Quelles perspectives pour le cours du pétrole/gaz, la sécurité alimentaire et la coopération Algérie-Europe dans le domaine énergétique ?

Face à la crise ukrainienne

Avec l’impact de la crise du coronavirus et récemment avec la crise ukrainienne, plus jamais le monde ne sera comme avant préfigurant d’importantes mutations dans les relations internationales, sécuritaires, politiques et économiques. L’embargo décidé par le président américain , dont les USA qui ne dépendent pas de l’énergie russe étant devenu autonome grâce au pétrole/gaz de schiste, étant devenu exportateur et surtout la position mesurée des pays de l’Union européenne des 27 lors de la dernière rencontre à Versailles à Paris, le 10 mars 2022 fortement dépendants du gaz russe, surtout l’Allemagne et l’assurance de la Russie de continuer à approvisionner l’Europe a fait que le cours du gaz a perdu 50 % depuis son sommet atteint le 07 mars 2022 à 345 mégawattheure, ayant reculé depuis le 11 mars 2022, de 18,09 % à 175,75 euros le mégawattheure mais reste en hausse de 147 % depuis début janvier 2022. Idem avec une accalmie du cours du pétrole qui a été coté le 13 mars 2022 12HGMT, à 112,42 dollars pour le Brent et pour le Wit 109,20 dollars, alors que certains prévoyaient rapidement un cours à 200 dollars. Et actuellement aucun expert ne peut prédire l’évolution des cours, étant fonction des facteurs déterminants de la géopolitique. Mais à terme se dessine une autre stratégie, à moyen terme l’accélération de la transition énergétique et à court terme, le paradoxe, de se tourner vers d’autres pays pour leur approvisionnements, les ennemis d’hier, sous la pression de la conjoncture, les émissaires américains envoyés au Venezuela, premier réservoir de pétrole brut au monde, 266 milliards de barils ( certes un pétrole lourd) et l’accélération des négociations avec l’Iran deuxième réservoir mondial de gaz 35.000 milliards de mètres cubes gazeux après la Russie 45.000, qui est disposé selon son ministre de l’énergie à augmenter sa production également de pétrole avec environ 55 milliards de barils de réserve de pétrole, tout en faisant pression sur les pays l’OPEP dont l’Arabie Saoudite 267 milliards de barils de pétrole de réserve, les Emiraties 98 milliard de barils de pétrole de réserve, ce dernier ayant annoncé son intention d’accroître sa production. La première destination du gaz algérien reste le marché européen, essentiellement l’Italie (35%), l’Espagne (31%), la Turquie (8,4%) et la France (7,8%). Sans compter la part du GNL représentant 33% des exportations, pour les canalisations nous avons le Transmed via l’Italie, la plus grande canalisation d’une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux via la Tunisie, avec en 2021 une exportation d’environ de 22 milliards de mètres cubes gazeux, existant une possibilité, au maximum, il ne faut pas être utopique ayant assisté à un désinvestissement dans le secteur, donc sous réserve de l’accroissement de la production interne d’un supplément à court terme , au maximum de ¾ milliards de mètres cubes gazeux, de 10 à 11 à moyen terme . Nous avons le Medgaz directement vers l’Espagne à partir de Beni Saf au départ d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux qui après extension depuis février 2022 la capacité ayant été portée à 10 milliards de mètres cubes gazeux et le GME via le Maroc dont l’Algérie a décidé d’abandonner, le contrat s’étant achevé le 31 octobre 2022, d’une capacité de 13,5 de milliards de mètres cubes gazeux. Mais, il faut être réaliste, Sonatrach est confrontée à plusieurs contraintes : des contrats de gaz fixes à moyen et long terme dont la révision des clauses demande du temps ; le désinvestissement dans le secteur rendant urgent la promulgation des décrets de la nouvelle loi des hydrocarbures pour attirer les investissements étrangers ; la forte consommation intérieure qui risque horizon 2025/2030 de dépasser les exportations actuelles, dossier lié à la politique des subventions sans ciblage, dossier sensible qui demande un système d’information en temps réel et la maîtrise de la sphère informelle qui contrôle selon les propos du président de la République entre 6000/10.000 milliards de dinars, soit entre 33 et 47% du PIB.
