Soudani Abdelkader, grandeur et misère d’un des plus prestigieux basketteurs

Contribution

La fierté de Béni-Saf, c’était aussi le temps des difficultés, de la maladie, de l’âge et de la déception mais aussi du manque de reconnaissance et de l’ingratitude.
Quand on parle de la ville de Béni-Saf, on pense à la mine de fer, au premier port de pêche du pays, pendant plusieurs décennies, à sa succulente sardine, à son hospitalité connue et reconnue, mais on pense aussi à son ancienne équipe de basket-ball, sport-roi dans cette commune, et par là, à son illustre meneur de jeu, l’immense et talentueux Soudani Abdelkader, qui évoluait à la célèbre JPBS.
Soudani Abdelkader avait deux vies, qu’il partageait facilement entre personnel, familial d’une part et sportif. S’ajoutait à cela, son amour de Béni-Saf, qu’il chérissait grandement, et qu’il n’a jamais voulu quitter, à une époque, malgré plusieurs offres alléchantes, venant d’autres prestigieux clubs.
Né le 24 décembre 1935 à Béni-Saf, il s’est éteint le 15 avril 2007, il y a quinze ans, après une longue maladie, suite à un AVC, contracté lors de son pèlerinage à la Mecque où il effectuait une Omra. Il ne s’en était jamais guéri. Il était âgé de 72 ans, laissant 7 enfants (5 garçons et 2 filles).
Grand de taille, bel homme, svelte et agile, il faisait la gloire de la ville de la JPBS mais aussi de milliers de supporters et de visiteurs. Partout où il passait, il enflammait les stades, où les cœurs vibraient, où résonnaient les cris de joie, à gorge déployée de centaine de soutiens et d’adeptes du basket-ball, à tel point que même, après le coup de sifflet final des matches, les gradins restaient pleins de monde. Personne ne voulait partir, gardant cette flamme, cette joie, cette émotion extraordinaire que seuls les fervents adeptes du sport peuvent ressentir. Avec Soudani, il n’y avait rien de plus beau, de plus superbe. Il n’y avait pas de mots pour dire la beauté de ses gestes, de sa précision dans les tirs au panier, de son élégance dans le lancer et dans le dribble. Avec lui, le basket ne se jouait plus au sol, mais dans les airs, de panier à panier.
Un viseur d’élite. Un perfectionniste. Il saisissait toutes les occasions pour marquer des points. Un artiste aux mains et aux jambes magiques. Un orfèvre sur le plan sportif. Les jours de match avec Soudani, c’était magnifique. Un beau sentiment de fierté. A cette époque les Béni-Safiens étaient sur un nuage, dont ils ne sont redescendus que ce triste jour, où la maladie a atteint ce monstre sacré de la balle au panier. Au talent qu’il détenait, il était aussi un brave et gentil homme, plein d’humilité et d’empathie. Béni-Saf était fière de l’avoir enfantée, de l’avoir vu grandir et évoluer depuis 1949, alors à peine âgé de 14 ans, il intégrait le club en catégories benjamins, club qu’il n’a jamais quitté. Bien sûr, personne ne pouvait imaginer le futur parcours et l’avenir sportif, de ce petit garçon. Un petit garçon qui a été sacré basketteur algérien du siècle, en 2001, par la Fédération algérienne du basket-ball. Fidèle il l’était, tant à sa ville qu’à la JPBS. Je me souviens avoir très souvent utilisé, moi-même le sympathique surnom de «la Perle Noire de la Cité minière», en parlant de cet emblématique basketteur de talent, dans mes écrits quand je collaborais avec les journaux. Il en a fait rêver du monde, des jeunes et des moins jeunes. Que du bonheur et ça faisait du bien. Il donnait de l’espoir à tous les petits. Il a glorifié le nom de Béni-Saf, l’a fait connaître, tant sur le territoire national mais aussi ailleurs, à l’international, à tel point qu’il était connu à Dakar, Brazzaville, Tunis, Chine, Amérique, Cuba etc.
Des équipes soviétiques, chinoises, américaines se sont mêmes déplacées à Béni-Saf pour tâter du terrain «Tabtab Boulenouar» où évoluait la fameuse JPBS, devenue plus tard le Chabab Riadhi de Béni-Saf. La seule et unique fois où a été battue la JPBS, c’est en 1965-1966, par l’USM Alger en finale nationale, alors qu’elle avait remporté le titre de championne d’Oranie, en battant l’ASM Oran. Cette même JPBS des joueurs tels Gharbaoui, Azzaoui, Benallal, Fatah, Sayah, Kheir et de bien d’autres encore, mais aussi le Béni-safien, Larbi Bachir arbitre, aussi rigoureux qu’intransigeant avec la discipline et les règles du jeu. Son coup de sifflet était fatal pour les fautifs. Quelle époque, mes amis(es) ! Quelle époque !

