Les relations apaisées, entre la France et l’Algérie doivent avoir pour fondement une vision commune de leur devenir

Élection présidentielle en France

Depuis des années, l’épanouissement de la relation « stratégique approfondie » entre l’Algérie et la France est systématiquement entravée, pour des raisons obscures. Ayant reçu à sa demande une importante personnalité française à Oran, il y a huit mois en tant qu’expert international indépendant, les autorités algériennes ayant été averties, nous avons eu un long entretien sur des sujets sensibles outre la situation économique de l’Algérie et les perspectives déterminant, thème que j’ai abordé d’ailleurs à l’invitation de la fondation allemande Friedrich Ebert et de l’Union européenne en vidéoconférence le 31 mars 2021, où j’ai demandé des éclaircissements sur des sujets sensibles. Ont été abordés, sans tabou : le devoir de mémoire, indispensable pour consolider des relations durables entre l’Algérie et la France (voir notre contribution à Afrik Economy du 24 mars 2021 : « Reconnaître le fait colonial afin de dépassionner les relations entre l’Algérie et la France ») chaque pays ayant un agenda propre – l’élection présidentielle en France se fera dans une année, et le renouvellement de l’APN en juin 2021 pour l’Algérie ; la décontamination nécessaire à la suite des essais nucléaires français, où la responsabilité française est entière, comme cela a été souligné récemment par le chef d’État-major de l’ANP, et une position conforme aux résolutions des Nations unies concernant le Sahara occidental.

En dépit des relations politiques mouvementés depuis de longues décennies, l’Europe demeure le premier partenaire de l’Algérie, restant un partenaire clef pour l’Algérie comme en témoigne la structure du commerce extérieur de l’Algérie pour 2020 et attendant un bilan complet des échanges pour 2021, avec 48.5% des importations et 56.8% des exportations pour 2020.

1.-Des relations économiques sans esprit de domination entre l’Europe et l’Algérie
Par rapport à 2019, les importations en provenance de l’UE ont enregistré une baisse de l’ordre de 17.7% passant de 18.6 Mrd à 14.8 Mrd USD. De même, les exportations de l’Algérie vers ces pays ont baissé de 34.1%, soit à 13.4 Mrd USD. A l’intérieur de l’UE, on peut relever que le principal client de l’Algérie est à nouveau (comme en 2018) l’Italie avec 14.5% des ventes à l’étranger, suivi de la France, première de cette catégorie en 2019 et désormais en seconde position avec 13.7%, suivie par l’Espagne avec 9.8%.
En termes d’importations, la France occupe toujours le premier rang au sein de l’UE avec 10.6%, suivie par l’Italie et l’Espagne avec des taux de 7.1% et de 6.2% du total. Les échanges dans le cadre de l’accord avec les pays de la l’Accord de la Grande zone arabe de libre-échange (GZALE), ont enregistré une baisse de 9.6% en 2020 par rapport à l’année 2019, passant de 1.3 Mrd USD à 1.2 Mrd USD en rappelant que l’Algérie a ratifié fin 2019 l’accord ZLECAf, entré en vigueur en janvier 2021, prévoyant la suppression des droits de douane pour 90 % des lignes tarifaires sur 5 ans pour les pays les plus développés et sur 10 ans pour les pays les moins développés.
Dans le cadre de la Grande zone arabe de libre échange (GZALE), l’Algérie traite essentiellement avec 3 pays, à savoir la Tunisie, l’Egypte et le Maroc, qui représentent 80% des échanges commerciaux entre l’Algérie et les pays arabes et africains, qui ne dépassent pas les 3 milliards USD (1,5 Mds USD d’exportations et 1,5 Mds USD d’importations).
Les pays de l’Asie viennent en 2e position par zone géographique avec une part de 32.73% des importations de l’Algérie et de 28.7% des exportations vers ces pays avec une nette diminution passant de 9.2 Mrd à 6.8 Mrd USD. Parallèlement, les importations de l’Algérie en provenance de ces pays ont enregistré une diminution importante de 23.5%, passant de 14.7 Mrd USD à 11.3 Mrd USD. L’essentiel des échanges commerciaux avec cette région étant réalisé avec la Chine, où existe un important déséquilibre commercial en défaveur de l’Algérie entre 2010/2021, qui reste le premier fournisseur de l’Algérie, malgré une nette baisse des importations en 2020 (24.5%, soit de 7.6 Mrd USD à 5.8 Mrd USD), la Chine représentant 51.4% des importations et 17.1% des exportations, et l’Inde 6.5% des importations et 9.6% des exportations. Les échanges avec les pays d’Amérique (majoritairement USA, Brésil et Argentine) ont enregistré une baisse de 27.8% par rapport à 2019 (de 9.5 Mrd USD à 6.9 Mrd USD), les exportations étant passées de 3.9 à 1.5 Mrd USD (baisse de 60.4%), tandis que les importations ont baissé légèrement, de 5.6 Mrd USD à 5.3 Mrd USD (chute de 5.1%).
La valeur des échanges avec l’Afrique a enregistré une baisse de 13% par rapport à 2019, soit une diminution de 456.3 Mio USD et les importations ont connu une baisse de de 16.2% (de 1.3 Mio à 1.1 Mio USD) et les exportations chutent également de 11.1% (de 2.2 Mio à 1.9 Mio USD), le volume très faible des exportations vers l’Afrique. L’UMA entre 2,4 et 2,9% est la zone au niveau de la région MENA qui connait le moins d’intégration avec entre 2,4 et 2,9%( voir sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul et du docteur Camille Sari le Maghreb face aux enjeux géostratégiques Editions Harmattan Paris 2 volumes 1050 pages 2015/2016 ayant regroupé 36 experts des deux rives de la Méditerranée).
L’enquête réalisée par la banque mondiale montre qu’en 2020 existent d’importantes disparités d’intégration entre les zones : Mercours entre 14,7 et 16,4%, Cedeao entre 8,7 et 11,5%, Comesa entre 5,7 et 5,9% et la Cea entre 3,7 et 5,9%. Certes pour l’Afrique, avec plus d’un milliard de consommateurs et un PIB combiné d’environ 3 000 milliards de dollars américains, la nouvelle zone de libre-échange continentale crée le deuxième plus vaste marché mondial derrière le Partenariat régional en Asie et dans le Pacifique, mais reste un long parcours, le commerce intra-africain en 2020 représentant environ 15,2% selon la CNUECD

