La relance économique en Algérie, conditionnée par une nouvelle gouvernance se fondant sur une participation citoyenne

Face aux tensions géostratégiques

Le but de toute politique crédible, loin des slogans populistes, est d’améliorer la situation sociale des citoyens passant par la relance économique. La nécessité de réformes systémiques s’impose nécessitant une nouvelle politique et la moralisation de la société par le combat contre le terrorisme bureaucratique qui engendre la sphère informelle, la corruption, le divorce entre l’État et les citoyens et freine le développement. (Le poids de la sphère informelle produit de la bureaucratie, Institut français des Relations Internationales (IFRI), décembre 2013 réactualisé dans la revue stratégie IMDEP, ministère de la Défense nationale, octobre 2019).

L’Algérie ne peut revenir à elle-même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétences, de loyauté et d’innovation sont instaurés comme passerelles de la réussite et de la promotion sociale. Les réformes à venir doivent tenir compte d’une révision de l’actuelle politique socio-économique et au niveau international notamment de la demande de révision par l’Algérie de certaines clauses de l’accord d’Association avec l’Europe, notre principal partenaire, dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant – ainsi qu’avec d’autres zones de libre-échange, notamment avec l’Afrique dont les échanges sont dérisoires à moins de 2 milliards de dollars, ne devant pas faire miroiter des utopies, supposant des entreprises compétitives (coût/qualité). Tout projet de société est porté forcément par des forces politiques, sociales et économiques, les réformes étant fonction des rapports de force au niveau de la société et non au sein de laboratoires de bureaucrates déconnectés de la société. C’est pourquoi, il faut insister sur l’effort d’une information de vérité, accessible à toute la population, pour montrer l’opérationnalité des réformes au profit des générations présentes et futures. Le défi 2022-2030 pour l’Algérie est la refondation de l’État. Les responsables algériens s’adapteront-ils à ce nouveau monde dynamique en perpétuel mouvement, où tant l’épidémie du coronavirus que la crise ukrainienne préfigurent d’importantes mutations dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques, avec des impacts sur le cours du pétrole/gaz, mais également sur la sécurité alimentaire dont la Russie et l‘Ukraine représentent en 2021 30% des exportations mondiales.
L’Algérie, arrimée l’économie mondiale via ses exportations d’hydrocarbures et important plus de 80% de ses besoins, quelles incidences à la fois des prix à l’exportation et des prix à l’importations est fortement interpellée pour la relance de l’économie nationale. Sans une solution rapide à la crise ukrainienne, l’économie mondiale risque de connaître une récession pire que celle de l’impact du coronavirus et la crise de 2008, avec une poussée inflationniste mondiale et du chômage au niveau mondial, ce qu’on qualifie de stagflation, avec l’augmentation de la dette publique qui est passée d’environ 70% du PIB en 2007 à 124% du PIB en 2020 et au niveau mondial, selon le FMI pour 2020, la dette globale ayant atteint un montant de 226 000 milliards de dollars pour atteindre 256% du PIB, les emprunts des gouvernements ayant représenté un peu plus de la moitié de cette hausse se hissant aussi à un record de 99 % du PIB mondial (Ouvrage collectif sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul : réformes et démocratie. 2 volumes Casbah Édition Alger – 2005 (520 pages) – Interview du Pr Abderrahmane Mebtoul à Afrik Économie, Paris, décembre 2018 : «Réformes en Algérie, pour un large front social anti-crise»).
Il n’existe pas de modèle statique, devant toujours raisonner en dynamique, une Nation qui n’avance pas recule forcément, le temps ne se rattrapant jamais en économie devant éviter de vivre sur des schémas dépassés des années 1970-2000 qui ne peuvent que conduire le pays à l’impasse. L’action gouvernementale doit définir clairement les objectifs stratégiques : comment se pose le problème ; quelles sont les contraintes externes (engagements internationaux de l’Algérie) ; quels sont les contraintes socio-économiques, financières et techniques internes ; quels sont les choix techniquement possibles et les ensembles de choix cohérents, et quelles sont les conséquences probables de ces choix ; quelles méthodes de travail choisir qui permettent de déterminer les paramètres (moyen et long terme) et les variables (court terme) dont dépend un système complexe… Après avoir décomposé la difficulté en éléments simples, il convient de se poser des questions