Le citoyen pris par la frénésie du Ramadhan

Spéculation, pénurie, gaspillage et cherté

Depuis le premier jour du mois sacré, l’atmosphère des prix des produits alimentaires dans les marchés est devenue électrique, en face, le phénomène du gaspillage du pain s’est amplifié, la lutte contre la spéculation s’est accentuée, sans oublier le retour en force des queux interminables, notamment dans les points de vente des produits laitier, au moment où les pénuries de lait en sachet et de l’huile de table sont signalées.

Les Algériens ont été durement secoués par la frénésie des premiers jours du Ramadhan, notamment pour cette première semaine qui a déjà vidé à moitié les poches de l’ensemble des petites et moyennes bourses. A commencer par la folie des prix des produits alimentaires de base qui poursuivent leurs montés au niveau du marché national.
Le prix d’un kilogramme de la pomme de terre poursuit sa marche vers le vertige, il est cédé à 130 DA/kg sur le marché national.
En face, le prix d’un kilogramme de la viande blanche a battu les ailes, il est désormais à 440 DA/kg, tandis que le prix d’un kilogramme de la viande rouge est presque inaccessible pour certaines ménages, il a atteint les 1.480 DA/kg dans de nombreuses boucheries de la capitale contre seulement 1.000 DA/kg dans les points de vente relevant de l’Office national interprofessionnel des légumes et des viandes (ONILEV).
Par ailleurs, le phénomène du gaspillage du pain s’est amplifié à Alger à l’instar des grandes villes du pays, où dans chaque tournant et dans chaque ruelle des baguettes de pain emballées à l’intérieur des sachets en plastiques sont jetées dans les ordures.
Un comportement désolant dans une période de crise alimentaire alimentée par l’instabilité du marché de commerce mondial. Comme chaque Ramadhan qui passe chaque année, les Algériens jettent des millions de baguettes du pain sans aucun remord.

Des queux interminables à l’ONILEV
Comme chaque Ramadhan, l’Office national interprofessionnel des légumes et des viandes (ONILEV) recourt à l’ouverture des centaines de points de vente au grand bonheur des familles algériennes. L’objectif pour l’ONILEV est de couvrir les besoins alimentaires des ménages, de participer et de soutenir à la stabilité des prix des produits alimentaires mais, également, une occasion pour celle-ci d’augmenter sa capacité commerciale et d’élargir ses activités.
Pour ce Ramadhan 2022, l’ONILEV a déjà ouvert plus de 300 points de vente agréés et répartis sur 32 wilayas, en vue d’approvisionner le marché national en différents produits agricoles de large consommation à « des prix raisonnables » durant ce mois sacré. Cependant, des queux interminables ont été signalées depuis le premier jour de l’ouverture de ces points de vente dans de nombreuses wilayas.
Aussi, les nombreux acheteurs venus s’approvisionner en légumes, fruits, viandes ou encore en lait et autres produits laitiers chez les magasins de l’ONILEV en raison de leurs prix très compétitifs, ont été invités par une note de l’ONILEV de ne pas dépasser un certain seuil de quantité pour chaque produit alimentaire.
Par exemple, chaque acheteur ne peut s’en procurer que de quatre litres d’huile de table pour sa famille, il en est aussi pour le lait en sachet où encore pour d’autres produits de base.

L’explosion de la spéculation
A la veille du mois de Ramadhan, les services de sécurité ont lancé de nombreuses opérations contre les milieux de la spéculation, l’objectif est d’anticiper les pénuries et la hausse des prix des produits alimentaires sur les marchés pendant le mois sacré, surtout durant la première semaine.
Le 31 mars dernier, soit à la veille de la « nuit du doute », les éléments de Sûreté de la circonscription administrative de Bir Mourad Raïs (Alger) en coordination avec l’Inspection régionale du commerce ont ciblé un entrepôt situé dans la commune de Gué de Constantine (Alger), où une quantité de produits alimentaires de large consommation a été saisie, et ce, dans le cadre de la lutte contre le phénomène de monopole des marchandises et de spéculation des prix.
Selon le lieutenant Laychaoui Mahdi de la Cellule de l’information et de la communication de la Sûreté de wilaya d’Alger (SWA), 733 sacs de semoule d’une capacité de 25 kg, et 297 autres de farine (25 et 5 kg) ont été saisis lors de cette opération, tout en indiquant que la valeur financière de la quantité saisie dépasse 1,4 million DA, laquelle était vendue à un prix illégal et sans factures.
A Oran et au troisième jour du mois sacré, un commerçant a été présenté devant la justice pour une affaire de spéculation dont il est impliqué, ce dernier a stocké quelques jours avant le début du Ramadhan plus de 246 quintaux de farine et 244 quintaux de semoule dans un entrepôt à Benfréha, défiant tout le monde y compris la nouvelle loi sur la spéculation.
Répondant aux initiales de S. Y, ce dernier a été sévèrement secoué par le Procureur de la République près le tribunal d’Oued Tlelat sur la loi 15-21 de décembre 2021 relative à la spéculation qui peut infliger jusqu’à 20 ans d’emprisonnement et de 10 millions de DA. Le commerçant risque une lourde peine de prison pour avoir nuit au pouvoir d’achat du citoyen, créant une situation de pénurie sur le marché en monopolisant les produits de base et les produits alimentaires nécessaires.

La traque aux spéculateurs
Pas plus loin qu’hier, et dans la commune de Sidi Moussa, un conducteur d’une camionnette frigorifique a été intercepté par une patrouille mobile relevant de la Section de sécurité routière (SSR) de la Gendarmerie nationale d’Alger, il transportait 360 kilogrammes de poulets destinés au marché de la consommation sans posséder le certificat sanitaire pour les produits d’origines animales.
La marchandise estimée à près de 15 millions de centimes a été saisie. Cette pratique illégale a malheureusement gagné du terrain à l’occasion de l’arrivée du Ramadhan et malgré les multiples mises en garde des autorités publiques lancées à l’encontre des spéculateurs.
Le 2 avril dernier, soit au premier jour du mois sacré, pas moins d’une dizaine de descentes ont été menées par les services de sécurité en coordination avec les brigades de contrôle et de la répression de la fraude contre les milieux de la spéculation. Ces opérations ont permis de saisir de grosses quantités de marchandises destinées à la consommation.
C’est le cas dans la wilaya d’Adrar, où pas moins de 3.532 unités d’huile de table (volume de 2 et 5 litres) destinées à la spéculation ont été saisies par les services de sécurité de cette wilaya.
Lors de cette opération, le conducteur de la camionnette bourrée d’huile de table a été arrêté puis présenté devant le Procureur de la République près le tribunal d’Adrar, avant d’être placé sous mandat de dépôt. Le 3 avril passé, cette fois c’est dans la wilaya de Béchar qu’une autre affaire de spéculation a été élucidée par les éléments de la Police. Ici, un commerçant a été interpellé pour spéculation et une quantité de 84 quintaux d’aliments de bétails subventionnés a été saisie au cours d’une opération menée conjointement par les services de la police judiciaire de la sûreté de wilaya de Béchar, et les services du contrôle et de la répression des fraudes relevant de la Direction du Commerce et de la promotion des exportations. L’opération a été réalisée suite à l’exploitation d’informations faisant état d’une personne suspecte qui stockait illégalement des aliments de bétails dans un entrepôt à Béchar. Présenté devant la justice en procédure de citation directe, l’accusé a écopé d’une peine de prison ferme d’un an pour spéculation, et d’une amende de 400.000 DA.
Sofiane Abi