Soudani : la maladie, la déception
Alors en retraite depuis 1999, c’est en pleine visite aux lieux saints de l’Islam, en 2004, que ce symbole du basket béni-safien, est tombé malade, suite à un AVC. Il devait être hospitalisé sur place pendant plus de deux mois avant d’être rapatrié dans un établissement hospitalier de l’est du pays, pour ensuite rejoindre sa ville natale où il s’est éteint, après moult souffrances et autres difficultés financières et matérielles. Malheureusement cette situation reste souvent le lot de nos artistes, de nos sportifs, qui finissent leurs jours dans un dénuement immérité, à l’ombre de leur renommée, et des moments heureux, qu’ils ont pu donner au public durant leur glorieuse épopée.
Il ne serait pas objectif, en respect à sa mémoire, de ne pas retenir que les responsables locaux de cette époque auront été bien décevants quant à l’aide à Soudani Abdelkader et à sa famille, à qui entres autres déboires, il a fallu faire mille et une démarches pour son rapatriement, et pour son accueil au pays.
D’imaginer ses pas de «danse», le ballon en mains, ses dribles, ses jambes en muscle et de résistance, et de revoir ce grand sportif en… chaise roulante, sans pouvoir faire un geste, sans pouvoir parler, lui qui était si dynamique, si animé, si flamboyant, ça me fend le cœur et ça me remplit d’émotion. Je le dis toujours : ça m’est resté en travers de la gorge, et comme pour lui, je revois Mohamed Ali, cet immense boxeur, en chaise roulante, atteint de la maladie de Parkinson. Deux monuments du sport, terrassés par la maladie. A l’annonce de sa maladie, un comité de soutien avait vu le jour, outre mer, le 24 avril 2005, pour tenter de lui venir en aide, et de sensibiliser des personnes. Il était question de lui procurer une prise en charge pour des soins en France.
Une page avait été même ouverte à l’adresse : http://jpbs.soudani.beni-saf.xooit.com au forum des Ouled Béni-Saf. En date du 18 mai 2006, un appel titré : qu’est devenu Soudani, le grand basketteur de la JPBS, avait été lancé en soulignant toute la ferveur de cette ville, où il avait fait vibrer les poumons des Béni-Safiens et des admirateurs qui venaient applaudir la grande équipe de la JPBS.
Hélas, il n’y a pas eu beaucoup d’écho et toujours dans ce forum des Ouled Béni-Saf, pouvait-on lire le 18 avril 2007, cette triste nouvelle, avec l’annonce de l’ouverture d’un registre de condoléances à Soudani Abdelkader. Il est parti à la suite d’une longue maladie. Comme quoi, même à l’étranger, son nom, sa personne étaient connus et aimés.

Un patrimoine à lui seul
Si les précédentes autorités locales et de wilaya, que ce soit sur le plan politique, social ou sportif n’ont pu, pour différentes raisons, faire «quelque chose» pour la mémoire de ce prestigieux basketteur, alors un appel est de nouveau lancé aux actuels responsables pour un hommage à sa mémoire et à ce qu’il a apporté à la ville et au pays. Pourquoi pas, son nom à un stade, à une rue, une salle de sport, un portrait en forme de stèle commémorative, afin que les «vieux», les vétérans, puissent encore s’en souvenir et que pour que les jeunes puissent s’approprier cette tranche de l’histoire du basket-ball dans cette belle cité minière, que Soudani aimait tant et pour laquelle il avait tout donné…
Pour la caricature, Soudani Abdelkader est né un 24 décembre, une veille de la fête de Noël, alors… un cadeau mémoriel pour la postérité locale ?

Soudani Abdelkader, un géant du basket-ball, une légende
Cinquante fois sélectionné en équipe nationale, quatre fois vainqueur de la Coupe d’Oranie, champion d’Algérie et de l’Oranie. Il a été entraîneur de la JPBS (1968-1971), puis au NAR Oran (1971-1975), au NAR Arzew (1975-1976), au MP Oran (1982), au COUS Oran (1985-1987), au CRBS (1993-1994) et à l’USMBA (1994-1998).
Mohamed Seghiouer