Un édifice qui résiste à l’épreuve du temps

TR Constantine

Incarnant le style architectural de l’opéra à l’italienne, unique en son genre en Algérie et dans le Nord de l’Afrique, le Théâtre régional de Constantine (TRC) «Mohamed Tahar Fergani» résiste à l’épreuve du temps, près de 140 ans après son inauguration.Depuis sa façade antique, avec balustres en balcons et sculptures allégoriques, à la salle de spectacles avec son centenaire rideau arlequin, à son lustre imposant en bronze et en cristal, l’édifice est une véritable «pièce de musée».
Sa préservation constitue la mission principale des responsables de ce haut lieu de la culture, précise à l’APS l’enseignant et chercheur dans l’histoire du Théâtre de Constantine, Mohamed Ghernaout, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale du théâtre (27 mars).
Selon M. Ghernaout «une attention particulière» est accordée au lustre impressionnant par son envergure et son rayonnement, suspendu depuis 1883 au plafond de la salle de spectacles. «Ce lustre, d’une hauteur de 2,80 mètres sous plafond, fonctionnait au gaz jusqu’au début du 20e siècle, puis avec l’avènement de l’électricité des fils électriques ont été placés dans les conduites à gaz», a relevé M. Ghernaout, également journaliste et chargé de communication au TRC pendant des années.
Et de souligner: «En 1999, dans le cadre de la vaste opération de rénovation du théâtre, le lustre a été démonté pièce par pièce, une première, ensuite nettoyé et remonté lors d’une opération chapeautée par l’architecte Yahia Boulekroun et l’ancien directeur du TRC, le défunt Salim Merabia».

De jeunes compétences au chevet des œuvres d’art
L’actuel directeur du TRC, Ahmed Mireche relève de son côté que «ce qui apparaît au public du grand lustre, à savoir l’ossature en bronze doré, le cristal, les couronnes et les ampoules électriques ne sont qu’une partie de l’œuvre», révélant que le lustre conservé à l’identique comprend tout un équipement régulièrement contrôlé et entretenu, notamment le système de contrepoids relié à un treuil qui en assure la stabilité et permet de faire descendre ou remonter cette merveille. Et d’ajouter: «de jeunes compétences algériennes assurent l’entretien courant et spécifique du chef d’œuvre».
M. Ghernaout souligne également que le théâtre a su conserver le rideau Arlequin en velours rouge de neuf (9) mètres de longueur et de 7,5 mètres de largeur, drapé et bordé d’une frange dorée et décoré de délicats motifs, installé dans les années 1920.
«Le rideau a été restauré une première fois en 1999 par des artistes de l’Ecole des beaux-arts et également en 2018», a-t-il confié.
«La restauration n’avait ciblé que le tissu, renforcé grâce à des techniques de préservation utilisées en pareil cas, dans une première conduite par les artistes Farid Merabet et Mouloud Kara, et une autre opération menée en 2018 par l’équipe technique du TRC supervisée par le directeur Ahmed Mireche», a-t-il détaillé.
Il a, dans ce sens, précisé que les motifs peints sur le rideau ou les franges dorées demeurent à l’identique en dépit du poids du temps, de même pour la machinerie scénique du théâtre, restée telle qu’elle depuis 1883. C’est également le cas, dit-il, du tableau de bord des effets visuels et sonores de l’époque avec ces tuyaux régulant l’intensité des lumières au cours du spectacle demeure intact.
«Les techniciens du TRC se sont déployés à nettoyer cet appareillage pièce par pièce et il est exposé au hall du théâtre», souligne M. Mireche qui rappelle que ce théâtre a été classé monument national, inscrit sur la liste des biens culturels le 17 mars 2010.

Le TRC classé au patrimoine mondial, un objectif
Pour les artistes de la ville de Constantine, les cadres du secteur de la Culture, les chercheurs et universitaires en rapport avec l’art et la culture, la classification du Théâtre régional «Mohamed Tahar Fergani» en tant que patrimoine mondial est «un objectif commun et partagé». «De par ses caractéristiques d’authenticité et d’intégrité s’agissant des aspects architecturaux, artistiques et culturels, le Théâtre de Constantine a toutes ses chances pour être classé en tant que patrimoine mondial», affirme M. Ghernaout.
De son côté, M. Mireche révèle que l’administration du Théâtre finalise les procédures d’une demande de classification de ce haut lieu de la culture, devant être envoyée au ministère de tutelle. «Outre le luxe de la décoration, le TRC a cette particularité d’avoir su préserver son style d’opéra à l’italienne concernant l’organisation du volume intérieur, la taille de la salle des spectacles, les galeries, les loges, le poulailler, la scène et ses caractéristiques techniques», détaille-t-il.
M. Mireche souligne également que la classification du Théâtre de Constantine en tant que patrimoine mondial lui permet «une visibilité à l’international et une préservation qui appuie les efforts déployés depuis des décennies à maintenir intact le bâti».
R.C.