«Il faut se préparer à ce type d’épisode»

Pr Ali Daoudi sur la hausse des prix des aliments :

Les conditions géopolitiques ont fortement perturbé le fonctionnement du marché mondial, et d’une manière assez inédite ces quinze dernières années, a indiqué hier l’agro-économiste Ali Daoudi, concernant la question de la sécurité alimentaire mondiale.
Selon lui, «les prix ont atteint des niveaux très élevés, qu’ils n’avaient pas atteint depuis 2008, ce qui fait craindre des situations de pénurie.»
Lors de son intervention sur la Chaîne III de la radio nationale, M. Daoudi a abordé la guerre entre l’Ukraine et la Russie étant deux grands producteurs et exportateurs de graine de céréales et d’oléagineux. Ce conflit, a-t-il ajouté, induit une hausse des prix d’une manière considérable et il risque de créer des situations de pénurie qui pénalisera les grand pays importateurs notamment dans la région de l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
Pour le cas de l’Algérie, l’intervenant a évité une situation de pénurie «du moment que l’Algérie n’est pas un grand importateur de chez ces pays», par contre, elle sera impactée indirectement à travers les prix qui connaisse une tendance haussière, a-t-il prévenu. A ce sujet, Il a indiqué que l’augmentation des prix de pétrole «nous a mis à l’abri de toute menace en terme d’approvisionnement en céréale». «A partir de 2015, les prix se sont stabilisés autour de 150 dollars la tonne de blé, alors qu’aujourd’hui, ils sont à 380 voire 400 dollars la tonne. Cette hausse des prix a débuté en 2021, mais elle s’est accentuée et a connu une forte accélération à partir de février et mars de cette année», a expliqué le Pr Daoudi au passage.
Toujours sur la question de la perturbation de l’offre sur le marché mondial suite au déclenchement de la guerre entre deux grands producteurs, l’agro-économiste s’inquiète également d’une annonce récente de la Chine concernant des conditions climatiques défavorables et d’une forte probabilité d’une faible récolte. Ce qui annonce, selon lui, «le retour de la Chine sur le marché mondial en termes d’achats».
Si ces prévisions se confirment, «on risque d’avoir une demande supérieure de la Chine sur le marché mondial, même si, par ailleurs, les Etats-Unis ont rassuré, de leur côté, sur les tendances de la production pour l’année en cours», a relevé le Pr Daoudi.
Il a souligné à ce propos que «tous les indicateurs nous renseignent que nous sommes en train de rentrer dans une nouvelle phase qui sera marquée par une forte volatilité sur les quantités et une forte pression en terme de demande. Il y aura de plus en plus de crise et d’épisode de ce type».
Pour cela, il appelle à se préparer à ce type de scénarios et recommande «la création d’une Agence de sécurité alimentaire : un organe qui serait indépendant, qui ne subirait pas la pression des décisions à court terme et pourra accompagner les gouvernements successifs dans la mise en œuvre d’une stratégie agricole à long terme».
Par ailleurs, le professeur à l’Institut national d’agronomie (INA) déplore que «les plans d’actions ne s’inscrivent pas dans une vision claire avec des moyens suffisants». Il appelle à «augmenter le budget consacré au développement de l’agriculture et à l’utiliser plus efficacement, à travers une stratégie claire et des instruments évalués régulièrement pour l’élaboration desquels les agriculteurs doivent être impliqués.» Pour ce spécialiste, impliquer les acteurs du monde agricole dans l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie de développement du secteur permettra, en outre, de les intégrer dans la sphère formelle de l’économie et d’améliorer le rendement agricole. Manel Z.