Les sept actions opérationnelles pour renforcer les capacités d’approvisionnement du marché national et international de l’énergie de l’Algérie

Horizon 2022/2030

Avec l’impact du réchauffement climatique, de la crise du coronavirus et récemment avec la crise ukrainienne, plus jamais le monde ne sera comme avant préfigurant d’importantes mutations dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques, où la crise ukrainienne a des impacts sur le cours du pétrole/gaz, mais également sur la sécurité alimentaire dont la Russie et ‘Ukraine représentent en 2021 30% des exportations mondiales.

L’Europe fortement dépendante du gaz russe, surtout l’Allemagne, se proposant dans l’accord de Versailles, de réduire de plus de la moitié leurs importations, de la Russie entre 2022/2023, difficile à court terme, mais à moyen terme hypothèse plausible, encore que cela pose problème pour le gaz transporté par canalisation, Dans ce contexte de crise énergétique bon nombre de pays sont courtisés dont l’Algérie. Dans la pratique des affaires n’existant pas de sentiments, l’objet de cette présente contribution est d’analyser comment l’Algérie peut accroitre ses parts de marché en Europe, ,étant actuellement à environ 11%, pouvant facilement doubler ce taux entre 2025/2030, mais devant différencier le court, le moyen et le long terme et nécessitant de lourds investissements.

1.-D’ici 2022-2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/Europe/Chine, Inde devraient dépasser les 4000 milliards de dollars où les grosses compagnies devraient réorienter leurs investissements. L’élection américaine sera déterminante pour l’avenir car les démocrates ont une autre vision de la politique énergétique, avec le retour des USA aux accords de Paris COP21 sur le réchauffement climatique. Bien que le nouveau président dit ne pas vouloir interdire le développement du pétrole/gaz de schiste dont les USA sont le premier producteur mondial, s’engageant avec les nouvelles techniques à améliorer les effets de la fracturation hydraulique, le programme de Joe Biden prévoit 2000 milliards de dollars sur les 20/30 prochaines années, soit 10% du PIB 2019, pour le développement des énergies renouvelables, les industries écologiques et l’efficacité énergétique. L’Europe va dans la même trajectoire.
La Commission européenne a fixé, avec le règlement d’exécution 2020/1294 du 15 septembre 2020, les règles du nouveau mécanisme de financement des énergies renouvelables Chaque État membre doit contribuer à l’objectif européen de 32% d’énergies renouvelables en 2030. Une trajectoire indicative est fixée pour chacun d’entre eux, pour la période 2021-2030, avec des points de référence à atteindre entre 2025 et 2027, devant mobiliser au moins 1 000 milliards d’euros d’investissements durables dans les 10 années à venir avec des incitations pour attirer les financements privés, grâce, notamment au rôle essentiel que jouera la Banque européenne d’investissement. La Chine, pour tenter de réduire la pollution atmosphérique due à cet usage incontrôlé du charbon, investit massivement dans les énergies renouvelables: pays leader, elle prévoit d’investir d’ici 2030 375/400/ milliards de dollars. Quant à l’Inde, elle s’est engagée à fortement développer les énergies renouvelables, en disposant en particulier de 100 GW de capacités solaires et de 60 GW éoliens d’ici à fin 2022 (contre 16,6 GW solaires et 32,7 GW éoliens à fin novembre 2017, devant mobiliser pour cette période près de 190 milliards de dollars selon les estimations de la Climate Policy Initiative (CPI). Pour l’Algérie, le président de la République lors du Conseil des ministres en date du 21 novembre 2021 a décidé d’accélérer la transition énergétique dont le développement des énergies renouvelables, afin de couvrir la forte consommation intérieure, en précisant chaque décision majeure, qui engage d’ailleurs la Sécurité nationale, devra être préalablement analysée par le Conseil national de l’énergie. D’où l’urgence de revoir le modèle de consommation énergétique afin de s’adapter aux nouvelles mutations 2022/2025/2030 afin d’asseoir dans les faits et non dans les discours déconnectés de la réalité, les énergies du renouvelable représentent moins de 1% de la consommation intérieure. Afin pouvoir honorer ses engagements internationaux et accroitre ses capacités d’exportation notamment en direction de l’Europe son marché naturel l’Algérie ,confronté à la baisse de ses exportations ( l’effet hausse de prix cachant en réalité la baisse en volume) ayant été de plus de 1,2 millions de barils/j entre 2004/2005, et plus de 65 milliards de mètres cubes gazeux alors qu’en 2021, les exportations se situent à 500.000 barils/j pour le pétrole et le volume total d’exportation e gaz n’a pas dépassé les 43 milliards de mètres cubes gazeux , la consommation intérieure en forte croissance représentant entre 40/45% du volume de la production totale, les réserves actuelles étant d’environ 10/12 milliards de barils de pétrole et de 2500 milliards de mètres cubes gazeux, s’impose un renouveau de la politique énergétique articulée autour de sept axes directeurs , car pour le court terme on pourrait éventuellement à travers le Transmed via l’Italie,33 milliards de mètres cubes gazeux, fonctionnant en sous capacités, augmenter les capacités au maximum entre 3/4 milliards de mètres cubes gazeux puisque pour le Medgaz via l’Espagne la capacité a été portée de 8 milliards de mètres cubes gazeux à 10,5 depuis février 2022.

