Une tradition ancestrale conjuguant piété et solidarité

Chaâbania

Conjuguant piété et solidarité, la chaâbania, célébrée chaque année le 27ème jour du mois de chaâbane de l’hégire par la confrérie Aissaoua de Constantine, est une tradition bien ancrée dans la société.Loin des prestations folkloriques et de l’événementiel, la chaâbania est une soirée religieuse à dimension sociale, qui regroupe les adhérents de la confrérie Aissaoua et des familles autour des invocations et des madih, et permet de collecter des dons pour aider les familles démunies pour passer le mois de Ramadhan dans des conditions convenables.
«La chaâbania reflète les valeurs humaines, l’entraide et la solidarité notamment, que les Aissaoua veillent à perpétuer», a précisé à cette occasion Ali Bouymout de «Beyt El Aissaoua» à l’APS, relevant que cette tradition constitue «une action caritative au profit des nécessiteux».
Il a ajouté que «l’authentique soirée de chaâbania se prépare comme tout événement, à commencer par le lieu où se déroule la soirée, jadis chez une famille volontaire pour accueillir les Aissaoua et leurs convives, et actuellement souvent dans une grande salle ou un grand espace».
Bouymout assure qu’à Beyt El Aissaoua, la tradition d’aider les nécessiteux lors de la chaâbania est toujours d’actualité, soulignant que les familles qui prennent part à cette soirée continuent d’apporter bénévolement leurs aides.
«Des denrées alimentaires achetées ou préparées par les femmes, comme chekhchoukha ou trida et autres pâtes ou gâteaux secs, sont collectées dans la soirée de chaâbania, des dons de plusieurs familles qui prennent part à l’événement et d’autres bienfaiteurs qui offrent de l’argent», détaille-t-il, ajoutant que «ces dons sont distribués par la suite aux familles défavorisées».
Il relève également qu’aucune condition n’est imposée aux familles qui assistent à la chaâbania.
«L’accès à la cérémonie est gratuit et le tout se fait dans un cadre de bénévolat, les présents peuvent faire des dons, comme ils peuvent venir juste pour assister à la cérémonie et tout le monde est le bienvenu», atteste M. Bouymout.
Il souligne également que les familles bénéficiaires font souvent partie des voisins des bienfaiteurs ou encore ceux qui fréquentent Beyt El Aissaoua, affirmant que l’opération se déroule souvent dans la discrétion, car commente-t-il, «l’objectif est de contribuer à permettre à de nombreuses familles de passer le mois de Ramadhan dans la dignité».

Un moment de spiritualité
et de convivialité
Dans son volet spirituel, la chaâbania est souvent une occasion pour regrouper les différentes associations de la confrérie des Aissaoua.
La chaâbania animée cette année par Beyt El Aissaoua a vu la participation des Aissaoua des villes de Souk Ahras, Guelma, Annaba, Ain Beida (Oum El-Bouaghi), Dar Bahri, et la troupe de Hadoua Riad Bellam.
La cérémonie a débuté par une hadoua de la troupe de Riad Bellam, réservée aux femmes, dans une ambiance rythmée, avant que le Ouessfane de Dar Bahri n’enchaine devant une assistance de curieux et de nostalgiques, des belles «gaâdas» avec des chants rythmés de Diwan, de louages à Dieu et son prophète Mohamed (QSSSL). Des instruments de percussion comme El Goumbri, Kerktou, et Derbouka retentissent alors, accompagnés des youyous fusant de partout.
Les membres de Beyt El Aissaoua marquent par la suite leur entrée avec « une dakhla » annonçant l’ouverture solennelle de la soirée, où des versets du Saint Coran sont récités, des prières sur le prophète et des invocations de certains Saints et «adhkar» sont également répétés, accompagnés par les membres des troupes convives, venues des autres wilayas.
Des poèmes soufis «Ana ya latif laka lotf», «Rabi bi cheikhi» constituent l’essence de cette cérémonie, durant laquelle les invités s’adonnent à des danses au rythme accéléré des percussions.
«La confrérie des Aissaoua œuvrent à travers plusieurs wilayas à perpétuer cette tradition ancestrale sociale et spirituelle», s’accordent à dire les présents.
R.C.