Dresser la balance devises

Pour une analyse objective des impacts de l’inflation mondiale sur l’économie algérienne de l’envolée des cours des hydrocarbures

Le cours du pétrole a été coté le 26 mars, 2022 à 119,24 dollars pour le Brent et pour le Wit 112,58 dollars. La crise ukrainienne préfigure d’importantes mutations dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques, où la crise actuelle a des impacts sur le cours du pétrole/gaz, mais également sur la sécurité alimentaire dont la Russie et l‘Ukraine représentent en 2021 30% des exportations mondiales.

Ces indicateurs sont importants pour dresser la balance devises Algérie dans un cadre dynamique, les résultats qui suivent ne tenant pas compte dans le montant des importations, du gel de 402 projets annoncé par le président de la République suspendus pour des raisons administratives, sinon le montant des improtations serait plus important pour 2022. Il ne faut jamais raisonner en statique mais toujours en dynamique. Si l’on avait mis en œuvre les 402 projets bloqués, et en prenant en moyenne une sortie de devises pour des projets moyens concurrentiels au niveau du marché mondial seulement de 50 millions de dollars, les sorties en devise auraient été de plus de 20 milliards de dollars entre 2020/2021. Ce montant serait à soustraire aux réserves de change existantes évaluées à 44 milliards de dollars fin 2021 Mais à moyen terme, ces projets auraient permis de générer une économie en devises( exportation et diminution des importations), un montant largement supérieur. Aussi, il s’agit d’ analyser sérieusement les incidences sur l’économie où les exportations de gaz pour 2021 ont été d’environ 40/43 milliards de mètres cubes gazeux et pour le pétrole, 500.000barils/j selon l’Opep, à ne pas confondre production et exportation tenant compte du pourcentage de réinjection dans les puits.
Les importations en 2021 y compris les services souvent oubliés, selon le FMI entre 6/7 milliards de dollars en 2021 (contre 10/11 entre 2010/2019) ont dépassé les 42 milliards de dollars. Si on prend le même volume qu’en 2021 et on applique une pondération de 40% de l’envolée des prix sur le marché international, la valeur approcherait les 60 milliards de dollars fin 2022, sauf en cas de restriction drastique des importations qui risquerait d’accroître les tensions sociales et de paralyser l’appareil économique, surtout après l’annonce que l’année de 2022, serait l’année de la relance économique. Aussi, en termes de balances devises, il faudra prendre en compte la hausse des prix au niveau mondial, le taux d’intégration des entreprises publiques et privées, ne dépassant pas les 15%, biens d’équipements matière premières et biens alimentaires, dont le montant pour cette rubrique dépasse selon les statistiques douanières 8 milliards de dollars entre 2019/2020 ( dans une déclaration du 12 avril 2021, le Premier ministre ( source APS) a annoncé une facture d’importation des produits alimentaires qui dépasse 10 milliards de dollars pour 2021), et si le marché mondial reste à la tendance actuelle la valeur des importations uniquement pour cette rubrique risque de dépasser les 12/13 milliards de dollars, compte tenu de la sécheresse qui a frappé la céréaliculture, l’Algérie en Afrique étant le deuxième importateur de blé après l’Egypte afin de nourrir une population évaluée au 01 janvier 2022 à plus de 45 millions d’habitants. Et malgré, toutes les restrictions en 2021 qui ont accru le processus inflationniste parallèlement avec la dévaluation du dinar du dinar qui est coté le 25 mars 2022 à 142,5919 dinars un dollar et 157,1791 dinars un euro, contre 77/80 entre 2000/2004), afin de combler artificiellement le déficit budgétaire. Selon nos estimations si le cours se maintient à 100 dollars le gain net pour l’Algérie, hypothèse d’un niveau de production physique identique à celui de 2021, car existe une limite à court terme d’accroissement de la production physique du fait du désinvestissement, étant prévu 30 milliards de dollars pour les cinq prochaines années et 8 milliards de dollars pour 2022, selon le ministère de l’Energie, et pour les projets hautement capitalistiques dont le phosphate la rentabilité pas avant cinq années, et d’une forte consommation intérieure nous aurons une recette (à ne pas confondre avec le profit net, devant soustraire les coûts) d’ environ 15 milliards de dollars et 20 milliards de dollars en cas d’accroissement de la production physique de 5% , tenant compte que l’on peut modifier les prix qu’après une longue négociation, en cas d’un contrat fixe à moyen et long terme, excepté pour la partie écoulée sur le marché libre dite spot Existant un lien entre sécurité et développement, comme le rappelle le dernier numéro de l’ANP, la revue Djeich, espérons que cette manne additionnelle permettra de relancer l’économie et d’éviter les erreurs du passé, plus de 1000 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000/2021 et une croissance dérisoire ( voir notre interview au Monde.fr de février 2022 et le numéro de mars 2022 au magazine Jeune Afrique). Aussi, pour les pays peu diversifiés qui dépendent des hydrocarbures ce qu’ils gagnent d’un côté ils le perdent de l’autre avec la hausse de ces prix. C’est qu’une récession économique menacerait la croissance mondiale et donc l’économie algérienne arrimée à l’économie mondiale via ses exportations d’hydrocarbures et important plus de 80% de ses besoins. Sans une solution rapide à la crise ukrainienne, l’économie mondiale risque de connaître une récession pire que celle de l’impact du coronavirus et la crise de 2008, avec une poussée inflationniste 5% en Europe, plus de 7% aux USA, et du chômage au niveau mondial ce qu’on qualifie de stagflation, avec l’augmentation de la dette publique qui est passée d’environ 70% du PIB en 2007 à 124% du PIB en 2020 et au niveau mondial selon le FMI pour 2020 la dette globale ayant atteint un montant de 226 000 milliards de dollars pour atteindre 256% du PIB