2.- Les sept actions s’insèrent dans le cadre d’une vision stratégique du Mix énergétique. Le premier axe, est d’améliorer l’efficacité énergétique car comment peut-on programmer 2 millions de logements selon les anciennes normes de construction exigeant de forte consommation d’énergie alors que les techniques modernes économisent 40 à 50% de la consommation.
Par ailleurs s’impose une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international) occasionnant un gaspillage des ressources, renvoyant à une nouvelle politique des subventions ciblées. Car pour les unités à fortes consommation de gaz qui exportent, le problème est le prix de cession du gaz à très bas qui constitue une subvention devant donc de dresser la balance devises, si le gouvernement avait aligné le prix sur le prix international .
Le second axe est l’investissement à l’amont pour de nouvelles découvertes d’hydrocarbures traditionnels, tant en Algérie que dans d’autres contrées du monde Sonatrach ayant une expérience internationale. Mais attention, l’on peut découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. Sans compter la destruction de l’environnement, sous le siège de la présidence de la république, et sous toutes les villes et villages, il y a du pétrole et du gaz mais à un coût faramineux. Dans ce cadre, attention aux effets d’annonces avant de déterminer la réelle rentabilité. Par exemple Sonatrach a annoncé la découverte annoncée entre Sonatrach et l’INE dans la région prolifique du Bassin de Berkine à près de 300 km au sud-est de Hassi Messaoud où le test de production, pour un puits a donné lieu à – 46.4 m3/heure (7000 barils/jour) d’huile et 140 000 m3/jour de gaz associé »selon Sonatrach, la structure HDLE renfermant environ 140 millions de barils de pétrole brut en place. Suite à cette annonce, nous avons assisté à l’implosion de joie de bon nombre de commentateurs et de soi-disant experts, toujours cette mentalité rentière qui a fait tellement mal au pays. Or, ayant consulté les meilleurs experts en la matière, les données de Sonatrach concernent que des valeurs de test d’un seul puits  » DST  » certes intéressantes ayant donné de bonnes valeurs de test, mais étant prématurées de se prononcer sur la rentabilité.
Les valeurs données par Sonatrach étant en 2P (prouvé et probable) mais un seul forage est loin de permettre de connaître les réserves prouvées devant perforer d’autres puits pour avoir une appréciation définitive. Donc des travaux supplémentaires sont nécessaires pour affiner les résultats et les transformer de 2P à 1P(prouvé) ,de continuer par des travaux de délinéation en forant d’autres puits minimum entre 03/05 , pour délimiter la surface de la structure et son volume.. Sur le plan de la démarche opérationnelle, ce n’est qu’après une étude approfondie que sera lancée la modélisation de la structure et l’élaboration du plan de développement , dont le nombre de puits à forer, le niveau de production journalier , le plateau de production , la réinjection nécessaire d’eau ou de gaz, les installations à construire ou les installations existantes les plus proches si elles ont de la surcapacité et ce afin d’entamer les réalisations pour commencer la production d’une manière optimale. Dans la précipitation, et pour des impératifs de besoin de production, un raccordement direct des puits peut-être effectuer sur les installations les plus proches ,sans les études nécessaires et sans un plan de développement, mais, ça sera, une exploitation sacrificielle de la structure de façon non optimale, certes des gains à court terme mais au risque d’épuiser les puits rapidement et donc le potentiel futur. Sous réserves des conditions techniques énumérées précédemment cela implique de répondre à cette question, afin de ne pas induire en erreur les hautes autorités : quel a été l’investissement global, le coût d’exploitation et quelle recette globale attendue sur les trois prochaines années après la mise en exploitation de ces nouveaux puits , selon plusieurs scénarios, par exemple hypothèse 80 dollars le baril de pétrole , pour le gaz l’ hypothèse 20 dollars le MBTU et les recettes nettes restant à Sonatrach puisque l’ENI, selon la règle des 49/51% a une part de 49%.
Le troisième axe est le développement des énergies renouvelables devant combiner le thermique et le photovoltaïque dont le coût de production mondial a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir. Or, avec plus de 3 000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire, ou presque. Le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique. La production à grande échelle permettrait de réduire substantiellement les coûts tout en favorisant à l’aval une multitude de PMI-PME, renforçant le tissu industriel à partir des énergies propres (industries écologiques).
La promotion des énergies renouvelables suppose des moyens financiers importants en investissement et en recherche-développement.
Le programme algérien consiste à installer une puissance d’origine renouvelable de près de 22 000 MW dont 12 000 MW seront dédiés à couvrir la demande nationale de l’électricité et 10 000 MW à l’exportation. D’ici 2030, l’objectif de l’Algérie serait de produire, 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables. Le montant de l’investissement public consacré par l’Algérie à la réalisation de son programme de développement des énergies renouvelables, à l’échéance 2030, selon le Ministère de l’énergie, entre 60/70 milliards de dollars. Le problème l’Algérie aura-t-elle les capacités d’absorption, la maîtrise technologique pour éviter les surcoûts, la maîtrise du marché mondial.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul
(A suivre)