3.- Pour renforcer les liens énergétiques entre l’Algérie et l’Europe existent donc six axes directeurs supposant un partenariat gagnant -gagnant ( voir notre interview au quotidien parisien le Monde.f)
Premièrement: développer le partenariat dans les énergies traditionnelles qui resteront encore pour longtemps dominant dans le bouquet énergétique entre 2022/2030 supposant une loi des hydrocarbures attractive pour attirer l’investissement ;
deuxièmement, relancer le projet Galsi gelé d’une capacité entre 8/10 milliards de mètres cubes gazeux Via l’Italie et alimentant comme prévu la Corse ;
troisièmement, la possibilité d’exploiter le pétrole/gaz de schiste (A.Mebtoul- Direction du dossier pétrole et gaz de schistes « risques et opportunités » pour le gouvernement 2015, 8 volumes 980 pages assisté de 20 experts, où un volume a été consacré aux nouvelles mutations énergétiques mondiales horizon 2030 dont les axes du futur mix énergétique). Selon les statistiques internationales, l’Algérie possède le troisième réservoir mondial avec environ 20.000 milliards de mètres cubes gazeux. Mais étant un dossier complexe, cela nécessite comme l’a souligné le président de la République algérien de lourds investissements et un dialogue social et des nouvelles techniques appropriées autres que telles que celles existantes de la fracturation hydraulique, afin de protéger l’environnement et ne pas polluer les nappes phréatiques dans le sud du pays: quatrièmement, nous avons le gazoduc Nigeria Europe via l’Algérie d’une capacité d’environ 33 milliards de mètres cubes gazeux, toujours en négociation mais dont la faisabilité ne peut se faire sans l’accord de l’Europe principal client évalué à environ 20 milliards de dollars en 2020, pour une durée de réalisation minimum de cinq années ; cinquièmement, et c’est la solution la plus durable où avec le réchauffement climatique le monde devant accélérer la transition énergétique en améliorant la sobriété et l’efficacité énergétique les techniques modernes permettant d’économiser 30 à 40% de la consommation et le développement des énergies renouvelables devant combiner le thermique et le photovoltaïque dont le coût de production mondial a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir. Pour l’Algérie , avec plus de 3000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire et à travers des systèmes de connexions peut être un grand exportateur d’énergie vers l’Europe:
sixièmement, selon les experts, horizon 2030/2040, est le développement de l’hydrogène pour le transport et le stockage des énergies intermittentes et pourrait aussi permettre de produire directement de l’énergie tout en protégeant l’environnement, l’hydrogène en brûlant dans l’air n’émettant aucun polluant et ne produisant que de l’eau.
4. Quelles perspectives à moyen terme ? Du côté européen, l’ambassadeur de l’Union européenne à Alger a évoqué récemment des discussions « constructives » , des relations bilatérales prometteuses aussi bien dans le domaine sécuritaire, de l’énergie que dans d’autres secteurs. .Aussi malgré ces divergences conjoncturelles, il s’agit comme je l’ai souligné il y a quelques années lors d’une conférence, à l’invitation du parlement européen à Bruxelles, de dépassionner les relations. Dans ce cadre, un débat important le 09 mars 2022 de 20-22h auquel le professeur A.Mebtoul a été invité en présence de plusieurs ministres, ambassadeurs, PDG de groupes et experts sur les impacts de la crise ukrainienne avec une conférence débat animée par l’ambassadeur d’ Arabie Saoudite à Paris,le docteur Fahad M. Al Ruwaily dont ‘ai eu un long entretien. Lors du débat je suis intervenu pour insister sur le fait que l’Algérie est un acteur stratégique en matière sécuritaire et énergétique au sein de l’OPEP. Du point de vue géostratégique, pour la stabilisation de la région et que la coopération Algérie/Europe, la démarche d’évaluation réclamée par l’Algérie de l’Accord d’association, ne vise nullement à remettre en cause l’Accord, d’association mais, bien au contraire, à l’utiliser pleinement dans le sens d’une interprétation positive de ses dispositions permettant un rééquilibrage des liens de coopération, l’objectif étant de favoriser un partenariat gagnant/gagnant, Tous les accords qu’a signé l’Algérie pour une zone de libre-échange avec l’Europe, le monde arabe, et l’ Afrique ont pour fondement à terme les baisses tarifaires qui sont un manque à gagner à court terme du fait du dégrèvement tarifaire, mais pour bénéficier des effets positifs, sinon les effets pervers l’emporteront, l’on devra faire le ménage au sein de l’économie algérienne afin de dynamiser les sections hors rente. Sur le plan sécuritaire, plusieurs rapports entre 2018/2021 de l’Union européenne saluent les efforts de l’Algérie en matière de sécurité et de défense où les tensions au niveau de la région influent, par ricochet, sur l’Europe. L’effort continu, de modernisation des équipements, ainsi que les nombreux effectifs de sécurité dont l’Algérie dispose, ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes. L’évolution de la crise libyenne, malienne et la situation complexe dans la région du Sahel ont amené l’Armée nationale populaire (ANP) à déployer des forces de sécurité supplémentaires aux frontières, supportant donc un lourd fardeau profitable à l’Europe . (voir nos interviews à l’American Herald Tribune 2016 ;2018,2020, au quotidien financier français, AfricaPresse 2019/2021 et au site américain Maghreb Voices 2020/2021).
En conclusion, dans la pratique des relations internationales n’existent pas de sentiments mais que des intérêts, en ce monde impitoyable, où toute Nation qui n’avance pas recule forcément, n’existant pas de situation statique, les relations entre l’Algérie et ses différentes partenaires doivent trouver une solution garantissant les intérêts réciproques, garantissant le développement et la stabilité des deux rives de la Méditerranée et de l’Afrique, espace naturel de l’Algériedroit international.
Professeur des universités, expert
international Dr Abderrahmane
(Suite et fin)