Jeu, magouille et crise dans la distribution au citoyen

Spéculation dans l’huile de table et pénurie de lait en sachet

«Je rêve d’un jour où je pourrai acheter sans difficulté deux sachets de lait chez n’importe quel commerçant dans la ville», lança un père de famille désespéré qui ne trouve pas ce produit nécessaire, Décidément le lait en sachet très prisé par la population devient introuvable comme l’huile de table chez les vendeurs. La Nouvelle République a effectué cette semaine une tournée dans les divers secteurs du chef-lieu de wilaya pour mieux cerner ce problème qui empoisonne la vie des citoyens quotidiennement à la recherche de ce produit vital.

Les enfants le consomment au petit déjeuner et en fin d’après-midi dès leur retour de leurs écoles mais que dira un père ou une mère de famille aux petits lorsqu’ils n’ont pas trouvé le lait. De nombreux épiciers de Guelma et de Annaba ont décidé de ne plus vendre le lait en sachet à leurs clients qui se rabattent sur le lait pasteurisé fixé à 110 dinars. Un quinquagénaire à bout de nerfs nous a déclaré : «Je suis un ouvrier qui perçoit un salaire mensuel de 28.000 dinars ; je suis père de quatre enfants ! Il m’est impossible d’acheter les boîtes de lait à 110 dinars le litre ! Est-il logique de vivre ce calvaire en 2022 ?» Certains commerçants avides de gains faciles et malhonnêtes dissimulent les sachets de lait pour les revendre à 30 dinars l’unité à leurs amis après.
La crise du lait en sachet continue malheureusement de rendre les citoyens de l’Est mécontents et furieux à chaque début de la matinée devant les petites camionnettes qui distribuent cet insuffisant produit de large consommation dans la wilaya d’Annaba. Malgré que la direction du commerce, la direction des services agricoles et l’office national inter-professionnelle du lait et des produits laitiers ont ouvert une enquête pour découvrir les anomalies dans la distribution pour cette région en identifiant les partis responsables de cette crise qui dure depuis juillet 2019.
Avant 2019, la laiterie Edough recevait de l’ONIL 800 tonnes de lait en poudre, pour une production de 90.000 litres de lait pasteurisé par jour.
Après juillet 2019, la quantité de poudre reçue est descendue à 680 tonnes, pour une production de 80.000 litres par jour. En 2020, la quantité de poudre est descendue à 587 tonnes pour une production qui avoisine les 72.000 litres par jour alors que la quantité distribuée a été moins que cela. La commission d’enquête a découvert 8.552 litres manquants. L’enquête est toujours en cours visant une complicité entre producteurs et distributeurs. Le pauvre citoyen paye toujours les pots cassés où vers dix heures il n‘y plus de lait en sachet en vente chez les commerçants qui, eux, cachent tout le temps une certaine quantité à l’arrière-boutique.
Au niveau des laiteries, les distributeurs reçoivent une quantité imposée de lait en sachet, lait de vaches, les commerçants de leur côté imposent aux citoyens d’acheter du lait de vache avec le lait pasteurisé. Et ceci concerne les villes d’Annaba, El Bouni, Sidi Amar et El Hadjar. La faute aux citoyens qui ne veulent pas dénoncer ces actions ni déposer plainte pour ces infractions. A l’Est du pays, à l’exemple de la wilaya de Souk Ahras qui possède une seule unité de production traitant ainsi 40.000 litres par jour, quelque 34 millions de litres collectés ont été transférés vers les unités de Guelma, Annaba, Skikda et El Taref. Le cheptel bovin de cette wilaya compte 87.600 têtes dont 12.100 vaches hybrides et 29.000 de races locales pour 5.000 éleveurs dont 2.100 intégrés au programme de collecte du lait, révèlent les services agricoles de la wilaya.
Certes, les importations de lait de transformations avaient reculé durant l’année 2013 à 989,357 millions de dollars en chutant de 12, 4 % et la production de lait cru n’a pas pu répondre aux besoins de la population estimés à 5 milliards de litres par an, selon le Centre national de l’information et des statistiques des douanes algériennes (CNIS), l’Algérie dispose de seulement 250.000 vaches laitières qui sont loin de satisfaire la demande, estime-t-on,