et apporter des réponses opérationnelles, loin des théories abstraites, réalisations physiques et plan de financement sur chacun des éléments : Quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ? Comment faire ? L’on devra distinguer dans la hiérarchisation les projets capitalistiques dont le seuil de rentabilité, si le projet est lancé en 2022, ne sera réalisable que dans 7/8 ans ’à horizon, des projets moyennement capitalistiques, avec un seuil de rentabilité au bout de 4/5 années et des projets faiblement capitalistiques (PMI/PME) au bout de 2/3 années. L’on devra devant tenir compte des nouvelles mutations mondiales qui seront dominées par ce que Jacques Attali nomme les «industries de la vie» : la santé, l’alimentation, l’écologie, l’hygiène, l’éducation, la recherche, l’innovation, la sécurité, le commerce, l’information, la culture ; et bien d’autres, ces segments étant capables d’augmenter leur productivité, et donc d’améliorer sans cesse leur capacité de satisfaire la demande sociale nouvelle, fonction de nouveaux comportements. C’est donc en mettant tous les efforts sur les travailleurs et les industries de la vie qu’on sauvera les nations, les civilisations, et l’économie (American Herald Tribune : «Pr Abderrahmane Mebtoul : Any Destabilization of Algeria would have Geo-strategic Repercussions on all the Mediterranean and African Space», 28 décembre 2016. – Dr Abderrahmane Mebtoul : «Algeria Still Faces Significant Challenges», 11 août 2018).
La structure de l’action en faveur des réformes est globalement formée de cinq segments qui fondent le processus opérationnel de mise en œuvre : l’administration qui constitue la cheville ouvrière par son importance stratégique ; la société civile/syndicats ; les citoyens dans leur diversité ; les partis politiques et les opérateurs publics et privés. C’est une entreprise d’envergure consistant principalement à réorganiser l’action loin des théories abstraites autour de sept axes directeurs :
Premièrement, le champ des partis politiques qui ont de moins en moins d’audience auprès de la société ainsi que la réforme des institutions centrales et locales impliquant la débureaucratisation, la numérisation étant une des solutions, et une réelle décentralisation autour de six à sept grands pôles économiques régionaux à ne pas confondre avec le régionalisme néfaste, favorisant la participation citoyenne ;
Deuxièmement, le système d’information avec la numérisation qui en ce XXIe siècle n’est plus le quatrième pouvoir mais le cœur du pouvoir même ;
Troisièmement, réorganiser le mouvement syndical et associatif ainsi que la promotion de la femme, signe de la vitalité de toute société ;
Quatrièmement, réformer la justice par l’application et l’adaptation du Droit, tant par rapport aux mutations internes que du droit international ;
Cinquièmement, adapter le système éducatif, centre d’élaboration et de diffusion de la culture et de l’idéologie de la résistance au changement et à la modernisation du pays où la déperdition du primaire au secondaire et la baisse du niveau devient alarmant ;
Sixièmement, réformer le foncier agricole et industriel, du secteur de l’énergie avec le primat à l’efficacité énergétique et un nouveau modèle de consommation, dont un nouveau management stratégique de Sonatrach, lieu de production de la rente, pour plus transparence dans sa gestion ;
Septièmement, réformer le système financier, préalable essentiel à la relance de l’investissement public, privé national et étranger, les banques publiques et privées étant au cœur d’importants enjeux de pouvoir entre les partisans de l’ouverture et ceux de préservation des intérêts de la rente (Pr Abderrahmane Mebtoul : «The Widespread Financial Scandals Affecting most Sectors of National Activity Threaten the Foundations of the Algerian Stat» -19 octobre 2019 ; – AfricaPresse. Paris : Pr Abderrahmane Mebtoul : comment conjurer la crise en Algérie» 23 juillet 2019).

En conclusion, pour réussir les réformes, l’Algérie a besoin de nouvelles intermédiations politiques, sociales, culturelles et économiques, loin des aléas de la rente. Afin d’éviter un affrontement direct entre forces de sécurité et citoyens en cas de malaise social, un regard critique et juste doit être posé sur la situation du pays, ni sinistrose, ni autosatisfaction, l’Algérie pays à importantes potentialités internes et pivot de la stabilité régionale, (notre intervention au sénat français 9/3/2022) sur ce qui a déjà été accompli de 1963 à 2021, et de ce qu’il s’agit d’accomplir entre 2022-2030 au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance, la sécurité nationale et le développement économique et social du pays.
A. M.