Sublime imposture

France

Si l’invasion de l’Ukraine par la Russie a des répercussions importantes à toutes les échelles de nos vies, elle ne doit pas occulter la farce démocratique qu’entretiennent les mass-médias pour taire le bilan d’Emmanuel Macron et assurer sa réélection. Mesurer la gravité de la guerre là-bas est une chose, surfer sur les peurs pour se défausser à bon compte en est une autre.
Mis à mal par cinq années de désastre, Emmanuel Macron se claquemure dans une rhétorique de l’image. L’égérie des médias dominants se met en scène face caméra, multiplie les allocutions, les conseils de défense et les appels téléphoniques, à défaut de résultat. La couverture feuilletonesque autour de la crise ukrainienne résume le personnage : chez Macron, l’exercice présidentiel est un numéro de showman.
C’est toujours le même sketch : chez Rothschild, il maniait l’art de la « manipulation d’opinion ». En pandémie, il campait le rôle grotesque de chef de guerre. A présent, les mass-médias gagnés à sa cause jouent de leur partition en entretenant une dramaturgie électoraliste sur fond de propagande antirusse.
Dans ce contexte, il importe d’exiger d’Emmanuel Macron qu’il cesse les mises en scène grotesques. Qu’il cesse d’entretenir un climat anxiogène pour en faire un outil électoraliste d’attraction et masquer l’absence de résultat sur ce dossier. Qu’il prenne son bilan à bras le corps et qu’il nous dise en quoi sa politique menée durant cinq ans a réglé les problèmes des Français. Le chômage, les retraites, l’habitat, la pauvreté, la désolation de nos services publics, et en particulier de nos hôpitaux n’ont rien à voir avec son jeu d’acteur clownesque. Ce sont des questions graves qui exigent des politiques sérieuses.
Le temps des Gilets Jaunes a été porteur d’espoir. Cependant, trois ans après les événements, rien n’a changé : on s’est écrasé sous le rouleau-compresseur d’un macronisme dominateur et sûr de lui. Tout se passe comme si les Français n’avaient jamais soutenu de revendications de justice sociale, fiscale et politique. Comme si l’opposition massive à la réforme des retraites n’avaient jamais existé. L’exil du peuple vers un no man’s land citoyen se poursuit dans notre démocratie défaillante. Il faut dans ce sens revendiquer la pleine reconnaissance de notre légitime souveraineté, le traitement indifférencié qui nous incombe et un retour à l’État de droit.Il importe en outre de ne plus faire semblant de rien devant l’influence considérable qu’exercent les mass-médias dans la célébration d’Emmanuel Macron. C’est simple : quand on a encore le toupet, après un bilan aussi catastrophique, de le présenter comme un Sauveur, on fait très clairement l’aveu aux lecteurs et téléspectateurs de sa fourberie. On peut continuer à regarder ailleurs et continuer à subir la puissance de feu médiatique qui a placé l’actuel président à l’Élysée. On peut ne pas vouloir plaider l’urgence de soutenir les journalistes – et nous-mêmes ce faisant – dans leur combat pour l’information.
On peut continuer de penser qu’aller voter sans être suffisamment informés est normal et laisser le système politique en l’état. On peut continuer à laisser prévaloir l’intérêt particulier de neuf propriétaires de médias sur celui de 67 millions de Français. Ou alors on peut appeler à des mesures fortes pour garantir l’indépendance des journalistes et de l’information. On peut appeler à ce que le statut de « bien public » lui soit accordé. On peut se mobiliser pour extirper les médias de la finance et des influences du pouvoir. On doit ici saluer les propositions du candidat Jean-Luc Mélenchon sur ce thème qui promet des mesures fortes pour garantir l’autonomie des rédactions et démocratiser l’information. Voilà ce qu’il est impérieux d’engager au plus vite si l’on veut sortir de cette ploutocratie crasse dans laquelle Emmanuel Macron et ses chiens de garde prospèrent aujourd’hui.
Il importe de même de dénoncer sans relâche les mensonges grossiers qui ont émaillé le quinquennat : « mensonge d’Etat » de Buzyn et Philippe ; mensonges sur « la pénurie de masques » ; mensonges assumés de Sibeth Ndiayex, mensonges sur les masques « inutiles » ; mensonges sur la scolarisation précoce des petites filles musulmanes ; mensonge du « post sponsorisé » de Schiappa sur Instagramxiii ; mensonges de Castaner sur « l’attaque de la Pitié-Salpêtrière », mensonges du « mytho de l’Intérieur ».

Mensonges sur mensonges…
A cette indignité du gouvernement, à laquelle les Français sont familiers, s’ajoute la duplicité macronienne. L’autocrate redoutable face aux Français n’est qu’un paillasson face aux puissants. Il se couche devant Big Pharma, les fermetures d’usines « les accords de libre-échange ». Il se couche devant l’évasion fiscale de milliers de milliards d’euros qui échappent à nos hôpitaux, à nos écoles, à notre justice. Emmanuel Macron est le valet servile des puissants, des actionnaires et des multinationales. Il sert une caste oligarchique privilégiée et dominatrice pour laquelle il céderait tout et le contraire de tout.
Hier, il fermait Fessenheim, aujourd’hui, il saute comme un cabri en faveur du nucléaire. Hier, il célébrait la diversité culturelle et choquait la droite la plus modérée, en invitant le militant LGBT Kiddy Smile à une fête à l’Élysée. Aujourd’hui, il sert la soupe au journal d’extrême droite Valeurs Actuelles, tandis que son Premier ministre fustige « la main molle » du Rassemblement National. L’ancien « candidat de gauche » s’est converti en président d’extrême droite. Prêt à tous les renoncements pour dominer, passant du « en même temps » à « l’attrape tout ».
Au bout de cette pente du pire, le risque est grand de voir les Français butter eux-mêmes contre ces faux-semblants et penser que les enjeux démocratiques de cette élection ne vaudraient pas la peine qu’ils se mobilisent. Le risque est grand de se sentir à nouveau trompé, manipulé, trahi dans ce piège vertigineux des images que nous tendent les médias : on se résigne à l’idée que « c’est comme ça ». A quoi bon se battre pour la justice, pensent-ils, s’il n’y a rien à espérer de nos dirigeants ?
Ce fatalisme est gravissime, il faut le rejeter et le combattre. Celui que je constate autour de moi me pousse à voir qu’il existe bien des victimes de la politique d’Emmanuel Macron en matière d’emploi, de pouvoir d’achat, et plus largement de justice sociale. L’autoritarisme – et non la saine autorité – du président sortant est une réalité et on trouve dans son bilan tous les arguments possibles pour rappeler combien sa politique repose sur l’illusion du discours, la domination du peuple et le sentiment, chez les citoyens, d’être des moins que rien.
Au demeurant, il faut appeler à un sursaut exactement opposé : parce qu’il y a des tragédies réelles, il faut s’opposer à toute tentation d’instrumentalisation des crises et pousser Emmanuel Macron à se placer devant ses responsabilités face aux Français.

Hocine Kerzazi