Bousculades, querelles et insultes
pour un sachet de lait
De longue file, des bousculades, des querelles, des insultes et autres genres d’incivisme au sein de la population qui ne désire qu’obtenir deux sachets de lait ou acheter un bidon d’huile de table dans ce mois sacré où tous les commerçants affichent des prix intouchables.
Incroyable ! De nos jours une banane coûte 180 da pour 580 da le kilo et une orange se vend à 120 da. Les gens sont lassés de cette cruelle vie où devant chaque commerce on est apostrophé par un mendiant homme ou femme. Une vraisemblable misère vécue dans un pays aussi riche que l’Algérie. Du jamais vu auparavant dans les précédents mois de Ramadhan, le citoyen bien tourmenté et désespéré pour avoir un bidon d’huile de table de 5 litres ou obtenir un sachet de lait. Une situation unique en son genre où des résidents d’autres wilayas notamment Guelma, Tébessa, Skikda et Souk Ahras viennent à Annaba tôt pour faire une file de chaîne et acheter 2 bidons d’huile de table à 1.200 da dans le stock de la cité Pont Blanc à Annaba. Les habitants de la ville sont étonnés de voir cette inhabituelle situation dans leur région. La crise de lait et d’huile n’est certainement pas résolue encore dans les villes de l’Est.
La filière du lait connaît peu à peu une certaine évolution en matière de production grâce surtout aux performances réalisés dans une politique du renouveau rural et à l’importation prochaine de vaches laitières pour notamment consolider le potentiel de la filière,
Des compétences, des contraintes et des opportunités dans la filière du lait ont été remarquées et mis au devant du 1er Salon régional du lait organisé dernièrement dans la wilaya de Souk Ahras, région de l’Est du pays. De nombreux opérateurs du secteur sont venus du Centre et de l’Ouest algérien pour débattre leurs connaissances ainsi que les opportunités d’offre la filière du lait en Algérie.
Comment arriver à l’autosuffisance nationale et surtout réduire la grosse facture d’importation du lait en poudre ? Tel était le sujet principal de cette importante rencontre.
Or, Les quantités importées de ce produit (lait en poudre, crèmes de lait et matières grasses laitières utilisées comme intrants) ont reculé durant les cinq premiers mois de 2016 pour s’établir à 161.225 tonnes contre 172.930 tonnes, soit une baisse de 6,77% entre les deux périodes de comparaison, indique le Centre national de l’informatique et des statistiques des douanes (Cnis).
La facture d’importation de lait et des matières premières a reculé à 399,71 millions de dollars pendant cette période, contre 519,04 millions à la même période de 2015, soit une baisse de 23%. En effet, les prix à l’importation des poudres de lait ont reculé durant le 1er trimestre 2016 en passant à 2.469 dollars/tonne contre 3.040 dollars/tonne durant la même période en 2015. Le Gouvernement veut réduire les importations de ce produit subventionné et de promouvoir la filière lait en faveur des éleveurs et des opérateurs de ce secteur en augmentant la subvention du lait cru et en encourageant l’investissement, souligne-t-on.
Le représentant du groupe Gapel d’appui aux producteurs et éleveurs laitiers relevant de l’ONIL, Office interprofessionnel du lait, a fait savoir que la wilaya de Souk Ahras qui disposait d’une production de lait par jour de 9,92 litres en 2012 vient de réaliser 14,12 litres en 2016. Or, le directeur général de l’ONIL avait annoncé à la radio nationale un accord signé avec l’association française Bretagne International qui porte sur le développement du secteur en question soit un projet de 5,7 millions d’euros afin d’arriver à des prévisions estimées à 700 millions de lait cru en 2012, Soulignons que 560 millions litres de lait cru ont été collectées en 2011 pour, précise-t-on, une production évaluée à 42% soit 1,4 milliard de litres sachant que l’Algérien consomme en moyenne 120 litres par an contre 85 litres pour les Tunisiens et seulement 65 pour les Marocains.
Sur le plan de l’importation de la poudre du lait, l’Etat avait dégagé une enveloppe de 40 milliards de DA tout en mettant fin aux perturbations de distributions qui avaient touchées plusieurs localités et régions du pays auparavant avec un plan de stockage de poudre de lait importée qui reste d’ores et déjà suffisante pour couvrir la demande du marché intérieur jusqu’à presque la fin de l’année 2022, a-t-on appris. Durant les 4 derniers mois 2012, la production nationale avait atteint 1,43 milliards de litres dans laquelle les pays producteurs à savoir Sétif, Tizi Ouzou, Bordj Bou Arréridj, Sidi Bel-Abbès, Tlemcen, Souk Ahras et Batna avaient produit près de 54% de la production globale.
Oki Faouzi