L’Opep+ affiche une unité «sacrée»

Une nouvelle guerre monétaire et pétrolière se profile à l’horizon

Le monde de l’énergie va mal. Pis encore, les décisions prises ces derniers jours par les parties belligérantes dans le conflit ukrainien risquent de bouleverser l’ordre des luttes internationales, notamment, environnementales. Le schiste américain pourrait bientôt inonder les marchés européens, en quête d’alternatives au gaz russe, suite au refus des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs alliés hors-Opep de relever leur niveau de production afin de calmer l’inflation que connaît ce secteur depuis des semaines.
La décision de l’Opep+ de reconduire leur stratégie de production, adoptée au mois de juillet passé, approuvant une augmentation supplémentaire modeste de 432.000 barils par jour a provoqué la panique des décideurs occidentaux et de l’Organisation Internationale de l’Energie (AIE). Cette dernière est accusée par les pays membres du cartel élargi, Opep+, de manquer d’objectivité et de fiabilité dans ses analyses sur le marché des hydrocarbures, décidant, à l’issue de ce constat, mercredi dernier, de renoncer à l’utilisation des données de l’AIE et de «les remplacer par les études de deux sociétés privées, Wood Mackenzie et Rystad Energy».
Un coup dur pour l’AIE, mais aussi pour ses clients européens qui devraient désormais aussi faire face à la guerre monétaire déclarée par le Président russe, Vladimir Poutine qui a décidé de facturer les exportations de gaz russe en rouble. Ceux qui refusent de payer en rouble seront privés du gaz russe. C’est le cas de la France et de l’Allemagne qui ont qualifié cette démarche d’«inacceptable», affirmant poursuivre le payement des importations de gaz russe en euro via la banque «Gazprom Bank», épargnée par les sanctions occidentales.
Cependant, en temps de guerre, il est difficile de se conformer aux contrats, les règles et les lois, elles changent en fonction des circonstances, et des intérêts conjoncturels de chaque pays. De nouvelles règles sont imposées par les gouvernements pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine sur leur nation et économie.
L’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis, l’Algérie et tous les autres membres du groupe informel Opep+ refusent de ce fait de mettre en péril leur stratégie de production mise en 2016 pour redresser le marché pétrolier à l’époque et aujourd’hui avertissent contre un nouveau choc pétrolier si les Occidentaux imposent un embargo sur le pétrole russe.
L’Alliance qui défend, depuis le début de la guerre en Ukraine, sa culture apolitique et assure poursuivre la mise en œuvre de son plan de production, excluant toute éventualité d’expulser un partenaire du groupe Opep+, malgré les pressions accrue des Etats-Unis et de l’Europe. Les pays producteurs de pétrole ont ignoré une nouvelle fois les appels de détresse des pays occidentaux, privilégiant leurs intérêts communs.
D’où la décision de cesser d’utiliser l’AIE comme ressource de données pour évaluer le marché de brut de pétrole et pour ses décisions.
Elle a programmé, hier, au lendemain de la 27ème réunion Opep+, une réunion d’urgence (extraordinaire) sur la demande des Etats-Unis, «afin de discuter du marché pétrolier, avec la possibilité de nouvelles mesures pour tenter de calmer des cours affolés par l’invasion de l’Ukraine», selon le site d’information spécialisé, Leprixdubaril.com.
L’Occident cherche à stabiliser les prix du pétrole fluctuants et qui risquent d’augmenter davantage avec la hausse de la demande comparée à la faible offre sur le marché.
Le pétrole certes est hésitant en raison de la guerre en Ukraine et la décision des Etats-Unis de puiser plus de 180 millions de barils de pétrole durant six mois, soit un million bj, mais il garde sa trajectoire haussière.
Les experts craignent que cette décision n’accélère l’effet boomerang sur les prix du gaz et du pétrole.
Selon de nombreux analystes, «l’Union européenne (UE) contrainte de se tourner vers les Américains pour acheter du gaz et du pétrole se tire une balle dans le pied».
«Si l’on se fie à l’histoire, les réserves stratégiques de pétrole ont un effet de détente à court terme sur les prix, qui est ensuite suivi d’un rebond à des niveaux plus élevés, car les barils supplémentaires sont une solution rapide qui ne résout pas le déficit d’approvisionnement à long terme», a expliqué Ipek Ozkardeskaya, analyste pour la banque Swissquote, repris par le site Leprixdubaril.com.
D’autres s’interrogent sur l’utilité de cette démarche et son impact réel sur le marché pétrolier, sachant que le pétrole russe trouvera aisément d’acheteur à un prix moindre, (l’Inde, la Chine).
«Pour autant, est-ce vraiment la peine de lâcher un million de barils par jour pour n’obtenir qu’une baisse de 5 dollars (le baril) ?», s’est interrogé l’analyste.
C’est la question que se posent aussi les investisseurs de plus en plus inquiets, mais aussi prudents quant à la prise de risque. Les transporteurs, les restaurateurs, les secteurs industriels et agricoles sont au bord de l’explosion. L’effet boomerang des sanctions occidentales contre la Russie s’accélère en Europe.
Les pays en voie de développement s’engagent dans un travail de longue haleine.
C’est l’occasion pour reconstruire une économie inclusive et résiliente. L’Algérie membre de l’Opep+ trace sa nouvelle trajectoire. Sollicitée par les pays européens pour augmenter ses livraisons de gaz, l’Algérie préfère rester vigilante et en dehors du conflit ukrainien.
A partir du mois de mai, l’Algérie augmentera sa production journalière de pétrole de «11.000 barils et ainsi passera de 1,002 million de barils/jour en avril à 1,013», selon le ministère de l’Energie et des Mines.
Samira Takharboucht