En conclusion, tenant compte de la balance devises, importations biens /services -exportation, devant raisonner en dynamique et non en statique loin des discours d’autosatisfaction déconnectés de la réalité, le solde net pour l’Algérie est relativement modeste pour une économie dépendante à plus de 98% de Sonatrach avec les dérivées, rendant urgent une économie diversifiée pour ne pas renouveler les erreurs du passé, existant un lien dialectique entre sécurité et développement, (voir le dernier numéro ANP Djeich ). Les conseillers de la Présidence de la république et les membres du Gouvernement doivent éclater rubrique par rubrique, chaque rubrique contenant des milliers de produits afin de calculer l’impact de l’augmentation récente des prix au niveau international, produits finis, matières premières et biens d’équipements afin de dresser la balance devises. Afin de relancer la machine économique, le besoin en financement en devises, sans compter la partie dinars, selon nos calculs, si la tendance mondiale de l’inflation se poursuit entre 2022/2023, entre 70/80 milliards de dollars par an durant cette période afin d’ atténuer les tensions sociales. Nécessitant un flux important d’investissement étranger. Il faut être réaliste, en attendant les investissements prévus, l’Algérie pourra éventuellement sous réserve d’une économie de l’énergie et de la mise en place d’une véritable transition énergétique, (les énergies renouvelables représentant moins de 1% dans la consommation intérieure ) accroître sa production de gaz entre 3/5 milliards de mètres cubes gazeux maximum. à court terme, travers le Transmed via l’Italie, fonctionnant en sous capacité mais beaucoup plus à moyen terme notamment en redynamisant le projet Galsi ( voir notre analyse à l’agence européenne de Bruxelles 09/03/2022) Sous réserve d’une vision stratégique, l’Algérie qui a d’importantes potentialités a des marges de manœuvres et dont l’avenir dépendra des réformes qu’elle mènera ou pas. Les réserves de change dépassent les 40 milliards de dollars, mais la dette représente 50.7% du PIB en 2020 et selon les projections, du FMI à 59.2% du PIB en 2021 et 65.4% en 2022.
Le stock de la dette extérieure est relativement faible, à fin 2020 environ 5,178 milliards de dollars contre 5,492 milliards de dollars en 2019, selon le rapport «International Debt Statistics 2022» et le ratio du stock de la dette extérieure rapporté au revenu national brut est estimé à 4% en 2020, à 3% en 2019. Mais l’Algérie a peu attirer l’investissement étranger du fait d’entraves bureaucratiques avec une baisse de 21,3% estimée à 1,073 milliard de dollars en 2020, contre 1,364 milliard de dollars en 2019. Ainsi, s’impose un sursaut national pour mettre fin au terrorisme bureaucratique qui freine les énergies créatrices donc une mobilisation générale grâce à une nouvelle gouvernance, loin de la mentalité rentière, qui ne peut sue conduire le pays à l’impasse, voire à sa déstabilisation
Professeur des universités, expert
international Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)