dialogue qui s’est poursuivi entre 2005/2021.
(A suivre)
Professeur des universités, expert
international Abderrahmane Mebtoul