Face aux effets collatéraux de la guerre en Ukraine, l’Algérie se protège !

Des mesures économiques flexibles et d’autres sévères

L’économie nationale subit depuis deux ans une flambée de l’inflation aggravée par la double crise financière et économique causée par le double choc de la chute des cours du pétrole et de la crise sanitaire. Afin d’agir vite sur la conjoncture, les autorités ont dû adopter une politique de rigueur budgétaire pour soutenir les ménages et les entreprises nationales, entraînant la dégradation du solde budgétaire et aggravant le déséquilibre des finances publiques. Un déséquilibre difficile à corriger au vu de la situation économique et financière encore fragile du pays à laquelle s’ajoute, aujourd’hui, un nouveau choc exogène, la guerre en Ukraine, qui a provoqué une flambée inédite des cours des matières premières. Une situation explosive qui risque de peser sur la mise en œuvre du plan de relance économique mis en place par le Gouvernement qui comptait sur l’impulsion de l’investissement local et étranger pour doper la croissance économique du pays, prévue pour 2022 à 3,3%.
Cet objectif est réalisable, malgré le contexte économique mondial actuel, selon de nombreux analystes qui plaident pour la mise en place d’un nouveau modèle économique plus inclusif et résilient.
L’Algérie pourrait adopter son plan de relance économique aux nouvelles contraintes actuelles pour redynamiser le secteur industriel et agricole afin de capter les richesses et créer de la valeur ajoutée.
Profiter également de la hausse des prix de l’énergie dû à la rupture de l’approvisionnement en gaz et pétrole russes des pays européens pour augmenter ses volumes d’exportations et renflouer les caisses de l’Etat qui doit, désormais, débourser plus pour s’approvisionner en blé dur et tendre qui se fait de plus en plus rare sur le marché mondial à cause des sanctions occidentales imposées à la Russie.
Mais aussi à cause de la décision de Moscou d’interdire l’exportation temporaire de ses produits céréaliers (blé, seigle, maïs).
Ces blocages paralysent les chaînes d’approvisionnements de blé, provoquant un retour des hausses des prix des produits alimentaires et des pénuries dans les rayons des supermarchés, à l’origine de la grogne sociale dans plusieurs pays, notamment, voisins.
La Tunisie, le Maroc et la Libye s’attendent à subir le coup négatif de la guerre en Ukraine, mais aussi de la décision de l’Algérie d’interdire l’exportation des certains produits de large consommation (pâtes alimentaires, huile, farine et semoule.
Cette décision prise par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, vise à contrôler l’inflation à l’intérieur du pays et assurer la disponibilité de ces produits sur le marché local. Ainsi, maîtriser l’inflation et apaiser les tensions sociales qui pourraient déstabiliser la mise en œuvre effective du plan de relance économique, notamment, des réformes qui ont permis au pays ces deux dernières années de réduire les déséquilibres macro et micro-économiques grâce au soutien apporté à la réforme des secteurs bancaire, financier et douanier. Mais aussi au rétablissement progressif de la confiance entre les institutions de l’Etat et le citoyen. Il est difficile de poser un bilan de ces actions actuellement à cause des mutations économiques et politiques internationales.
Mais, il y a quelques appréciations à noter.
Le Fonds monétaire international (FMI) a d’ailleurs félicité l’Algérie pour les progrès réalisés dans la mise en œuvre des réformes économiques et financières.
De son côté, la Banque mondiale (BM) a estimé que le pays se montre plus résistant que prévu quant à la crise de blé qui touche le monde actuellement. L’Algérie dispose d’un stock suffisant de blé d’ici la fin du mois d’août 2022, ce qui lui permettra d’éviter une éventuelle baisse de production et d’offre sur un marché très demandeur.
Réguler les prix et soutenir, indirectement, le pouvoir d’achat des Algériens qui bénéficie déjà d’une protection quasi-totale des autorités.
Ces dernières ont dû maintenir leur politique de rigueur budgétaire pour soutenir les ménages, mais aussi les entreprises publiques sauvées par l’Etat qui veulent éviter, désormais d’éventuelles conséquences sur l’équilibres macro et micro-économiques.
Un défi difficile à relever en raison de la conjoncture internationale actuelle qui effraie les investisseurs manifestant une certaine aversion sur le risque financier.
L’instabilité des marchés financiers et celui des matières premières dissuadent les investisseurs d’investir dans d’autres pays bien que l’environnement actuel semble assez favorable pour investir en Algérie qui vient d’abroger la règle 51/49% régissant l’investissement étranger et d’assouplir certaines règles financières et fiscales au profit des investisseurs locaux.
L’Etat a même facilité l’accès au crédit bancaire pour les investisseurs et les jeunes entrepreneurs à des taux d’intérêt raisonnables.
La Banque d’Algérie œuvre pour faciliter l’accès au crédit et à lutter contre la crise de liquidité. Elle a affecté 2.100 milliards de dinars pour refinancer les banques commerciales, ce qui lui a permis d’améliorer, entre autre, la liquidité bancaire qui a enregistré une hausse à 1.500 milliards de dinars à la date du 6 mars courant, selon le Gouverneur de la Banque d’Algérie, Rostom Fadli.
Par ailleurs, beaucoup reste à faire pour se remettre définitivement de l’impact initial de la pandémie et de la crise pétrolière, mais aussi des conséquences indirectes de la guerre en Ukraine.
Les autorités doivent aussi mesurer l’impact de la décision d’interdiction d’exporter les produits de large consommation sur les producteurs, également exportateurs.
Cette interdiction touche également sévèrement les pays importateurs à l’instar du Liban qui importe le sucre de l’Algérie.
Samira Takharboucht