2.-L’Algérie reconnue comme acteur
stratégique au niveau régional
Mais les relations ne se limitent pas aux aspects économiques., l’Algérie, étant considérée comme un acteur-clé pour la stabilité de la région méditerranéenne et africaine. Dans plusieurs rapports entre 2018/2021, les autorités tant américaines que européennes ont tenu à souligner qu’avec les tensions au niveau de la région qui influent par ricochet, sur l’Europe, les autorités algériennes contribuent à la stabilisation de son voisinage immédiat, notamment au Sahel, et que l’Algérie demeure un acteur-clé au niveau régional.
L’effort continu, de modernisation des équipements, ainsi que les nombreux effectifs de sécurité dont l’Algérie dispose, ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes, notamment avec les crises libyenne et malienne. Dans le domaine économique, tous les pays, tout en respectant les accords internationaux, protègent une partie de leur production nationale grâce à l’État stratège et régulateur en économie de marché, pouvant détenir des minorités de blocage dans des segments stratégiques, à ne pas confondre avec le retour à l’État gestionnaire de l’ex-économie soviétique, comme le montrent les décisions récentes de bon nombre de pays développés et émergents, avec l’impact de l’épidémie du coronavirus.
Dans ce cadre, l’Algérie entend lever les obstacles à la règle des 49/51 % qui bloque l’attrait de l’investissement étranger ainsi que la lutte contre la bureaucratie et la corruption qui freinent l’attrait de l’investissement, tant local qu’étranger. Sur le plan énergétique, au travers du GNL et des canalisations Medgaz et Transmed, l’Algérie est un acteur stratégique pour l’approvisionnement en énergie tant de la France que de l’Europe représentant environ 11% d e leur approvisionnement et la part devrait s’accroire à l’avenir. (voir nos interviews aux télévisons -Algérie Alg24 du 10/04/2022, à France 24 11/04/2022 et à l’American Herald Tribune du 28 décembre 2016, et différentes contributions sur le site AfricaPresse Paris 10/08/2020 ). L’essentiel pour l’Algérie est de favoriser une accumulation de savoir-faire managérial et technologique, grâce à un partenariat gagnant-gagnant, l’État pouvant détenir des minorités de blocage pour des segments stratégiques, l’objectif étant une valeur ajoutée interne positive. Et ce afin de mettre fin à la faiblesse du tissu productif en Algérie, l’économie algérienne étant une économie foncièrement rentière : 98 % d’exportations sont issues d’hydrocarbures brut et semi-bruts, et plus de 80 % des besoins des entreprises et des ménages sont couverts par les importations. Mais ne soyons pas utopistes. Dans la pratique de affaires, il n’y a pas de fraternité, de sentiments et l’Algérie doit privilégier uniquement ses intérêts, comme c’est le cas de la France, car les opérateurs – qu’ils soient arabes, algériens chinois, français ou américains – étant mus par la logique du gain, ils iront là où les contraintes sociopolitiques et socio- économiques sont mineures, leur objectif étant de réaliser le profit maximum. Aussi, il faut être conscient que les nouvelles relations internationales ne se fondent plus essentiellement sur des relations personnalisées entre chefs d’État ou ministres, mais sur des réseaux décentralisés, par l’implication des entreprises et de la société civile qui peuvent favoriser la coopération.

3.- L’Algérie futur pays pivot de l’espace
euro-méditerranéen et africain
Sous réserve d’une meilleure gouvernance, de la valorisation du savoir – richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures – et de la levée des contraintes d’environnement, ainsi qu’avec une plus grande visibilité et cohérence de sa politique socio- économique, et en évitant l’instabilité juridique et monétaire, l’Algérie, a les potentialités pour passer d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures et devenir un pays pivot au sein de l’espace euro-méditerranéen et africain (cf. notre interview à American Herald Tribune, 2018).
A.M
(A suivre)