Le Gouvernement face à un choix difficile !

Entre continuité ou discontinuité de la politique rentière

En hausse quasi constante depuis la fin de l’année 2021, les prix d’un baril de Brent du Nord, notamment, du Sahara Blend
(référence du baril de pétrole algérien) s’est mesuré à plus de 106 dollars cette dernière semaine, selon le dernier rapport de l’Organisation des pays exportateurs du pétrole (Opep), confirmant ainsi la tendance haussière à long terme des cours de l’or noir dans un marché très volatile. Une tendance qui affole les pays consommateurs et rassure, par ailleurs, les pays producteurs, à l’instar de l’Algérie asphyxiée par la crise financière depuis deux ans, profitant d’un peu de répit.
Cette hausse a permis d’ailleurs, à la compagnie nationale des hydrocarbures, Sonatrach, d’enregistrer de meilleurs résultats annuels en 2021 et d’impulser ses investissements au niveau local et régional sur le long terme. Ses recettes ont augmenté de 70% (près de 35 milliards de dollars), tandis que sa production a rebondi de 5%, augmentant ainsi les rendements fiscaux de l’Algérie qui lutte depuis quelques années contre la double crise économique et financière, aggravée par la pandémie (Covid-19). Cette dernière a poussé le Gouvernement à revoir l’ordre de ses priorités et amorcer de véritables réformes financières et économiques pour accélérer la diversification de son économie (rentière) en faveur d’une économie productive.
Facile à dire qu’à faire en raison d’un contexte national et international difficile pour faire progresser le service public et les entreprises nationales en crise. Le choix est très difficile pour un Gouvernement sous pression financière, économique et sociale depuis plus de deux ans.
La crise sanitaire a bouleversé les équilibres économiques que les autorités tentent de corriger avec la mise en place d’un nouveau cadrage macro-économique et budgétaire pour une meilleure gouvernance des finances publiques et pour accélérer la relance de l’économie nationale. Un défi difficile à relever dans la conjoncture nationale et internationale actuelle qui influence les décisions politiques de l’Etat qui veut à tout prix préserver son caractère social.
Dans son énoncé économique de décembre 2021, le ministre des Finances, Aïmene Benabderrahmane tablait sur un baril de pétrole à 45 dollars dans l’élaboration de son budget pour 2022, mais avec la volatilité du marché pétrolier, la guerre en Ukraine et la forte hausse du coût de la vie, les chances d’un équilibre financier et économique s’éloigne.
Malgré une augmentation significative attendue des revenus en raison des prix du pétrole et du gaz, le déficit structurel quant à lui risque de se creuser davantage. L’Etat fait déjà face à une pression inflationniste inédite qui pourrait conduire la Banque d’Algérie à revoir rapidement son taux directeur. Une probabilité.
Tout n’est pas négatif. En dépit de l’instabilité des indicateurs macro-économiques dans le pays (taux de croissance du PIB, taux d’inflation, taux du chômage, taux de change et les cours des matières premières), la hausse des prix du pétrole redonnent du souffle aux pouvoirs publics. L’opulence financière semble de retour dans le pays et pourrait soulager les pouvoirs publics en quête de sources de financement depuis des mois. La flambée des cours de l’or noir entre 2008 et 2014, les réserves de changes de l’Algérie étaient de 200 milliards de dollars, aujourd’hui évalué seulement à 44 milliards de dollars.
La flambée des prix du pétrole et du gaz ainsi que la hausse de la production pétrolière estimée à plus d’un million de barils par jour, l’Algérie à de quoi renflouer son économie, cette reprise devrait être exploitée pour relancer véritablement le chantier des réformes économiques et la modernisation du système et réseaux financiers. En effet, les autorités devraient faire bon usage de la hausse des revenus du pays et les réorienter vers la redynamisation du secteur industriel, agricole et technologique.
Le Gouvernement ne cesse de réaffirmer son engagement de s’affranchir du modèle de gestion révolu des anciens dirigeants pour reconstruire une économie solide et inclusive. La crise énergétique actuelle est une aubaine à saisir pour diversifier son économie, mais aussi une épreuve pour les autorités qui devraient éviter à tout prix de retomber dans les erreurs du passé. Se focaliser sur les recettes des hydrocarbures, au détriment des autres secteurs productifs. Les expériences du passé étaient assez amères et périlleuses pour l’économie nationale qui garde des séquelles irréversibles. Saisir ce répit pour éviter de replonger à toute vitesse dans le passé et pouvoir tourner la page de la dépendance aux énergies fossiles afin d’écrire un nouveau chapitre de relance économique. Maintenir les mêmes projections pour le secteur industriel et agricole en pleine réformation.
Soutenir les entreprises productrices (publiques et privées) ainsi que les start-ups pour atteindre l’objectif de «porter la contribution du secteur industriel entre 10 et 15 % du produit intérieur brut». Pour reconstruire une économie délabrée, sur de nouvelles bases, plus transparente et équitable, les autorités doivent œuvrer à l’application rigoureuse des lois et des réglementations en vigueur. Les temps sont durs, et l’incertitude effraie quant à l’évolution de guerre en Ukraine et la menace des pays du monde d’une crise énergétique et alimentaire imminente pourrait certes influencer les politiques, les investisseurs et les consommateurs, mais sans la prise de risque le pays ne pourrait s’en sortir.
Samira Takharboucht